1. Une odeur de chrysanthème
Bélinda… Je l’avais rencontré à une de nos soirées habituelles du samedi soir dans un club de l’Upper East Side. Elle restait dans un coin de la salle à siroter un cocktail aux tons orangés. Son allure et sa beauté me firent tout d’abord hésiter à l’accoster. Je ne lui avais jamais parlé et pourtant je savais que cette femme avait du caractère. Après deux bières légères, je pris mon courage à deux mains et me lançai à sa rencontre.
La première chose qui me frappa lorsque je m’approchai est la senteur sensuelle et entêtante qui émanait d’elle. Ces fragrances, je les connaissais. J’avais travaillé pendant quelques années chez un parfumeur pour gagner de l’argent de poche et ce parfum était l’un des plus raffiné, Idylle de Guerlain. Ses effluves s'ouvraient sur une pluie de fleurs, un bouquet frais et joyeux, composé de muguet, pivoine, freesia et lilas blanc. Le cœur dévoilait du jasmin associé à un assemblage de roses. En fond, un accord chypré de patchouli et des muscs blancs s'ajoutait tout en ravissement. Nul doute qu’il s’agissait là d’un parfum pour une femme à forte personnalité.
Je m’approchai prudemment du bar où elle était élégamment assise. Sa robe rouge échancrée sur la gauche mettait magnifiquement en valeur ses formes voluptueuses et dévoilait de longues jambes lisses et soyeuses. Sa chevelure auburn ondulée et éclatante ajoutait à sa magnificence. Son maquillage léger laissait transparaître un teint clair et épuré. Ses lèvres pleines portaient un gloss miroitant de teinte saumoné qui contrastait élégamment avec ses cheveux cuivrés. Elle se retourna avec l’assurance d’une femme qui se savait remarquable et, comme une invitation, elle me sourit en me voyant m’approcher.
Je m’étais assis à équidistance entre elle et le mur qui formait l’angle du comptoir afin qu’elle n’ait pas le loisir de regarder les danseurs zouker sur la piste du club. J’avais bien l’intention de garder son attention focalisée sur moi. Nous avons discuté une bonne partie de la soirée, elle charmeuse et moi dragueur. Le courant passait merveilleusement bien entre nous. Après quelques verres, elle se leva et se campa devant moi dans toute sa splendeur.
—Et si nous allions danser Michaël ?
Elle me prit la main et m’entraina dans la foule des danseurs endiablés. Son déhanché attirait les regards des hommes autours de nous qui se faisait reprendre par leur cavalières jalouses. Nous nous sommes trémoussé ainsi jusqu’aux petites heures du matin. Alors que la discothèque fermait ses portes, elle me jeta un regard qui n’eut pas besoin d’explication. Je lui proposai de la ramener chez moi, elle accepta sans hésitation.
Le taxi nous déposa devant ma porte, un grand penthouse dans une tour à appartements construite en léger retrait du centre-ville. Une fois dans le salon, elle s’assit langoureusement sur le canapé, exhibant ses formes attrayantes comme si elle m’invitait à prolonger la soirée d’une autre façon.
Afin de faire durer le plaisir, je lui proposai quelque chose à manger, mais lorsque j’arrivai devant le réfrigérateur, il était vide. La cuisinière n’avait pas fait à manger puisque je n’étais jamais chez moi le samedi soir. Je retournai mes armoires pour enfin découvrir une simple boite de sardines millésimées.
Cette boite de conserve la fit beaucoup rire et je sortis à la place une bouteille de champagne hors de prix. La soirée fut mémorable pour ce que je m’en rappelle. C’est ainsi que Bélinda et moi commençâmes notre histoire.
Deux semaines plus tard, elle n’avait toujours pas quitté ma suite luxueuse où nous vivions des moments magiques. Elle avait un amour prononcé pour les chrysanthèmes, elle en voulait dans tous les coins de l’appartement. Même si je trouvais que cela donnait un aspect mortuaire à mon intérieur, je la laissais faire car je m’étais entiché d’elle tout comme elle s’était passionnée de ces fleurs inanimées.
Un matin, je partais au boulot, elle me rejoignit dans la cuisine alors que je préparais mon café.
—Je pourrais te rejoindre ce soir à ton travail et nous sortirons au restaurant juste nous deux. Qu’en penses-tu ?
Ne pouvant rien lui refuser, j’acquiesçai et l’embrassai amoureusement avant de quitter l’appartement.
Alors que je roulais dans les rues et avenues qui menaient à ma société de robotique, je repensais à l’énorme projet qui nous occupait, une intelligence artificielle révolutionnaire capable de se faire passer pour un humain dans une conversation courante. Je regardai dans mon rétroviseur et un détail me perturba. Depuis mon départ de l’appartement vingts minutes plus tôt, une voiture grise immatriculé dans l’état voisin me suivait assiduement.
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