2. L'odeur de la peur
—Les rovers ont été conçus pour fonctionner au minimum durant 90 jours martiens et parcourir 600 m à la surface de Mars… Entendait-on à la radio.
Je n’écoutais que distraitement ce journal parlé qui conversait sur l’arrivée de nouveaux rovers américains à la surface de Mars. Mon problème actuel était de déterminer si j’étais réellement suivi ou s’il s’agissait d’un tour de mon imagination.
Pour en avoir le cœur net, je pris trois virages à gauche de suite. La peur s’empara de moi lorsque je vis le véhicule gris réaliser le même manège, j’étais bel et bien suivi. Il n’y avait presque aucun doute sur les intentions de mes poursuivants. J’étais le patron de la société de robotique et de programmation d’intelligence artificielle ayant la plus grande progression sur les marchés boursiers actuels. De plus, notre dernière découverte allait chambouler l’histoire de l’humanité. Cette I.A. remplacerait potentiellement l’ensemble des assistants virtuels et valaient des millions de dollars d’investissements.
Je fus pris d’un accès de panique, je me mis à rouler à vive allure afin de semer les poursuivants. La voiture grise ne réagit pas à ma fuite surprise. Elle continua paisiblement sa route jusqu’à ce que je la perde de vue à un croisement.
Je repris doucement mon souffle, tentant de contrôler le malaise conséquence de la sécrétion soudaine de l’adrénaline dans mes veines. Je recouvrai mes esprits et gagnai le laboratoire de mon entreprise.
Arrivé dans mon bureau luxueux, j’accrochai mon pardessus à une tringle dans l’armoire dissimulée dans le mur derrière mon siège. Je pausai ma tête entre mes mains, le contrecoup me donnait le vertige. J’appuyai sur le bouton afin de convoquer ma secrétaire.
—Bonjour Monsieur Davis, que puis-je faire pour vous ?
—Apportez-moi un café noir, comme d’habitude, et mon emploi du temps je vous prie, Margarèthe.
—Bien sûr monsieur ! Désirez-vous également le journal de la bourse de ce matin ?
—Oui, merci… Et veillez à ce qu’on ne me dérange pas.
—Bien entendu monsieur.
Quelques minutes plus tard, je me retrouvais comme à mon habitude avec mon café, mon journal de Wallstreet et l’agenda de la journée sous les yeux. Cela me tranquillisa de faire quelque chose de coutumier. Après ma lecture du journal, mon regard s’égara sur le parking rempli des voitures de mes fidèles employés. Soudain, l’une d’entre elle attira mon attention. C’était une Mercedes AMG de couleur grise, la même qui m’avait poursuivie le matin même. Je sautai de mon fauteuil, et décrochai mon téléphone.
—Sécurité ! Dans le parking, une voiture grise de marque Mercedes AMG. Veuillez la faire partir je vous prie, si la personne refuse, appelez la police !
—Bien monsieur Davis mais nous avons eu l’autorisation de votre secrétaire de les faire monter pour le rendez-vous qu’ils ont avec vous ce matin. Répondit le garde embêté.
—Pardon ? Ramenez-vous ici et faites-les dégager !
Dans un fracas, deux hommes, en manteaux gris à hauts cols et chapeaux fedora, se présentèrent sans s’annoncer dans mon bureau. Les hommes, dont un était armé et braquait la tempe de ma secrétaire, se dirigèrent à grandes enjambées vers moi. Complètement paralysé de peur, je ne pus réagir lorsque l’homme, grand et mince, m’assomma d’un coup de poing en pleine tempe.
Après ce qui me parut être quelques secondes, je me réveillai dans une sorte d’entrepôt désaffecté, les poignets reliés par une corde. Ma tête me faisait souffrir et du sang séché me barbouillait la tempe gauche. Devant moi, se trouvait une simple table de chantier sur laquelle trônait une lampe halogène. Un homme était assis sur une chaise derrière le bureau et un second debout, la main gauche enserrant son poing droit comme s’il n’attendait qu’un ordre pour en faire usage.
L’homme grand et mince au regard agressif qui me considérait avec insistance, m’adressa la parole avec un accent russe.
—Vous allez me dire où se trouve le code de Minerva.
—Avons-nous eu quelques différends, messieurs ? dis-je sans trop d’aplomb à l’attention de mes deux ravisseurs.
—Ici, c’est moi qui pose les questions, monsieur Davis. Où est Minerva ? Reprit-il d’un ton autoritaire.
—Je ne vous connais pas et je ne sais pas qui est cette Minerva, mentis-je sans trop d’espoir.
—Grégory, peux-tu expliquer à monsieur Davis ce qu’il se passe lorsqu’on me ment ?
Le colosse, un coup de poing américain dans la dextre, se prépara à me refaire le portrait en s’étirant lentement l’épaule avec des ronds de plus en plus amples. N’étant pas particulièrement téméraire, je me ravisai immédiatement.
—Bon d’accord… Att… Attendez… Je vais t… tout vous dire… Balbutiai-je pitoyablement.
Le grand mince leva la main en signe d’arrêt pour son chien de garde de Grégory et ôta son chapeau dévoilant des cheveux coupés courts et un front dégarni. Il esquissa un sourire effrayant qui me fit avaler bruyamment ma salive.
—Voilà qui me semble plus raisonnable de votre part, monsieur Davis. Alors je vous écoute…
—Dans…
Et là… les mots se bloquèrent dans ma gorge. Je venais de réaliser que j’avais dissimulé ma mallette à codes dans un placard secret de mon penthouse. Bélinda s’y trouvait en ce moment, je ne pouvais pas me résigner à la mêler à tout ceci. J’imaginais le pire scénario pour elle lorsque ces deux russes allaient débarquer. Je ne pouvais pas risquer sa vie pour la mienne.
Je décidai de les embabouinés en les menant loin de chez moi. Nerveusement j’étais à bout, il était important que je les garde éloignés de Bélinda. Bien que je ne sois pas un bon menteur, je savais que je devais faire un effort pour la garder à l’abri quitte à en perdre la vie.
—Dans le coffre de ma banque en Suisse, articulais-je rapidement avec plus d’assurance que je ne l’avais voulu.
Les deux truands se regardèrent avec une pointe d’effarement dans le regard. Le grand mince s’approcha de moi, mis son chapeau sur sa tête, se pencha à ma hauteur et me fixa dans les yeux.
—Très bien, monsieur Davis. Je vous crois. Nous partons pour la Suisse…
Il sortit de sa poche un mouchoir qu’il imbiba du liquide d’un flacon transparent. Après l’avoir méticuleusement noyé de ce fluide liquoreux, il me l’appliqua sur la bouche et le nez. Je perdis conscience…
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