6. Odeur de verrat
La nuit était tombée sur l’océan et la lune illuminait le ciel faisant scintiller l’eau sombre. Le paysage achrome brillait d’un magnifique éclat malgré l’obscurité.
Mon hôte avait décidé de se faire servir un repas. Nous commençâmes par un bortsch avec des pirojkis de pomme de terre et de carottes. Une fois l’entrée engloutie, un rôti de porc Orlof nous fut amené accompagné d’une sorte de quinoa ou de mil. Le subtil goût de réglisse que j’en percevais, me laissait perplexe quant à l’origine de cette céréale.
La corpulence de ce « Pasha » était méritée au vu de la gloutonnerie dont il faisait preuve. Son assiette fut terminée en quelques minutes, chaque bouchée ne restait que quelques secondes dans sa bouche immense, même la bouteille de grand cru qu’il avait fait servir fut vidée presque précipitamment. Je lui souhaitais intérieurement de mourir d’une cirrhose suite à ses excès.
Il me laissa à ma digestion et s’entretint un moment avec ses compatriotes puis il revint vers moi l’air contrarié.
— Votre belle amante semble avoir échappé à la vigilance de mes subordonnés. Je ne vous cache pas que cela me désappointe au plus haut point.
Pris d’une bouffée de soulagement, je ne pus retenir un sourire ravi qui sembla contrarié encore plus l’homme d’affaires pansu. Il me fixa d’un regard noir et commença à tapoter fébrilement l’écran de son téléphone qu’il agitait comme un hochet.
— Mais ne vous inquiétez pas, Michaël. Nous allons lui mettre la main dessus. Je vais appeler quelques amis pour la retrouver. J’espère que cela vous rassure. poursuivit-il avec une intonation satanique.
Une fois ces ordres aboyés par l’intermédiaire de l’appareil de communication, il prit un air penché avant de quitter son siège pour rejoindre le pilote.
Me laissant à moi-même, je songeais à ce que je pourrais bien inventer une fois sur place pour les mener en bateau le plus longtemps possible. Devais-je essayer d’attirer l’attention d’un vigile lorsque nous serions à l’aéroport de Genève ? L’expérience du dernier agent tué par ces deux gros bras de russkof me fit penser que ce n’était pas une bonne idée. Je ne pouvais pas décemment mettre quelqu’un en danger comme ça. Devais-je sauter de la voiture en marche lors de notre transit vers la banque ATAG ? Sauf s’ils étaient idiots, ce que je doutais, ils auront pensé à verrouiller les portes du véhicule, à me bander les yeux voir à m’attacher à un siège.
Alors que je faisais passer toutes les possibilités que je pouvais imaginer dans mon esprit fatigué, une idée m’apparut comme la moins risquée pour leur faire perdre du temps. Une fois à la banque, je pourrais décemment donner un code erroné et ainsi bloquer mon coffre-fort. Il faudrait des jours de procédures pour pouvoir y avoir accès à nouveau. J’eus l’impression, à cette pensée, de retrouver un peu de mon autonomie.
L’atterrissage de l’appareil se fit sans turbulence. Les deux hommes de main me sortirent de l’avion, deux neuf millimètre braqués sur mon dos. L’un portait l’arme dans sa dextre, l’autre dans la senestre cachés dans leur veste de costume. À la sortie de l’aéroport, nous prîmes place dans une limousine noire aux vitres teintées et certainement pare-balles. Juste avant de poser le pied dans le véhicule, je fis mine de vouloir refaire mon lacet et entrepris de retirer mon bouton de manchette frappé de mes initiales « MD » comme indices de mon passage en ce lieu.
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