« Chieur d’encre que tu es. Écrivaillon miteux. Plumitif immonde. »

Ces insultes non déguisées et lourdes de sens résonnaient dans ma tête, constamment, plainte lancinante qui éclatait entre mes synapses. Cette voix stridente ânonnait avec insistance quelques anathèmes féroces. Chaque nuit, elle m’extirpait des bras douillets de Morphée.

Encore une fois, j’allais combattre la Voix Mortifère.

Une table en marbre blanc, un thermos d’où exhalait une odeur citronnée et orangée.

Fébrilement, mes doigts se refermèrent sur un stylo de couleur noir, mélancolique et ténébreuse comme mon humeur. La bile issue de la voix nasillarde qui me narguait et m’injuriait quotidiennement avait un goût amer.

Dans un effort surhumain, je réussis à abaisser mon arme littéraire et à toucher cette page blanche aguichante et séditieuse.

Une lettre maladroitement dessinée, un mot anxieusement entaillé, une phrase gauchement agencée. La respiration haletante et la détermination robuste, c’est ainsi que la langue émanant de mon imaginaire se matérialisait harmonieusement. Plus l’encre coulait, plus mon humeur s’éclaircissait.

La Voix allait abdiquer. Je ne laisserai rien ni personne m’avilir et me traiter de rond de cuir littéraire.

D’un geste souple, j’écrivis :

« Écrivain que je suis. Prosateur averti et entraîné. Rédacteur décent et estimable. »