Il attaqua, vif et rapide, mais Andréas para le premier coup. Rubie respira un instant.

Ce fut à son tour de prendre l’avantage. Il fonça sans réfléchir, et un léger recul de son adversaire suffit à le faire tomber dans le vide. Emelus en profita. Deuxième attaque, celle-ci le toucha à la jambe. Il gémit, le sang coulait sur sa cuisse et dans le cœur de sa sœur, mais il ne faiblit pas. Son visage se crispa, il répliqua mais ne parvint toujours qu’à fendiller l’air. Sa cible bougeait, en tous sens, défiant les lois de la gravité. Il était partout sans être nulle part, prêt à bondir avec l’agilité et la prudence d’un félin. Il fallait le désarmer, sans son épée Emelus n’était plus rien.

Il attaqua de nouveau. Andréas sentit le métal perforer sa chair du bas de son torse jusqu’au haut de sa cuisse. Il perdait du sang, mais la fureur l’empêchait de ressentir la moindre douleur. Ses muscles étaient mus par une force surhumaine, pourtant même la bénédiction des sept déesses ne pourrait pas l’empêcher d’échouer. Les pieds de Rubie trépignaient, désireux d’agir tandis qu’elle demeurait collée au cuir de sa chaise. Son esprit se noyait dans ses propres limbes, elle allait mourir de rage si elle restait ainsi ne serait-ce qu’une seconde de plus. Son frère jouait à un jeu mortel dont la seule véritable règle était de rester en vie. Elle devait le protéger, qu’importe les conséquences. Elle n’avait pas le choix.

Ses mouvements cessèrent tout à coup, la laissant concentrer sa force et son énergie à l’intérieur de sa poitrine. L’amour et l’adrénaline qui bouillaient en elle se mélangèrent, irradiant son cœur jusqu’à en faire briller ses yeux. Soudain, la main d’Emelus s’enflamma d’un feu invisible, le forçant à lâcher l’objet de son salut. Andréas en profita pour se jeter sur lui. Oubliant les armes, trop faciles à détourner, il usa de ses poings jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien du pauvre voltigeur que sa femme aurait pu identifier. Plus il frappait, plus le temps semblait se figer. Il sortit vainqueur, et Rubie ne pouvait plus respirer.

Elle haletait, ses poumons se comprimaient et l’air la rejetait impunément. Elle avait perdu tout contrôle sur son être, toutes ses émotions la poignardaient de l’intérieur et elle saignait à torrent sans pouvoir exprimer sa souffrance. Plus elle avait mal, plus le rouge de ses pupilles devenait intense. Elle était en train de mourir, immobile sur une chaise tandis que son frère récoltait les applaudissements de la foule. Peu à peu, ses doigts se desserrèrent de la paume de Théoxane, le forçant à la considérer. A peine eut-il croisé son regard qu’il comprit aussitôt.

- Rubie ? Rubie parle-moi ! Tu m’entends ? Rubie !

Elle l’entendait, mais sa parole et son esprit ne communiquaient plus. Dans le feu de son combat interne, la peur prenait l’avantage.

« Reprends-toi, tu peux le contrôler Rubie, il faut seulement que tu te concentre ».

- Rubie, continuait de s’égosiller Théoxane, si tu m’entends serre ma main. Rubie !

Se concentrer, reprendre le contrôle, brûler encore plus que le feu. Elle avait vécu cette situation des dizaines de fois, aujourd’hui ne serait pas la dernière.

Peu à peu, elle parvint à retrouver une respiration normale.

Inspirer.

Expirer.

Elle ne devait penser à rien d’autre que l’air pénétrant dans son corps.

Inspirer.

Expirer.

Ses poumons qui se dilataient, prenant de plus en plus de place dans sa cage thoracique.

Inspirer.

Expirer.

Tous ses membres qui, oxygénés de nouveau, retrouvaient leurs sensations.

Inspirer.

Expirer.

Elle était vivante, et Andréas aussi. Désormais, il n’y avait plus qu’un homme dans l’arène.