chapitre 16 : pour Rubie Falcon

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Que s’apprêtait-elle à faire ?

A l’approche de chacune de ses actions dans cette Capitale, Rubie se posait la même question. L’équilibre des choses semblait si fragile ici qu’elle craignait de tout réduire en cendres d’un simple battement de cils. Elle se sentait comme emprise d’un rêve dont elle n’était pas prête à se réveiller. Pour le moment, tout lui paraissait si paisible, tandis que tout était devenu si compliqué à Avem. Mais Andréas lui manquait tout de même, et Théoxane… il devait être inquiet pour elle, la cherchant partout sans jamais ne pouvoir la trouver. Rubie se sentit alors coupable. Elle ne voulait pas qu’il souffre, et elle craignait de souffrir elle aussi. Ils étaient si proches l’un de l’autre, elle n’avait jamais vécu sans lui. Quel goût la vie aurait-elle désormais ? Serait-elle aussi fade qu’une limonade privée de ses bulles ? Si Andréas lui fit découvrir le manque, Théoxane avait créé un vide dans son cœur qu’elle était sûre de ne jamais pouvoir combler.

Or elle n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort. L’inconnu lui faisait peur autant qu’envie, et l’envie devait primer. Elle n’avait d’autre choix que de s’accrocher à ce qu’il restait d’entrain en elle, si elle voulait avoir une petite chance d’avancer. Alors elle s’arma de courage, et se présenta, tout de même tremblante, devant la grande porte.

Là, deux gardes en uniforme immaculé se tenaient bien droits, tels des bâtons. Ils étaient immenses, imposants, et Rubie n’était pas grande. Elle dut se dresser de toute sa taille pour se sentir enfin remarquée.

- Mademoiselle, l’entrée n’est pas autorisée aux visiteurs.

Elle hésita à faire demi-tour, comme si cette remarque lui était réellement adressée. Mais ce n’était pas le cas.

- Je ne suis pas… je ne suis pas une visiteuse.

Sa voix tremblotante n’avait rien de convaincant.

- Je suis une porteuse de sphère, balbutia-t-elle en tentant de se rappeler les mots exacts qu’avait employés Salomé.

Puis elle prit conscience de l’objet qu’elle tenait dans sa main.

- Tenez, le nocher m’a donné ce médaillon.

Le garde l’attrapa du bout des doigts et l’inspecta avec la minutie d’un expert. Sans rien ajouter, il la fit entrer.

Avant de passer le seuil de la porte, Rubie ferma les yeux. Elle était ici pour apprendre à contrôler ses pouvoirs, pour devenir plus forte, pour sa famille. Une fois qu’elle y serait parvenue, elle les retrouverait. Ceci n’était qu’une pause, un détour, une aventure de plus dans l’épopée de son existence. Ce n’était en aucun cas un adieu, et elle devait s’en rappeler. Peu importe ce qu’il se passerait dans ce palais, elle le faisait pour Andréas et Théoxane. Pour eux… et pour elle, pour Rubie Falcon.

Quand elle rouvrit les yeux, ce qu’elle vit lui parut encore plus démesuré que ce qu’elle venait de voir. Le Palais de Cristal n’avait pas volé son nom. De long rideaux brodés couvraient les murs parfaitement translucides, tandis que des tapis dissimulaient un sol vertigineux. Le toit, quant à lui, laissait librement traverser la lumière qui se décomposait en un splendide arc-en-ciel de couleurs. Il y avait là quelque chose de merveilleux que la jeune fille aurait pu passer des heures à admirer, mais le garde lui pressait le pas. Malgré son armure de fer, il marchait à une vitesse non négligeable qui forçait la course, chacune de ses enjambées comptant double pour Rubie.

Lorsqu’il s’arrêta enfin, elle pouvait entendre son cœur battre dans ses doigts. Le garde s’était posté devant une tenture rougeâtre, seule touche de couleur visible dans le blanc immaculé. Elle était faite d’un tissu épais, lisse et terriblement lourd. Pourtant une femme l’envoya valser d’un simple revers de la main, un geste dont l’insolence défiait l’entendement.

Elle n’était ni jeune, ni vieille, comme si le temps refusait de la représenter, comme si elle représentait elle-même le temps. La délicate sobriété de sa robe écrue portait toute l’attention sur son visage. Rubie se perdit longtemps dans l’immensité de son regard, il lui sembla y retrouver la nuit étoilée du toit de la septième tour. Théoxane était là, tout petit, coincé dans ces yeux morts privés de vision.

- Mademoiselle Falcon, nous vous attendions.

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