chapitre 22 : souriez, vous êtes filmés
Son visage se décomposa. De séductrice, elle était devenue livide.
- Est-ce une menace, monsieur Rajer ?
- Rien de plus qu’un avertissement. Le Conseil n’aime pas être défié. En plus de cela, il n’existe aucune clef capable d’ouvrir cette porte. Votre sort, comme le nôtre, dépend de leur bon vouloir. Vous haïssez ce fait ? Moi aussi, mais nul ne peut le changer.
Rubie ne répondit pas.
Il n’y avait dans l’air plus aucune arrogance, plus aucun désir, la peur et le sérieux les avaient avalés.
- Vous me paraissez être une joueuse mademoiselle Falcon, alors jouez, mais selon leurs règles.
Une boule se forma dans sa gorge, elle se sentait prisonnière. Rectification, elle était littéralement prisonnière.
- Il doit y avoir erreur, renchérit une certaine Merybelle, le Conseil nous a promis la célébrité, la richesse et le pouvoir. Jamais les sœurs Shenren n’ont mentionné ce genre d’exercice.
L’air bourgeois qui sublimait cette indignation naïve donnait à cette pauvre jeune fille une allure coincée, en plus de son apparente stupidité.
- Les sœurs Shenren mentionnent bien ce qu’elles veulent, sans compter qu’il est évident que tout le monde ne peut pas accéder à l’élite.
- Mais nous ne sommes pas tout le monde monsieur.
Il sourit, amusé par ce discours hors de la réalité. Ces jeunes filles ne comprenaient visiblement pas l’ampleur de leur destinée. Grossière erreur.
- C’est vrai mademoiselle, vous êtes spéciales, mais loin d’être uniques. Quant à la gloire que vous recherchez, ce jeu vous l’offre sur un plateau d’argent. Les moindres de nos faits et gestes sont actuellement retransmis en direct sur tous les écrans de la Capitale.
- Souriez, lâcha Rubie en dehors de la conversation, vous êtes filmées.
A peine eut-elle fini sa phrase qu’une mélodie se fit entendre, un son commercial vide de passion et de sens. Une musique hypocrite.
- Mes chers enfants, quel plaisir de vous voir enfin tous réunis. Les habitants de notre charmante Capitale s’impatientent à l’idée de vous rencontrer. J’espère que vous mesurez l’importance de la tâche qui vous est confiée, dans quelques heures vous apparaitrez comme les emblèmes de notre ville, et les pupilles officielles du Conseil.
Ce timbre faussement amical ne bernait personne, ils écoutaient le discours préenregistré d’un présentateur télévisé.
- Comme vous l’aurez surement deviné, votre première épreuve a déjà commencé. Vous devrez effectivement sortir de cette pièce, mais les choses risquent de ne pas être aussi simples que vous l’auriez souhaité. L’As de cœur glissé dans vos hauts-de-forme vous aidera sûrement à y voir plus clair. La prochaine fois que vous saisirez cette carte, vous y découvrirez un rôle visible de vous et de vous seul. Chacun de ces rôles vous donnera accès à un champ de possibilités spécifique. Certains auront pour but de contribuer au bien collectif, et d’autres non. Parmi vous se cache un meurtrier, une personne dont l’objectif est d’éliminer un maximum de participant sans être découvert. Il sera aidé par des complices, dont il ignorera l’identité. Si vous trouvez qui est le meurtrier, vous gagnez la partie. Des énigmes vous aideront à obtenir des indices ainsi qu’à débloquer de nouvelles salles. De plus, une voyante sera mise à votre disposition. Vous ne pourrez lui poser qu’une seule question à laquelle elle sera forcée de répondre. Pour pouvoir la consulter, il vous faudra trouver l’un des tickets cachés dans chacune des pièces. Bon courage à vous, et au plaisir de vous revoir.
Là, maintenant, tout de suite, Rubie aurait adoré que tout ceci ne soit qu’une farce, mais la voyante fit son entrée.
Annotations
Versions