chapitre 24 : droit de vie ou de mort
A la fois sauveur et assassin,
Paradoxal est le médecin.
Grand joueur du destin,
Deux vies dansent entre ses mains,
Pour le mauvais et pour le bien.
Choisir. Toujours. C’est certain.
Qui sauver du meurtrier, et qui ne verra pas demain ?
La décision vous appartient.
- Alors, s’impatienta Marco, qu’est-ce que ce miroir peut-il bien vous raconter de si intéressant ?
- Tu es le médecin ?
Le vouvoiement n’était plus de rigueur.
Son visage se cristallisa. Comme un réflexe, il sortit son As de son chapeau. Ses traits se détendirent enfin.
- Romantique donc, jolie carte.
- Qui me correspond très mal, déclara Rubie tout en reposant l’objet personnifié qui lui encombrait les mains.
« Bonne journée », susurra-t-elle tout de même, comme une politesse à demi assumée.
- Médecin ne me convient pas vraiment non plus, avoua Marco sans prendre gare à ce qu’elle était en train de faire. Je n’ai jamais été doué pour prendre de grandes décisions.
Il ne s’agissait pas là de simples décisions.
Droit de vie ou de mort.
Jamais Rubie n’avait été aussi puissante, et jamais elle ne s’était sentie aussi faible. Marco et elle étaient désormais liés, non pas par la force des choses, mais par la dure vérité qu’ils devraient tuer pour ne pas être tués.
- Moi aussi, ça me met mal à l’aise.
Surprenant euphémisme.
- Enfin, tenta-t-elle de relativiser, rappelons-nous que tout cela n’est qu’un jeu.
- Sauf que ça n’est pas le cas...
Figée.
L’air préalablement inspiré demeura bloqué dans sa poitrine, l’empêchant de parler, suspendant le moment au fil d’un battement de cœur.
- Je pensais que vous l’aviez compris lorsque Connor a tenté de vous l’expliquer. Quand nous aurons choisi quelle personne tuer, celle-ci risquera réellement la mort, Elya. Elle sera soumise au vote du public qui décidera ou non de la sauver, et le public est rarement généreux. Ces poèmes, comme tout ce qui se trouve ici, n’ont rien d’une métaphore. Ce sont des règles strictes, qu’il faut prendre à la lettre.
- Tu…tu te fichesde moi ?
- Croyez-moi, j’aimerais.
Si elle ne savait pas ses yeux devenus noirs, Rubie aurait juré les sentir briller.
L’angoisse brûlait dans son corps, la tête lui tournait et ses forces la quittaient peu à peu. Lâche, son esprit tentait lui aussi de fuir, laissant à son enveloppe charnelle toute la charge de cette situation. Elle aurait aimé disparaitre, s’échapper, et retrouver la tranquillité ennuyante d’Avem. Elle aurait voulu sentir la chaleur de Théoxane contre sa peau, se blottir dans ses bras et l’écouter la rassurer. Partout ailleurs, sauf ici, voilà ce qu’elle souhaitait. Et voilà ce qu’elle ne pouvait pas avoir.
- Elya… Elya relevez-vous ! Dépêchez-vous, avant que quelqu’un ne vous voit !
- Qu’ils me voient ? Je n’ai que faire qu’ils me voient ! A quoi bon rester dans un jeu où la morale m’interdit de me battre !
- Vous ne voulez pas tuer, très bien, ne tuons pas. Mais vous oubliez trop vite que nous avons de quoi ressusciter deux personnes ! Abandonner reviendrait à les sacrifier !
Peut-être disait-il cela dans le simple but de se protéger lui-même, pourtant, Rubie retrouvait doucement la rage de sa personnalité.
- Vous êtes avec moi ?
- Je suis avec toi, répondit-elle finalement.
- Jurez-le.
Elle hésita, puis se rappela qu’il n’y avait pas à hésiter.
- Je te le jure.
- Très bien, alors il est temps de commencer à jouer.
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