chapitre 36 : apprends-moi à tuer
La mort l’attendait déjà. Elle pouvait l’imaginer, tournoyant autour d’elle, comme un spectre invisible. Omniprésent. Elle la condamnait. Norie la condamnait. Ce jeu, tout ce jeu ridicule, tout était enfin terminé, et pour elle cette fin prenait un tournant définitif.
- C’est vrai, déclara-t-elle en plantant son regard dans les yeux de Marco, si elle meurt, je meurs. Mais si elle devait rester vivante, je mourrais également.
Elle s’arrêta un instant.
- Ce jeu a trop duré, il est temps qu’il cesse.
Puis elle inspira un grand coup, volant au monde une dernière bouffée d’oxygène.
- Dis-moi comment faire, lâcha-t-elle enfin. Apprends-moi à tuer.
Le cœur de Marco s’arrêta. Il ne pouvait pas se résoudre à… il ne pouvait pas l’abandonner.
- Je t’ai promis que tu n’aurais pas à utiliser ce pouvoir Elya, et je tiens toujours mes promesses.
Rubie eut peur de comprendre. Sans en dire d’avantage, il disparut, laissant la jeune fille seule avec ses questionnements. Une seconde plus tard, lorsqu’elle sortit à son tour de la galerie, il semblait déjà s’être envolé.
Elle hurla son nom, ne craignant plus d’être démasquée. Nul ne répondit. Une chose avait changé, la pièce ne sentait plus cette douce odeur poivrée qui n’appartenait qu’à lui. Les bougies ne brillaient plus avec la même intensité. Tout était… plus sombre… plus fade… plus… et tout s’éteignit. Le silence ne dura qu’une seconde. La voix… cette voix… qu’avait-il fait ?
Le présentateur se dispensa de son discours habituel, il annonça fièrement :
- Félicitations, le meurtrier a été démasqué !
Rubie fit un bref tour d'horizon. Norie n’était plus là.
- Comme vous devez sans doute l’avoir remarqué, deux de vos camarades manquent à appel. Marco Da Silva semble avoir découvert les mystères de notre meurtrière, la charmante Norie Fuson ! Son sacrifice vient de sceller la partie ! Au plaisir de bientôt vous revoir !
Enfin, le silence. De nouveau. Toujours ce même silence, rempli d’un bruit ambiant indéchiffrable. Rubie pouvait entrevoir les lèvres qui s’agitaient tout autour d’elle. Elles tournaient, se confondaient jusqu’à ne former plus qu’une. Tous ces visages ne transpiraient que de joie et de soulagement, mais le sien… il était livide, figé comme celui d’un cadavre. Elle ne pouvait plus contrôler son expression, son corps ne lui répondait plus. Le temps d’une seconde, elle resta ainsi détachée d’elle-même, une seconde qui lui parut durer une éternité.
- Elya ? Tout va bien ?
Nala. Ce devait être Nala. Elle avait besoin de sa douceur, de sa gentillesse. Elle devait s’abandonner à quelqu’un, et Nala était la seule avec qui elle pouvait se l’autoriser. Malheureusement, seul Morgan apparut devant elle.
- Je suis désolé, pour Marco.
- Tu ne l’aimais pas, répondit-elle froidement.
- Peut-être, mais je sais que toi, si.
Vrai. Elle l’aimait, pas de cet amour indécent et passionnel, mais elle ressentait pour lui une affection étrange. Une affection unique. Elle l’aimait comme elle aimait Théoxane. Elle l’aimait comme elle aimait aimer.
Où était-il, désormais ? Devrait-il être jugé comme tous les autres ? Pourrait-il lui revenir ?
Il s’était sacrifié… pour elle… pourquoi ? Il ne mentait pas quand il disait qu’il tenait à elle, quand il la suppliait de lui accorder sa confiance. Rubie le savait désormais. Il avait franchi la frontière, celle de l’acte qui confirmait les paroles. Un acte qui allait lui coûter la vie.
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