chapitre 45 : La fiole est jolie, la couleur attrayante et pourtant, c’est toujours la mort qui arrive à la fin.

3 minutes de lecture

Quand sonna midi, Rubie trouva enfin une place au réfectoire. On lui avait installée une table au fond de la salle, avec une chaise et le mur pour faire la conversation. Elle pensait y déjeuner seule et l’idée, dans le fond, ne lui déplaisait pas. Mais Nala vint lui tenir compagnie. Elle s’assis sans dire un mot, comme si cette place avait toujours été la sienne, et Rubie fit de même.

Elle ignorait pourquoi elle appréciait tant la présence de cette fille auprès d’elle. Pouvait-elle réellement la considérer comme une amie ? Elle n’avait jamais eu d’ami hormis Théoxane, et la providence avait eu l’ingénieuse idée de les faire se rencontrer avant même sa naissance. Il était son âme sœur, celui qui la comprenait même quand elle ne se comprenait pas. Nala n’était pas comme cela, pourtant elle était importante, plus que pour simplement tromper la solitude, plus que comme la seule et unique fille qui acceptait de lui sourire. Nala était importante parce qu’elle était Nala, sans doute cela suffisait-il à reconnaitre ses amis.

- Pourquoi tu ne manges pas avec les autres ? demanda-t-elle tandis que Rubie se débattait avec son plat de petit poids.

- J’ai essayé, mais elles m’ont renvoyé les unes vers les autres comme une patate chaude.

Nala sourit à l’entente de cette expression.

- Ce doit être à cause de ta cotte.

- Ma cotte ?

D’aussi loin qu’elle s’en rappelle, Rubie n’avait entendu ce terme que dans le cadre de pari sportif. Qu’avait-il à voir dans ce contexte ?

- Ta popularité au près du peuple, corrigea Nala. Elle a baissé. Sans vouloir te vexer, je crois que tu n’es pas assez… conventionnelle, pour la Capitale.

La jeune fille se tut un instant, essayant de réfléchir à ce qu’elle pourrait répondre, puis se rappela que sa raison lui jouait souvent de mauvais tours.

- J’emmerde les conventions, lâcha-t-elle instinctivement.

Déraisonnable.

- C’est pour ça que les gens te détestent, et accessoirement, que moi je t’apprécie. Ne t’inquiète pas trop, dès que tu seras remontée dans les sondages tu te feras plein de nouvelles copines.

Rassurant, quoique l’hypocrisie ne lui faisait guère envie.

- Si non, poursuivit Nala, qu’est-ce que tu penses de cet endroit ?

Drôle de question, balancé en « passe-moi le sel », qu’elle n’avait jamais réellement songé à se poser.

- C’est… c’est comme un poison. La fiole est jolie, la couleur attrayante et pourtant, c’est toujours la mort qui arrive à la fin. Je déteste le Palais de Cristal et tout ce qu’il représente, pourtant je ne peux fermer les yeux face aux beautés de cette ville si étrange. Mais dès que je me sens heureuse, je me rappelle tout le malheur qui a précédé et mes sentiments se brouillent. Tous mes sens son clos et pourtant en éveil, mon corps vit et sommeil, je ne sais plus si je suis debout ou endormie, morte ou bien vivante. Je flotte dans cette ville comme dans un rêve. C’est étrange, et pourtant tellement réel.

Enfin, elle avait pu poser des mots sur cette sensation perturbante qui lui chamboulait le cœur. Il fallait reconnaitre que parler faisait du bien.

- Je ne veux pas mourir, conclut-elle, et le Conseil me fait peur. Mais je dois admettre que l’idée de posséder de la magie me fait me sentir puissante. Tu sais quand Rose nous apprendra à l’utiliser ?

Le visage de Nala s’assombri, et Rubie crue avoir prononcé un mot interdit.

- Si j’étais toi, je ne compterais pas trop là-dessus. J’ai mis un peu de temps, mais je crois avoir compris comment fonctionnaient les choses ici. Vois-tu, les sœurs Shenren consolident leur pouvoir par le contrôle. Les hommes sont totalement dépourvus de magie, ce qui fait d’eux des menaces mineures. Elles ne craignent rien à leur confier des responsabilités puisqu’ils ne risqueront jamais de les retourner contre elles. Ils ne pourront jamais les égaler ou pire, les surpasser. Nous… en revanche… Notre magie est un danger, et elles le savent. Ne te mets pas le doigt dans l’œil, ce jeu, toute cette comédie, n’existe que pour nous mettre sous cloche. Rose n’est autorisée qu’à nous former dans le but de devenir de belles petites femmes de société, sages et obéissantes, afin que notre don ne serve qu’un seul et unique intérêt : celui du Conseil.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire oc_jds ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0