chapitre 49 : les coups de poignard se donnent en coulisse
- Tu devrais rester dormir, lâcha Salomé dans un bâillement. Tu viens à peine de récupérer et tu te crois déjà prête à retourner en cours ?
- Je suis prête, répondit Rubie, et dois-je te rappeler que c’est toi qui m’as conseillé de me montrer en public. Si je disparais trop longtemps, les habitants de la Capitale risque de m’oublier. Nala m’a dit que ma cotte remontait depuis le… l’incident, je dois en profiter.
- Les joies de la télé-réalité…
- Exactement.
Elle était prête, elle devait s’en persuader. Les émotions touraient encore dans sa tête à un rythme infernale, et elle savait que le seul moyen de les maitriser était de demeurer positive. Elle était Rubie Falcon, elle pouvait le faire. Elle devait le faire.
Ce matin-là, Rose paraissait particulièrement joyeuse.
Rubie s’assis à sa table habituelle, les jambes croisées, tentant tant bien que mal de demeurer concentrée sur sa leçon. Elle sentait la colère se mélanger à l’euphorie, accélérant les battements de son cœur. Ses mains tremblaient. Elle devait se contrôler.
- Ah mes chers enfants, aujourd’hui commence l’une de mes leçons préférées : l’art des ragots ! A la cour de la Capitale, il vous sera nécessaire d’avoir en votre possession nombre d’histoires croustillantes capables de briser une vie bien plus efficacement qu’une lame. Les ragots sont les armes des femmes mes petites, plus encore que nos seins ou notre tour de hanche. Les bonnes informations sur les bonnes personnes feront de vous des dames de haut rang. Au contraire, s’il on apprend une chose qui pourrait vous nuire, vous perdrez dans la seconde tout ce que vous avez construit. Bienvenue dans le monde de la politique !
Elle tapait des mains comme une enfant à qui l’on avait promis un dessert.
Rubie bouillonnait.
La politique. Des trahisons dissimulées derrière de grands sourires, des agissements mesquins cachés dans l’ombre. Des puissants, ne cherchant qu’à accroitre leur pouvoir. Des manigances, des manipulations. Des jeunes filles que l’on exhibe comme des trophées, des garçons que l’on mari par intérêt. La mort, toujours la mort, actrice principale d’une télé-réalité. Elle détestait la politique. Elle détestait en être l’objet.
- Un monde d’hypocrite où les coups de poignards se donnent en coulisse, déclara-t-elle posément.
Toutes les porteuses se retournèrent soudainement, et ses tripes se serrèrent à la vue de tous ces regards. Rubie venait de penser à voix haute, d’agir sans réfléchir, une fois de plus.
- Mademoiselle Falcon, pouvez-vous répéter devant la classe cette remarque qui, j’en suis sûr, est d’une pertinence à toutes nous éblouir.
Elle inspira profondément, il était trop tard pour revenir en arrière.
- Je disais, madame, que ces jeux de cour que vous semblez tant apprécier ne sont que des enfantillages où les nobles préfèrent se cacher derrière leurs faux sourires plutôt que d’assumer ce qu’ils pensent réellement.
- D’assumer… comme vous le faites. Vous me voyez désoler, mademoiselle Falcon, que l’insolence de votre protectrice est eue sur vous une influence si brutale. Je vous pensais plus fière et plus intelligente que cela. Dans un monde où vos ennemis ont des épées et où vous n’avez rien, dire ce que vous pensez ne fera que vous conduire à l’échafaud. En revanche, jouer de vos paroles mettra dans vos mains des cartes qui vous feront bouger les choses.
Ses émotions s’accélérèrent, tournèrent et tournèrent encore. La colère, l’extase, et ce sentiment de toute puissance que déposait la magie. Elle revoyait les coups pleuvant en grêle d’hiver sur le corps de Salomé, elle sentait de nouveau les sphères briller dans ses mains, elle… elle allait exploser. Elle voulait le faire, elle ne voulait plus supporter cette vie, cette ville, une seconde de plus. Plus d’hypocrisie, plus de mort, plus de Conseil. Il fallait que tout s’arrête, il fallait que tout change.
Changer les choses…
Joli espoir, lui soufflait sa conscience.
Dur travail, lui hurlait sa raison.
Était-il légitime d’y croire ? Était-il vital d’en occulter la possibilité ?
- Tu as donc décidé de jouer les rebelles, susurra Nala au seuil de son oreille.
- T’inquiète, je sais ce que je fais.
Quel adorable mensonge.
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