chapitre 51 : l'hypocrisie vous ronge les os

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Rubie ne parvint pas à refermer l’œil de la nuit. Quand Salomé rentra, une heure à peine avant celle du lever, elle l’attendait de pied ferme.

- Tu ne dors pas ? demanda la jeune fille, intriguée de voir Rubie encore debout.

- Non, je… J’ai une question à te poser.

Elle n’attendit pas son approbation avant de rétorquer :

- Comment fais-tu pour quitter l’aile Ouest sans que personne ne te voit ?

Salomé s’installa sur son lit et commença à délacer ses chaussures.

- Pourquoi ? demanda-t-elle d’un air détaché.

- J’ai… je n’ai pas envie de vivre dans un monde que je ne connais pas. Si je dois finir mes jours à la Capitale, je veux…

- Tu auras tout le temps de découvrir cette ville maudite, la coupa Salomé, et crois-moi, elle n’a rien à t’apporter. Je comprends que ta liberté te manque, mais je ne peux pas prendre le risque de te laisser gambader dehors. Ton visage est affiché sur des écrans géants matin, midi et soir. Si quelqu’un te reconnait et qu’il te dénonce, nous y resterons toutes les deux.

Elle n’avait pas tort, mais Rubie savait être discrète.

- Je me fondrais dans l’ombre, personne ne me verra, je te le promets !

- Elya, la conversation est close. Je sais les risques que tu as pris pour moi, et je t’en remercie, mais je ne peux pas te rendre la pareille. Pas pour le moment.

- Tu ne me fais pas confiance ?

Salomé ne répondit pas. Elle retira ses vêtements, puis se glissa toute habillée dans son lit, et ferma les yeux pour les quelques minutes qu’il lui restait.

Quand elle se réveilla, Rubie était déjà partie. Elle qui n’était d’ordinaire pas matinale, la voilà désormais prête en avance. Peut-être avait-elle quelque-chose à régler avec son amie Nala. Au fond d’elle-même, Salomé pria pour que ce ne soit pas quelque-chose de dangereux. Elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait pousser Rubie à désirer aussi ardemment sortir de l’aile Ouest, mais elle savait pertinemment à quel point ceci était risqué. Quand bien même arriverait-elle à quitter le palais, se promener seule dans la Capitale, vêtue à la manière des porteuses de sphères, lui couterait surement la vie. Enfin, pour le moment rien était fait et mieux valait ne pas y penser.

En sortant, la jeune fille trouva le couloir étrangement vide. A cette heure, toutes les porteuses et toutes les protectrices devraient se rendre en cours. Au fait, quelle heure était-il ? Salomé projeta son regard en arrière et vit l’horloge sonner les dix heures. Les dix heures ! Elle avait déjà deux heures de retard ! Au point où elle en était, elle pouvait se permettre de prendre sa journée.

Mais le Palais de Cristal était un endroit tristement ennuyeux. Les passeurs corrompus ne courraient plus les rues, il lui était donc impossible de sortir. Alors elle erra telle une âme en peine, cherchant une occupation pour combler sa solitude. Le destin la mena aux fenêtres de la classe des porteuses de sphères. Elle l’inspecta du coin de l’œil. Rubie griffonnait des mots sur un morceau de papier tandis que Nala l’observait d’un air songeur. Cette fille n’était pas méchante, pourtant Salomé la détestait. Elle avait un mauvais présentiment à son égard, un présentiment renforcé par sa jalousie. La voir ainsi, penchée sur Rubie, lui tordit le vendre et le cœur. Mais elle ne fit rien, restant sagement derrière sa fenêtre, à observer.

Tout à coup, Rubie se leva. Salomé essaya d’entendre ce qu’elle disait; mais le verre obstruait chacun de ses sons. Elle colla alors son oreille contre la paroi glaciale, absorbant ainsi quelques-unes de ses paroles.

- Vous vous croyez parfaites, vous, cachées derrière vos apparences ? La superficialité vous étouffe jusqu’à l’âme ! L’hypocrisie vous ronge les os ! Croyez-vous seulement qu’il vaut mieux que des filles comme vous peuplent le monde plutôt que des filles comme elles, avec des convictions et des valeurs ? Vous êtes tellement aveuglée par le luxe et les paillettes que vous ne voyez même pas qu’ils vous manipulent, qu’ils vous asservissent tels les esclaves que vous serez bientôt ! Vous n’êtes que des objets pour eux, des pions sur leur échiquier ! Vous ne représentez rien, et pourtant ils vous font penser que vous êtes supérieures ! Supérieures à nous, les femmes qui ont gardées la volonté de penser ! Et vous, qui en avez tellement envie, vous les suivez aveuglément.

Rose bouillait intérieurement, pourtant elle la laissa terminer son discourt dans le calme le plus impérial et, une fois qu’elle eut finit, lui demanda simplement de sortir. Son ton, aussi délicat que glaçant, ne laissait aucune place au refus. Rubie décida donc d’obéir, et prit la porte le sourire aux lèvres.

La jeune fille venait de s’attirer plus d’ennuis qu’elle ne pouvait l’imaginer, confirma Salomé dans ce qu’elle souhaitait penser d’elle. Elle n’était pas une porteuse de sphère, elle était plus, tellement plus que cela.

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