chapitre 52 : je ne m'appelle pas Elya
- Le massacre des roses blanches.
Surprise par la voix dans son dos, Rubie se retourna. Elle croisa le regard de Salomé, qui la contemplait avec plus de bienveillance qu’elle n’en avait jamais eu à son égard.
- Comment…
- Tu avais Histoire aujourd’hui, n’est-ce pas ? Une rébellion de porteuses de sphères, se battant pour leurs droits et sauvagement assassinées par le Conseil, je ne connais aucun autre événement historique enseigné dans ce palais capable de donner lieu à ce genre de discourt. Je t’ai entendue, dans la classe tout à l’heure. Le « elles », ces filles dont tu parlais, c’était les roses blanches n’est-ce pas ?
Il n’était pas nécessaire de répondre.
- C’est très dangereux d’exprimer ainsi ses opinions quand elles vont à l’encontre du Conseil, mais c’est aussi très courageux. Mettre ses propres intérêts de côté pour tenter de faire évoluer, ne serait-ce qu’un peu, les mentalités de ses pairs est une chose que je respecte.
Ces mots eurent sur Rubie un effet étrange, lui plaquant sur le visage un sourire qu’elle ne se connaissait plus. Un sourire que Salomé lui rendit, avant de s’en aller.
- Attends !
Maintenant que leurs rapports semblaient s’être apaisés, et qu’un certain respect s’était installé entre elles-deux, peut-être pourrait-elle lui dire la vérité ? Même si cela n’était pas réciproque, elle avait en Salomé une confiance immense. Sans savoir pourquoi, elle était persuadée que jamais cette jeune fille ne lui ferait du mal.
- Je n’ai pas été totalement sincère avec toi.
Salomé arqua un sourcil. Intéressée, elle posa la pile de vêtements qu’elle était en train de plier et alla s’asseoir sur son lit, les oreilles ouvertes aux confidences.
Rubie prit une grande inspiration. Elle s’était engagée, elle devait tout dévoiler.
- En réalité, commença-t-elle, je t’ai menti dès le jour de notre rencontre. Je ne suis pas née à la Capitale, comme tu le sais, mais je ne m’appelle pas non plus Elya Falcon. Mon prénom, c’est Rubie.
Le regard de Salomé se métamorphosa. Pourtant, Rubie n’y trouva pas la peur que son nom provoquait d’ordinaire chez tous les autres. Non. Ce qui brillait dans les yeux de la jeune fille, c’était une forme d’admiration.
- Je ne veux pas non plus découvrir ce monde dans lequel je suis destinée à vivre, je veux le changer. J’ai su bien avant que Marco…
Elle ne parvint pas à prononcer le mot.
- Bien avant qu’il ne parte, poursuivit-elle, que je ne pourrais supporter les règles que ce jeu m’imposait. J’ai tué. Pas directement, mais Léandro Korhonen est mort par ma faute. La Capitale est en train de transformer la personne que je suis, et je refuse de la laisser faire. Je ne veux plus avoir peur, je ne veux plus sentir le poids du jugement qui se pose sur moi à chaque fois que j’ouvre la bouche, et je ne veux plus jamais ressentir ce qui s’est emparé de moi lorsque ce garde c’est mis à te frapper. Je veux être libre, je veux être moi. Sans le savoir, le Conseil m’offre tous les jours la visibilité dont j’ai besoin pour faire entendre mes idées. Cependant, si je veux rester en vie, je dois me fier à un réseau. Une sorte…
- De résistance.
Exactement.
Rubie ne connaissait pas encore sa réponse, mais elle savait que Salomé l’écoutait, qu’elle la comprenait, qu’elle l’estimait.
- J’imagine que Nala fera partit du voyage ?
Surprise, Rubie acquiesça.
- C’est une bonne espionne, et j’ai confiance en elle.
- Très bien. Je vais vous aider. Mais je te préviens, tu es sous ma protection, alors je t’interdis formellement de sortir ne serait-ce qu’une seule fois sans moi. Nala fait ce qu’elle veut, toi tu m’écoutes. Est-ce clair ?
- Très claire.
Une boule se retira de sa poitrine.
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