Chapitre 6
Ma vision se brouille. Je sens une faiblesse émaner de mon corps. Je commence à distinguer les formes qui m’entourent. J’arrive à peine à bouger la tête. J’entends un lit glisser le long du couloir, juste derrière la porte où je me trouve. Pourquoi est-ce qu’il y a…
Je réalise soudain ce qui se passe. Une euphorie se crée en moi ainsi qu’un sourire rêvé. Un sourire que jamais je n’ai cru possible. Je venais d’écouter mes premiers sons !
Quelqu’un frappe subitement à la porte. Je voulais lui dire d’entrer mais reviens à la réalité. Il faudra que j’apprenne à parler avant, car je ne sais pas encore prononcer les mots.
La personne met un pied dans ma chambre. Il s’agit du directeur, accompagné d’une infirmière.
— Monsieur Marceau, comment vous sentez-vous ?
J’essaie de parler dans un langage de la gestuelle qu’il peut comprendre. Je pointe mon pouce vers le haut avec un sourire, et amène mes deux mains en direction de mes oreilles. Je lève mon pouce une nouvelle fois vers le plafond pour signifier que tout va bien et que j’entends.
— J’ai compris. Ma collègue, présente ici même, parle le langage des signes et peut faire office d’interprète pour vous aider.
Avant même de voir son badge, je sais déjà de qui il s’agit. C’est Hélène ! En réponse au directeur, je hoche simplement la tête.
— Il vous faudra un temps d’adaptation pour pouvoir parler correctement, ajoute-t-il, de plus, nous vous informons que vous pourrez rentrer chez vous dès ce soir.
J'ai deux billes à la place des yeux. Je mime :
— Ce soir ? Mais je ne suis là que depuis quelques heures, non ?
Hélène traduit au directeur qui me répond :
— Vous êtes là depuis deux jours, monsieur Marceau, et vous avez l’air de vous être facilement remis de cette opération.
J’acquiesce, me disant que c’est un spécialiste et qu’il sait ce qu’il fait. J’ai loupé deux jours de cours, mais ce n’est pas grave, me dis-je, je rattraperai.
— Reposez-vous M. Marceau. Vous en avez besoin.
Sur ces mots, Hélène et le directeur repartent, refermant la porte dans un faible grincement. Je décide de prendre mot pour mot les conseils du médecin. Je ferme les yeux, entouré d’un monde nouveau composé de sons, de sentiments et d’énigmes. Les profondeurs abyssales d’où je suis ressorti ont mis fin à un vide absolu.
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