On ne fête pas Noël chez les Vega. Pas depuis dix ans. À cette période, mon père chez qui je vis reste seul, s’enfermant dans ses occupations, tandis que je pars en vacances chez ma mère dans l’ensoleillée et riante côte Ouest. Cette année, je compte faire une exception. Dan et moi avons prévu de partir skier dans les Rocheuses avec notre bande d’amis. Tout est prévu : le lodge sympa avec ses plaids doudou aux motifs de saison, les fausses peaux de bêtes blanches jetées sur les banquettes en bois et le feu dans la cheminée. Je ne skie pas aussi bien que Dan et ses amis, mais j’ai prévu une cargaison de bouquins assez conséquente, des tonnes de chocolats et du thé chaud à la cardamome. Tout est en place pour me faire éviter, une fois de plus, la malédiction attachée pour moi à cette période de festivités, et même, pourquoi pas, pour conjurer le sort.

Mais c’était sans compter sur cet elfe de malheur. Cette chose qui fit irruption de ma vie comme un corbeau malade jeté dans notre petit cocon douillet en brisant la fenêtre, et tous nos rêves avec. Lui, n’était pas prévu. Ni ses cheveux, noirs comme la nuit d’où il venait, son parfum de forêt, son regard rempli d’étoiles. Sa peau pâle comme la neige, ses traits étranges, sauvages, ce visage d’ange d’autel. Sa grâce féline, son sourire de loup. Il aurait dû rester dehors, dans la glace et le froid, ne jamais franchir cette porte. Normalement, les esprits censés revenir à Noël, dans les vieilles légendes, restent dehors. C’est une fête familiale. Mais il s’est imposé sans nous demander notre avis. Jusqu’à prendre le déguisement de mon frère Angelo, pour mieux séduire son monde, et tout détruire.

Il va me faire haïr Noël encore plus. Ce que je n’avais pas imaginé, c’était de remettre toute ma vie en question à cause de lui.