Chapitre 10
La première des lois, c’est de ne jamais se coucher face au défi d’un rival.
Le sélectionneur a appelé Dan dès le lendemain. On s’y attendait, mais la nouvelle est tout de même accueillie avec joie et soulagement. Dan a prévenu ses parents immédiatement, et on s’est tous retrouvés à fêter ça tous ensemble, avec la bande, en ville. Pourtant, au milieu de toutes ces célébrations, je me sens bizarrement détachée. Je ne cesse de penser à mon père qui est tout seul, et à Angel, qui est tout seul aussi, chez lui. Finalement, lorsque Dan propose de me ramener, c’est un soulagement.
— T’étais bizarre, aujourd’hui, observe-t-il dans la voiture.
Dehors, je vois un petit garçon courir vers son paternel, déguisé en Père Noël. Il manque de trébucher sur la neige verglacée de la rue, mais son père le rattrape.
— Désolée. Je ne me sens pas très bien, en ce moment. C’est la période qui veut ça.
La main de Dan quitte un instant le volant pour venir serrer brièvement la mienne.
— Je ne voulais pas t’accabler, ma chérie. Je sais à quel point cette maudite fête est dure pour toi. Mais ça va changer. Notre vie va changer.
Dan m’a proposé de le suivre dans sa nouvelle université. On vivrait tous les deux, en couple, pour la première fois. Il a même évoqué, à demi-mots, le mariage… pas pour tout de suite, mais dans quelques années.
Je devrais me réjouir. Mais le suivre dans cette fac voudrait dire que j’abandonne mon rêve d’intégrer une école de graphisme digital. Tout en m’éloignant à la fois de mon père, et de ma mère : l’université qui l’a choisi se trouve sur la côte Est.
— Je ne te trouves pas très enthousiaste… insiste Dan, un léger reproche dans la voix. On ne dirait pas que cette idée t’emballe. Déjà que tu as fait la gueule toute la journée…
Pourquoi ne veut-il pas comprendre ? Pour lui, c’est de l’histoire ancienne, mais pour moi, chaque année, c’est comme si j’étais de nouveau projetée dans cet espace-temps. Je me sens redevenir petite fille, à attendre le retour de mon grand frère à la maison. Ce grand-frère que j’adorais, qui était tout pour moi. Le pilier, le centre de notre famille : je sais que c’était lui, car tout s’est écroulé avec sa disparition. Dan ne sait pas. Il n’était pas là, à cette époque. Et lui, il a une vie normale. Ses deux parents à la maison. Deux petits frères fans de lui et de ses exploits. Ils étaient là hier au match, et m’ont charrié toute la soirée sur « le fae » qui m’accompagnait. Dan n’a rien fait pour les arrêter.
Mais je connais la véritable raison de son amertume. Cette nuit, ça n’a pas vraiment été le feu d’artifice entre nous. J’ai toujours été patiente avec Dan, et satisfaite de ce que j’avais. Mais hier soir… c’était vraiment très dur. En premier lieu parce que j’étais sans cesse parasitée par des visions malvenues.
Un regard émeraude pur et sauvage, le poids d’un corps mâle sur le mien. Un rideau de cheveux de jais renversé sur moi, coulant comme de l’encre noire. Des tatouages tribaux et mystérieux s’entrelaçant sur une chute de reins sculptée. Une odeur d’encens et de forêt, de fourrure et d’épices. Et une voix sensuelle et caressante, un rire complice, qui ronronnait à mes oreilles.
Angel et ses sortilèges. Il a trouvé moyen de s’immiscer jusque dans mes pensées, et au pire moment : celui où je partage un moment d’intimité avec Dan, l’amour de ma vie.
— Je te trouve vraiment étrange, Ree, depuis que cet elfe s’est installé chez vous, assène Dan brusquement. Ton père n’aurait jamais dû le ramener.
Sa remarque lourde de ressentiment me tire de ma rêverie. Je me sens troublée, et par-dessus tout, coupable.
Si Dan savait à quoi je pensais… et surtout, l’effet que ces pensées parasites me font. Il serait furieux, et probablement dégoûté. Les filles qui fantasment sur les elfes ne sont pas des filles bien. Ce sont des sorcières, et des trainées : tout le monde le dit, en ville.
Arrête de penser à lui. Tu peux le trouver beau, comme un cerf sauvage, un loup ou un lynx l’est. Mais ne le laisse pas t’emmener sur ce terrain-là. Tu n’es pas Rowan.
Pas de chance, Angel est dans le jardin, en train de couper du bois. Ce qui plutôt bienvenu de sa part, vu le temps qu’il passe devant la cheminée.
— Encore lui ! grogne Dan en se garant. Il va rester combien de temps, encore ?
Je n’aurais pas mieux dit.
— Jusqu’à la fin des fêtes, je pense, murmuré-je en me penchant pour récupérer mon sac. Quand on reviendra de vacances, il ne sera plus là.
— J’espère bien.
Je jette un coup d’œil rapide à la silhouette athlétique d’Angel. Il est évidemment torse nu, et sa peau fume dans l’air glacé de la fin d’après-midi. Ses cheveux de soie obsidienne sont attachés en queue de cheval, ce qui dégage le tatouage dans son dos. En nous voyant arriver, il pose sur nous un regard désinvolte, puis continue à fendre ses bûches. Précision, rapidité et puissance : voilà ce que ses gestes convoient.
— Ton père a vraiment trouvé son elfe de Noël, plaisante Dan avec un demi-sourire qui ressemble surtout à une grimace. Il fait la bouffe, aussi ?
— Angel essaie juste d’aider papa, marmonné-je. Pour lui rembourser les soins, le gîte et le couvert.
— Ouais. Et de sauter sa fille ! Ces elfes sont irrécupérables : c’est plus fort qu’eux. Dès qu’ils voient une jolie femme, ils ne pensent qu’à la trousser dans la neige. C’est probablement ce qu’il comptait faire, directement sur ce tas de bois !
Je me tourne vers lui, révoltée. C’est la première fois que je l’entends sortir de telles vulgarités.
— Dan !
— Hors de question que je te laisse seule à la maison avec lui. On va attendre le retour de ton père, et je vais lui dire ma façon de penser, d’homme à homme. Ton père est peut-être un rêveur idéaliste, mais il y a des choses qu’un homme doit comprendre !
— Arrête de parler comme si j’étais une faible femme incapable de dire non ou de mettre un bon coup de pied là où je pense, Dan ! rugis-je. Angel sait parfaitement se tenir. Et s’il tentait quoi que ce soit, je le remettrais à sa place vite fait.
— Avec sa magie ? Il t’hypnotiserait en moins de deux. Il pourrait même se faire passer pour moi, tiens, s’il le voulait !
Comme si Angel avait besoin de changer d’apparence pour être séduisant, songé-je, furieuse, et choquée moi-même de la teneur de mes pensées.
Dan sort de la voiture, faisant violemment claquer la portière. Et ça ne loupe pas : Angel arrête de couper son bois, et il se redresse, sa hache sur l’épaule.
Je me tasse dans mon siège. Je n’ai aucune envie de faire les frais d’une bataille de coqs. Si je les ignore, ils vont arrêter.
Mais non. Je les vois s’invectiver violemment, sans pouvoir – ni vouloir – entendre ce qu’ils se disent. C’est Dan qui parle. Angel l’écoute, les sourcils froncés. Je vois ses lèvres bouger et il me semble beaucoup plus calme que Dan, ce qui est étrange, vu leurs caractères respectifs. Il pose sa hache sur le billot, quittant un bref moment Dan des yeux… et soudain, la situation dégénère. Dan empoigne Angel… qui se défend. Et qui prend le dessus. Tous les deux chutent sur la neige.
— Arrêtez ! hurlé-je en sortant de la voiture.
Angel est assis à califourchon sur Dan, qui ne parvient pas à renverser la situation. Il le frappe violemment. Dan tente de se défendre tant bien que mal, mais Angel est déchainé. La dernière fois que je l’ai vu comme ça, c’était sur la table d’examen du cabinet, le soir de son arrivée. Quand il n’était qu’une bête sauvage ramassée dans la forêt nocturne, hirsute et agressif.
— Arrête ! Angel !
Il relève les yeux sur moi. Ils sont comme des pierres noires, vides de tout reflet.
— Je t’en supplie !
Ce regard… y a rien d’humain, dedans. C’est le regard d’une bestiole qui s’apprête à dévorer sa proie. Aussi vide et dénué de sentiments que celui d’un ours. Mais il s’arrête.
Je me précipite sur Dan. Angel récupère sa veste et disparait.
— Dan ! Réponds-moi !
Il est sonné. Angel a dû vraiment frapper fort… Je prends une poignée de neige fraiche et la lui passe sur le visage, pour éviter qu’il ne se tuméfie.
Heureusement, Dan est solide. Il se relève, se secoue la tête.
— Putain…
Je le prends dans mes bras, le cajole. Je sens le regard d’Angel sur nous. Il est toujours là, en lisière des arbres, juste sous le sapin aux branches gélives. Il nous fixe, ses yeux effilés entièrement noirs. Ses épaules se soulèvent au rythme de sa respiration agitée. Il n’est toujours pas redescendu.
Pourvu que Dan ne le provoque pas à nouveau.
Mais Dan, comme moi, a senti le danger.
— C’est pas un homme, c’est une bête sauvage… murmure-t-il en le regardant. Et ton père qui garde ça chez lui… ! Il est complètement inconscient.
— Je sais, oui. Chut.
— La seule raison pour laquelle je ne porte pas plainte, c’est pour lui, Ree. Juste pour lui, parce que ça se passe sur sa propriété, et qu’il pourrait avoir des ennuis pour avoir abrité une telle créature chez lui. Un mec probablement recherché, qui disparaitrait dans la forêt à peine le shérif arrivé au coin du chemin. On ne peut pas les attraper. C’est bien le problème !
J’aide Dan à se relever, mais il chasse ma main et se redresse tout seul.
— T’as entendu, l’elfe ? Je ne porterai pas plainte. Mais si tu touches à Ree, une seule fois… Je te jure que je te tue. Compris ?
Angel ne répond pas. Il nous suit de son regard de nuit, alors que je guide Dan vers la maison.
*
À son retour, papa se confond en excuses, et il examine Dan, avant de lui conseiller d’aller à l’hôpital. Son arcade a gonflé comme s’il s’était pris un coup de crosse.
— C’est rien, monsieur Vega, dit-il en se dégageant lorsque papa tente de tamponner sa blessure. Mais vous ne devriez pas garder cet elfe chez vous.
— Je t’assure qu’il se comporte très bien, d’habitude. Jamais il ne s’est montré violent !
Sauf le premier jour, quand il a tout cassé dans le sous-sol. Mais je garde cette remarque pour moi.
Dan pose son regard bleu pâle dans celui de mon père, résolu.
— C’est un fae, Juan. C’est sa nature profonde d’être mauvais, violent. Vous regardez la télé, en ce moment ?
Papa garde le silence, le visage fermé. Je sais ce qu’il a envie de répondre : la télé propage une seule vision du monde, et ce n’est pas celle des minorités, des opprimés. Mais il a la bonne idée de garder ses idées pour lui, cette fois.
— Un jour, il s’attaquera à votre fille. Comme cet elfe s’était attaqué à Anna, la sœur de Tyler, qu’il a violé dans la forêt, avant de tenter de l’emmener dans leur squat dégueulasse pour la livrer à la sauvagerie de ses frères de gang. Désolé d’être aussi cru, mais vous avez tous les deux refusé de m’écouter. Anna a dû avorter, vous vous rendez compte ? Alors qu’elle est chrétienne pratiquante. Ce fae l’avait mise enceinte… elle aurait donné naissance à un énième changeling, qu’il aurait fallu placer en centre spécial dès sa naissance.
Papa baisse les yeux. Il n’a même pas l’air horrifié. Je le suis, moi. Je ne savais pas tout ça.
— Tu ne m’avais pas dit ça, Dan…
Mon copain tourne un regard froid vers moi.
— Je voulais te préserver de ces saloperies, Ree. Je sais ce que les elfes ont fait à ta famille.
— Les elfes n’ont rien fait à ma famille, coupe papa. Avant Angel, on n’en connaissait pas.
Dan relève les yeux sur lui.
— Ah oui ? Et Angelo ? Il n’avait pas été charmé par une banshee, une de ces femelles elfes complètement folles ? Il n’a pas changé de comportement du jour au lendemain, ensorcelé par cette créature, pour qui il était prêt à faire n’importe quoi, et qui a joué cruellement avec lui avant de le laisser tomber ? N’a-t-il pas été menacé personnellement par Blackfyre, le leader de ce foutu gang, qui a ramené de Seattle ses troupes ultra-violentes ici pour le choper, parce qu’il avait osé prétendre à l’une des femelles de son harem ? Ce n’est pas pour ça qu’il est mort, préférant mettre fin à sa propre vie plutôt que de subir la punition que lui réservaient les lois impitoyables des faes ?
Les yeux de mon père sont devenus aussi noirs que ceux d’Angel. Dan est allé trop loin. Il a brisé le tabou. Parlé de ce dont on ne doit jamais parler.
— Ça suffit, dit-il enfin, la voix blanche. Je ne veux plus entendre la moindre remarque à ce sujet, Dan. Vraiment. C’est la dernière fois que je te le dis.
— Vous avez tort. Vous mettez votre fille en danger !
— Rentre chez toi, Dan. Ça vaut mieux.
La voix de papa a rarement été aussi froide. À croire qu’Angel déteint sur lui. Je suis révoltée et déçue qu’il mette mon mec dehors, mais en même temps, je ne veux plus entendre ces horreurs sortir de la bouche de Dan. Y faire face m’obligerait à me positionner contre mon père et son choix incompréhensible d’accueillir Angel chez nous, alors qu’il fait partie de la bande responsable de toutes ces horreurs. Je devrais quitter la maison, m’installer quelque part avec Dan, chez Tyler probablement, comme on a fait hier soir. Et laisser papa seul avec Angel, qui, à mon avis, s’empresserait de prendre le contrôle du foyer.
Je raccompagne Dan jusqu’à sa voiture. Au moment de monter, il se tourne vers moi.
— Tu es la bienvenue à la maison, Ree, murmure-t-il. Laisse-moi juste parler à ma mère. Elle comprendra. Et dès demain, tu pourras venir t’installer chez nous.
Sa mère ne soutient pas trop notre relation, parce que je ne suis pas une pure WASP comme eux. Mes origines hispaniques… heureusement, le fait d’avoir du sang allemand rattrape un peu.
— Laisse-moi réfléchir.
Dormir dans la chambre de la grande sœur de Dan, partie étudier dans un autre état, ne m’enchante guère. Surtout si c’est pour subir les regards réprobateurs de Mme O’Connell.
Si elle sait que mon père abrite un elfe chez lui, ce sera encore pire. Les Irlandais craignent encore plus les elfes que nous.
J’embrasse Dan, le regarde partie et remonte vers la maison. Angel n’est plus dehors. Soit il s’est enfermé dans sa remise, soit il est reparti dans la forêt.
Pourvu que ce soit la deuxième option.
Pas de chance. Je le trouve à sa place habituelle au coin du feu, en train de subir les remontrances de mon père, les bras croisés.
— La violence ne résout rien, Angel. Tu n’aurais pas dû frapper Dan.
Je jette un regard noir dans la direction d’Angel. Il ne fait même pas amende honorable. Aucun regret, attitude contrite, rien. Il continue à se comporter comme s’il était dans son bon droit, le seigneur véritable de ces lieux.
— Je n’aurais pas dû faire ça chez vous, c’est vrai, admet-il en regardant mon père dans les yeux. Mais je ne pouvais pas le laisser me défier sans rien faire. C’est un homme adulte : il savait ce qu’il faisait.
Le « défier » ? Comme un cerf qui vient brâmer devant un autre à l’orée de la clairière ?
— Justement. Vous êtes deux hommes adultes. La violence ne résout rien, Angel.
— Je ne suis pas un homme, monsieur Vega, répond lentement Angel en fixant papa dans les yeux. Je suis un fae. Ma race ne suit pas les mêmes règles que les vôtres. Si un autre mâle vient me provoquer sur mon terrain, j’ai le droit de répondre à son défi. Je peux même le tuer.
— Tu voulais le tuer ? demande papa, incrédule.
Je sens le choc dans sa voix. Il doit être en train de prendre conscience de ce qu’il a ramené sous notre toit.
Une bête sauvage. Ni plus, ni moins.
— Je n’étais pas sur mon terrain, répond simplement Angel. Et Ree m’a demandé d’arrêter.
Aucune morale dans sa réponse. Pas de « le meurtre, c’est mal ». Juste : « je n’étais pas sur mon territoire ». Sous-entendu : « si je l’avais été, il serait mort. » Super.
— Ree ? demande mon père, qui ne sait probablement plus quoi dire.
Angel est indéfendable. Il le sait.
— C’est votre fille. Je lui suis redevable comme à vous.
Encore cette règle qu’il s’est imposé à lui-même. Une bonne chose, finalement. Qui tempère celle l’appelant à trucider tout individu doté d’un chromosome Y venant « le provoquer » sur ce qu’il considère être son territoire.
Papa pousse un profond soupir.
— Écoute Angel… si tu veux pouvoir vivre parmi nous – et en disant « nous », j’englobe toute cette communauté -, il va falloir que tu mettes un peu d’eau dans ton vin. Tu ne peux pas te battre avec tous ceux qui te regardent un peu de travers. Même ceux qui t’insultent. Si j’avais dû taper tous les clients furax qui m’ont traité de charlatan… (Il soupire à nouveau.) Tu comprends ?
Angel pose son regard farouche sur lui. Le genre de regard qui allume des incendies, dans les cheminées et dans les cœurs.
— Non. Et je ne veux pas vivre dans votre communauté, assène-t-il, brutal.
Dan a raison. Les elfes sont irrécupérables.
— Alors pourquoi tu restes ici, Angel ? Pourquoi tu ne retournes pas vivre parmi les tiens ? ose enfin lui demander papa.
Angel ne lui répond pas. À la place, il me regarde, moi. Je tourne la tête, gênée.
N’essaie pas de prétendre que tu restes pour moi. Parce que je risque d’y croire, et que je ne veux pas y croire.
— Je suis désolé, finit par dire Angel. Je n’avais pas l’intention de vous causer des ennuis.
Ben c’est réussi !
Papa hésite, puis il pose sa main sur l’épaule d’Angel, qui se raidit immédiatement.
Il n’aime pas qu’on le touche.
Papa décode son langage corporel, et, lentement, enlève sa main.
On ne touche pas les créatures sauvages sans leur permission. Il l’avait oublié, cette règle élémentaire de la nature.
— Tu ne me causes pas d’ennuis, Angel, je t’assure. Je veux juste t’éviter les problèmes. Si Dan porte plainte – et il serait en droit de le faire -, … tu pourrais aller en prison !
Les yeux d’Angel se mettent à briller d’une lueur sauvage.
— Jamais je retournerai là-bas, murmure-t-il en croisant les bras plus étroitement autour de son corps. Jamais.
J’échange un bref regard avec mon père. Il avait raison.
Angel a déjà été incarcéré. Probablement dans un de ces centres spéciaux où ils enferment les jeunes elfes.
Cela ne devrait pas me concerner. Il serait même plutôt attendu, après tout ce qui s’est passé, et les révélations que Dan m’a faites, que je trouve normal qu’on isole ces elfes dès l’enfance, vu ce qu’ils deviennent, une fois adulte. Mais réaliser ce qui a dû arriver à Angel me broie le cœur. Je vois très bien le genre d’enfant qu’il était. Le genre terriblement mignon, extraordinairement adorable. Et on l’a abandonné, enfermé, maltraité. Il a grandi derrière des barreaux, dans une cage. Tu m’étonnes qu’il ne supporte pas l’autorité et doive dormir la fenêtre ouverte…
Il se lève et quitte la maison. Avec papa, on le suit du regard alors qu’il repart dans sa remise. Je sais ce qu’il pense. Pas que son protégé est un horrible et dangereux criminel, non. Mais qu’on l’a injustement traité, et que c’est un délit bien plus impardonnable de faire autant de mal à un être aussi beau. Je le sais, car je ne peux m’empêcher de penser la même chose.
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