Chapitre 12
J’ai envie de la goûter encore.
Je passe une nuit agitée, pour tout un tas de raisons. Volets soigneusement fermés.
La dispute avec Dan, qui se fait agresser par Angel. Angel qui parle de « tuer » Dan. Angel qui m’embrasse, qui dit qu’il veut « dormir avec moi ». Et pour finir, la fae chat-huant sur sa branche d’arbre, qui ricane après avoir vu Angel me mettre à la porte, dans ma propre maison.
Une soirée trop riches en émotions et évènements de toutes sortes.
Pourquoi Angel m’a-t-il embrassée ? Officiellement, il est avec Rowan. Mais il semble ne plus vouloir d’elle… Je pourrais le mettre sur le compte du caractère réputé volage des elfes. Sauf qu’il me parle de « sort ». Il dit que je suis une sorcière… ce qui est faux, bien sûr. Mais j’ai besoin d’en savoir plus.
Il faut que j’aille la voir. Rowan. Sa meuf qui « ne l’est pas vraiment, mais un peu quand même en fait ».
Angel dort tard, ce matin. Je me demande comment il a fini sa nuit. Est-il sorti rejoindre cette femelle elfe de son clan ? Elle lui apportait peut-être des informations en cachette de l’ard-æl.
Ou peut-être qu’il est allé batifoler avec elle dans la neige. Lui qui était particulièrement chaud hier…
Je ne devrais pas avoir de telles pensées. Angel ne me plaît pas vraiment. Je suis amoureuse de Dan. C’est juste qu’un homme humain ne peut pas lutter contre la magie et le pouvoir de séduction d’un elfe. Ils ne jouent pas avec les même armes.
Ils n’ont pas les mêmes objectifs, aussi. Angel veut juste s’amuser, me tester, remporter une énième victoire sur moi. Alors que Dan m’aime. Il veut m’épouser.
Une bouffée d’angoisse m’envahit à cette seule pensée. Mieux vaut ne pas penser à l’avenir pour l’instant.
*
— Alors ? Tu as pu vérifier l’authenticité du livre sur les elfes ? Avec le beau seigneur sidhe que tu as à la maison ?
Jolene.
— Ah, désolée. J’ai oublié de te le ramener…
— C’est pas grave. Je te l’offre pour Noël. J’ai l’impression que tu en auras plus besoin que moi, dit-elle en me faisant un clin d’œil.
Je baisse le nez, gênée. Je ne veux pas qu’elle me voie rougir. Ce serait trop humiliant.
Il n’y a rien entre cet elfe et moi. Et ce n’est pas un « seigneur sidhe ». Juste un voyou de Minneapolis.
— Tu sais, les elfes décrits dans ce livre sont très différents des vrais, remarqué-je. Mais merci quand même.
— Ils sont grands et beaux, avec de longs cheveux et les oreilles pointues. Et romantiques, aussi. Ils ont juste changé de look et remisé épées et destriers au placard, c’est tout. Il faut vivre avec son temps !
Romantiques.
« Tu as volé mon cœur. » Suivi, quelques minutes plus tard, d’un sec « bonne nuit, Ree », et d’une porte qui claque. Le mur de glace après la chaleur du volcan.
Ah oui, les elfes sont romantiques. C’est indéniable.
Je me remémore le projet de gang-bang sur la sœur d’Anna. Est-ce qu’Angel y aurait participé, lui aussi ? Faudrait que je lui demande, à l’occasion. Après avoir enfilé une combinaison anti-ours et un casque de moto.
— J’aimerais tellement avoir un copain elfe… continue à pérorer Jolene, les mains sur son pull rose. Tu crois que le tien pourrait m’en présenter ? J’espère qu’ils ne me trouveront pas trop grosse… est-ce qu’il y a des gens en surpoids, chez eux ? Je ne crois pas en avoir vu…
— Angel n’est pas mon copain. Mon copain, c’est Dan. Et les elfes, c’est un mauvais plan, Jo. Enfin… tu es magnifique.
C’est vrai. Elle mériterait d’avoir tous les mecs à ses pieds, avec ses cheveux dégradés sirène. Mais c’est une fille atypique, qui fait peur aux mecs du coin. Et de toute façon, elle ne s’intéresse pas aux hockeyeurs.
— Angel ! s’écrie-t-elle, inarrêtable. Quel beau prénom ! Comme c’est romantique ! Et comme ça lui va bien !
— C’est un surnom que mon père lui a donné, grogné-je. On ne connait pas son vrai nom.
Il n’a pas daigné nous le donner.
— Oh ! C’est sûrement un superbe nom elfique, comme Fëanor ou Tam Lin, minaude-t-elle en rosissant des pommettes.
— J’espère que non. Ce n’était pas deux psychopathes, ceux-là ?
Mais Jolene ne m’entend pas. Elle est partie dans son délire de paillettes et de licornes roses.
— Oh la la ! Je sens une romance de Noël arriver. Vous allez vous embrasser sous le sapin !
Déjà fait.
Et j’avoue que c’était pas mal. « Tam Lin » embrasse vraiment bien.
Mais je ne peux pas dire ça à Jolene. Toute la ville le saurait dès le lendemain, et j’aurais des ennuis.
Bon. Le moment est venu de rendre une petite visite à Rowan.
— Tu permets que j’aille à la boutique de magie continuer mon enquête sur les elfes ?
Je sais que j’abuse. Mais c’est un cas de force majeure.
— Oh oui ! En échange, tu feras venir Angel à la librairie. Hein, Ree ?
— Si le seigneur Fëanor daigne se déplacer. Tu sais, il ne fait pas ce que je veux. C’est têtu, un elfe !
— Je n’en doute pas, sourit Jolene, conquise.
En voilà une qu’il n’aura aucun mal à séduire.
*
Je tombe sur Rowan juste au moment où elle s’apprête à fermer, emmitouflée dans un grand manteau en drap vert houx qui la met particulièrement en valeur, avec ses cheveux roux.
C’est sûr qu’ils forment un beau couple, pensé-je malgré moi.
— Tu fermes ?
Rowan se retourne, surprise. Puis elle me reconnait.
— Vous voulais quelque chose ?
— Pas spécialement. Juste te parler.
— Me parler ?
— Des elfes, de la forêt, du wicca.
Elle me scrute, puis sourit.
— Allons boire un thé. Je connais un très bon petit salon, tenue par une consœur du coven, qui fait des mélanges délicieux.
— Je ne risque pas de me transformer en crapaud, si je bois son jus de citrouille ?
Rowan se met à rire, dévoilant ses dents parfaites.
Elle est vraiment belle. Et Angel qui me fait croire qu’il ne veut plus « dormir » avec elle…
— Ne t’inquiète pas. Allez, viens.
Rowan m’emmène deux rues plus loin, dans une petite boutique toute mignonne bordée par une terrasse en bois recouverte de neige floconneuse. C’est un salon de thé chaleureux, avec des tables en bois, des plaids et des bougies. Rien dans la déco ne permet de dire qu’on est chez une sorcière. Je le dis à Rowan.
— Nous sommes dans une petite ville, et Arabella a besoin d’attirer une large clientèle. Ce n’est pas avec les filles du coven et les sidhes qu’elle arrivera à faire son beurre !
— Les sidhes ?
— Les elfes. C’est l’appellation traditionnelle irlandaise pour les qualifier.
Rowan me présente à Arabella, une grande brune chaleureuse arborant un chignon coiffé-décoiffé et un châle tricoté sur les épaules comme une héroïne de roman anglais du 19ème. Je me dis qu’à sa manière, elle aussi, a le look « sorcière ». Mais un prénom qui ne veut rien dire de spécial, contrairement à Rowan, qui porte le nom du célèbre arbre dont les sorciers font leur baguettes.
— Alors, c’est elle ? demande-t-elle en me faisant un clin d’œil.
Elle ?
— Il semblerait, sourit Rowan.
— Qui ça ?
— La quatrième qui nous manquait pour notre cercle.
— Vous n’êtes que trois ?
— Oui. Sage n’est pas là en ce moment, sinon, je l’aurais appelée.
« Sage ». Comme la plante que Rowan fait brûler dans son magasin. L’odeur qu’Angel avait reconnu dans mes cheveux.
Arabella nous installe dans un petit coin confortable, près du poêle, et prend notre commande. Sans surprise, je prends le chai tea latte maison, au lait de soja. Arabella nous sert les boissons, puis elle s’assoit avec nous, posant une assiette de pain d’épices sur la table.
— C’est marrant que vous disiez que je suis votre quatrième, observé-je en prenant ma boisson entre mes mains pour les réchauffer. Angel prétend que je suis une sorcière.
Rowan pose ses yeux calmes sur moi.
— Oui, tu dois l’être. J’ai senti ça chez toi, quand tu es entrée la première fois… tu as le don. Mais tant que tu ne seras pas initiée, il restera latent.
— Initiée ?
Je me méfie de ce mot, qui évoque les sectes et les gangs elfiques. La dernière fois que je l’ai entendu avant Angel, c’était dans la bouche de mon frère, quand il parlait d’intégrer les Sons of the Black Heart, le clan fae de Blackfyre.
— La prochaine initiation aura lieu le soir du solstice, m’apprend Arabella. Si tu veux, on le fera pour toi.
Rowan lui jette un regard prudent.
— Tu connais la situation chez les fils de la forêt… murmure-t-elle. En ce moment, c’est compliqué.
Je saute sur l’occasion. C’est le moment d’en savoir plus.
— Pourquoi ?
L’échange de regard entre les deux femmes ne m’échappe pas. Mais Rowan soupire, et décide de m’affranchir.
— Il y a un petit problème avec leur ard-æl, en ce moment.
— Leur chef, c’est ça ?
— L’ard-æl n’est pas vraiment un chef au sens strict du terme, répond Arabella en croquant un morceau de pain d’épices. C’est plutôt un guide, un meneur, qui sert de mentor et de « parent » au clan. Mais il y a des soucis de contestation en ce moment. Ils vont peut-être devoir en choisir un nouveau.
— Vous voulez dire, destituer Blackfyre ? demandé-je, une lueur d’espoir dans la voix.
— Ce serait une erreur, grommelle Rowan.
— Ce n’est pas à nous d’en juger, ils savent mieux que nous comment gérer leurs affaires, tempère Arabella. Mais c’est sûr que ça risque d’amener beaucoup de débordements. Surtout, ça va rendre le clan instable pendant quelques temps. On ne pourra pas demander à Shaun d’adouber la nouvelle sorcière le soir du passage de l’année.
— Parce qu’il faut demander la permission aux elfes, en plus ? grincé-je.
— Ce sont eux, la source de magie, ici, confirme Rowan. Les sorcières locales sont le relais de l’ard-æl.
Et du coup, elles doivent coucher avec lui. Hors de question.
— Je refuse que ce Shaun fasse quoi que ce soit avec moi. Il est directement responsable de la mort de mon frère !
C’est sorti tout seul. Je l’ai lâché à ces filles, que je ne connais que depuis cinq minutes et qui sont en admiration totale devant « Shaun ». Mais c’est trop tard. C’est fait. On m’a souvent dit que j’étais trop impulsive… ça doit être ma part mexicaine.
— Je suis désolée pour ton frère, dit Rowan d’un ton sincère. Si je peux me permettre de demander, qu’est-ce qui s’est passé avec Shaun ?
Allez. Tu peux leur raconter.
— Angelo est tombé amoureux d’une elfe rencontrée à Minneapolis où il faisait ses études, réponds-je après avoir pris une gorgée de thé vengeresse. Il a demandé à intégrer le clan… Blackfyre n’a pas supporté. Il l’a poursuivi jusqu’ici… Quant à Angelo, il s’est suicidé.
J’ai balancé ce dernier mot d’un seul coup, du fond de ma gorge étranglée.
Suicidé. Ça sonne comme un gros mot.
— Je suis sincèrement désolée, répètent Rowan et Arabella d’une même voix. Nous ignorions cette histoire… Est-ce que Shaun est au courant ?
Comme si on allait envoyer un avis de décès à ce psychopathe !
— Sûrement que oui. C’est pour ça que le gang est venu ici ! Pour retrouver mon frère, et le punir selon leurs lois. Leur proie leur a échappé, mais le lieu leur a plu, et ils sont restés.
Nouveau regard échangé entre les deux sorcières. Cette fois, c’est Arabella qui parle, de sa voix grave et posée.
— Écoute… Je n’étais pas là à l’époque, mais ça ne me semble pas être du genre de Shaun. Il protège le clan, et ne s’attaque qu’à ceux qui le menacent. En tout cas, il n’aurait jamais empêché une de ses sœurs de vivre une histoire d’amour avec un Autre. Surtout si ton frère voulait intégrer le clan.
Je baisse la tête. Est-ce qu’elle est en train d’insinuer qu’Angelo avait fait du mal à cette fille elfe, et que c’est pour ça que Shaun s’en est pris à lui ?
Non. Il y a une autre raison, qu’elles refusent de reconnaître.
— Il parait que toutes les femelles sont la propriété de l’ard-æl, qu’elles lui doivent obéissance, et qu’il a droit de cuissage sur elles, sifflé-je entre mes dents. C’est Angel lui-même qui m’a dit ça… l’elfe qui vit chez moi.
— Il a dit ça pour te faire marcher. C’est sûr que tous les membres du clan doivent une obéissance absolue à l’ard-æl, mais il n’abuse jamais de ce pouvoir. En tout cas, pas Shaun. Pour lui, tous les membres du clan sont des frères et sœurs. C’est une famille.
Mais bien sûr. Il est parfait.
— Et les humains ? Les « Autres », comme vous dites ? Est-ce que vous niez que les elfes s’attaquent aux humaines, qu’ils les séduisent, les enlèvent, et que c’est même comme ça qu’on se retrouve avec tous ces « changelings » qui forment les recrues des gangs ?
Arabella fronce les sourcils.
— Attention à ce que tu dis : « changeling » est un terme péjoratif. Et c’est tout le contraire ! Les faes nous acceptent parmi eux, mais les nôtres ne veulent pas d’eux. Quant aux accusations d’enlèvement… On l’a oublié, mais il y a très longtemps, c’était les humains qui recherchaient la compagnie du Beau Peuple. Tu connais la ballade écossaise du « chevalier elfe » ?
— Oui. A l’école, on nous a appris que c’était l’histoire d’une paysanne qui se faisait arrêter par un mystérieux chevalier en noir sur un bord de chemin en rentrant du marché, et qu’elle le mettait au défi de faire tout un tas de tâches impossibles pour échapper au viol. Comme Anna, la sœur d’un ami à moi !
— Cette interprétation est fausse, répliqua Rowan d’un ton métallique. En réalité, c’est elle, la paysanne lassée de sa vie sans perspectives, qui appelle l’elfe. Lorsqu’il arrive enfin, elle le supplie de l’emmener avec elle, mais il lui demande de prouver sa détermination, ce qu’elle fait en effectuant toutes les tâches listées dans la chanson. C’est ce qu’Anna a dû faire avec son prétendant : passer des épreuves dans le but d’intégrer le clan.
Ce qu’on a refusé à mon frère.
— Ça ne marche qu’avec les filles, évidemment, grogné-je.
— Oui. Parce que toutes les femelles, normalement, sont sous la protection de l’ard-æl… enfin, en tout cas, c’est lui qui valide ou non les unions. Et dans ce cas-là, c’est la femelle qui doit montrer sa détermination.
— Les mâles attendent donc les bras croisés ? Pratique ! lancé-je d’un ton acide.
— Non. Ils affrontent leurs rivaux. C’est pire, pour eux.
Ah. Ce qui veut dire qu’Angelo aurait dû se battre contre ce Blackfyre… il n’avait évidemment aucune chance.
— Blackfyre se tape donc toutes les elfes de son clan. C’est ce que je disais !
— Shaun ? s’exclame Rowan, choquée. Non… Il avait juste une aventure avec May. Mais Hawthorn a voulu la revendiquer, et ils se sont battus. C’est comme ça que ça s’est passé.
Hawthorn. Le voilà, le nom clanique d’Angel. Il a voulu piquer la femelle du chef… et il a perdu. Ce qui a conduit à son exclusion.
Au moins, il a essayé de lui botter le cul. Je devrais le féliciter.
Mais l’idée qu’Angel soit amoureux d’une elfe ne me plaît pas. Ça ne doit pas non plus plaire à Rowan, surtout que Shaun, son vrai chouchou, est également entiché de la même elfe, la fameuse May.
Elle doit être superbe, comme toutes les elfes.
— Ça ne te dérange pas que Blackfyre et Hawthorn couchent avec toi alors qu’ils sont tous les deux amoureux d’une autre ? demandé-je à Rowan.
Elle ouvre grand les yeux. Arabella, elle, tousse discrètement dans sa main.
— Je ne couche pas avec Hawthorn, par la Déesse ! s’exclame la sorcière rousse. Juste Shaun. Et ça fait un bout de temps que je ne l’ai pas vu.
Merci, mon dieu. Elle ne se tape pas Angel.
Dire que ce petit con m’a fait croire que c’était le cas !
Il va m’entendre.
— J’ai toujours cru que…
— Non. Shaun me suffit amplement.
Tu m’étonnes.
— Parce que c’est l’alpha de la meute ? ironisé-je. Le cerf qui brâme le mieux ?
Arabella tousse à nouveau. Rowan, quant à elle, me lance un drôle de regard.
— Tu as dit que tu avais des questions sur la Wicca, reprend Rowan, apparemment peu désireuse de s’étendre sur sa relation avec Shaun Blackfyre. Que veux-tu savoir ?
— Tout. C’est quoi, cette magie ? Quelque chose qui repose sur des dieux, le surnaturel ?
— Pour nous, c’est naturel. L’énergie qui circule sur Terre, qui relie tous les êtres, tous les existants entre eux, minéraux, végétaux, animaux.
— Et les elfes ? Que vont-ils faire là-dedans ?
— Comme je te l’ai dit, eux aussi sont naturels, et ils ont une affinité avec cette source de pouvoir que nous n’avons pas, ou peu. Aujourd’hui, les fils de la forêt sont considérés comme des ours faisant les poubelles à l’écart de la ville. Mais ils appartenaient autrefois à une civilisation magnifique, d’absolue et pure beauté, qui vivait en parallèle à la nôtre. Nous vivions en harmonie avec eux, dans un respect et un profit mutuel. La conquête des terres sauvages par les Hommes, la destruction de la nature a accéléré leur déclin, malheureusement, et ils sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui. Si tu vis avec l’un d’eux, tu as dû constater que la plupart des apports technologiques sont négatifs pour eux. Ils sont, par exemple, allergiques au fer, et supportent mal la nourriture transformée. Dans la Wicca, nous essayons d’éviter la consommation de ces matières. Surtout si nous sommes amenées à échanger avec les faes et les autres élémentaux.
— Et ces fameuses « règles » dont m’a parlé Angel ? Elles régissent la magie, aussi ?
— Tout à fait. C’est un monde qui obéit à des lois anciennes, qui peuvent parfois sembler cruelles, mais qui sont celles régissant depuis toujours le cosmos et l’univers.
Wow. Beaucoup de grandes idées.
— Et l’amour ? En sont-ils capables, comme nous ? Les vieilles histoires disent qu’ils n’ont ni âme ni sentiment.
Rowan se met à rire.
— C’est faux, bien sûr. Je suis bien placée pour le savoir… Mais ils n’envisagent pas les choses de la même manière que nous. Les elfes font une distinction nette entre le plaisir charnel, ludique et non exclusif, la reproduction qui est une affaire complexe, et le « véritable amour », qui, pour eux, a une valeur supérieure, devant être recherché et protégé.
Le « véritable amour ». Celui dont m’avait parlé Angel, et que, selon ses dires, il ne partageait pas avec Rowan.
Normal. Elle est folle de Blackfyre. Et, si elle dit vrai, elle ne couche même pas avec Angel.
En gros, ils sont juste amis. Peut-être avec intérêts pour lui. C’est sans doute pour ça qu’il l’a mauvaise, et prétend ne plus vouloir d’elle. Parce qu’elle l’a friendzoné.
— Et sur mes hypothétiques dons de sorcière ? Angel prétend que je lui ai jeté un sort…
Rowan se penche en avant. Arabella en profite pour se lever et accueillir de nouveaux clients.
— Justement, c’est de ça dont je voulais te parler. Visiblement, May lui a jeté un sort de poudre des cœurs brisés juste avant qu’il ne quitte le clan. Je t’explique : avec ce sort, la première personne du sexe opposé qu’aperçoit celui qui a été maudit en tombe éperdument amoureux. Apparemment, c’était toi… Or, les elfes ont des sentiments très forts. Il ne renoncera pas à toi facilement.
Un sort. Rien de « naturel », donc.
— Comment faire ? N’y a-t-il pas un moyen de le faire cesser ?
Rowan secoue ses boucles rousses.
— Non. Il doit suivre son cours. Il se dissipera tout seul si… la personne sous sortilège reçoit un baiser de la personne élue par le sort.
La révélation me coupe la chique. Voilà donc pourquoi Angel m’a fait ce rentre-dedans pas possible, et la raison pour laquelle il m’a embrassée ! Maintenant que le sort est levé, il est redevenu lui-même. C’est-à-dire, un elfe au cœur noir et froid, qui n’en a rien à foutre de moi.
— Comment t’es au courant de tout ça ? soufflé-je.
— Shaun me l’a dit la dernière fois que je l’ai vu. Il s’inquiétait que May te prenne pour cible.
Shaun sait qui je suis ?
— May ? C’est l’elfe femelle qui a orchestré tout ça ?
Rowan pose sur moi un regard presque désolé.
— Oui. Les filles faes peuvent être redoutables, et elles sont très jalouses… c’est pourquoi je pense que tu dois être initiée. Pour te protéger. Que tu apprécies Shaun ou non, c’est la seule solution.
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