Chapitre 17

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Il n’y en a qu’une seule que j’ai envie de revendiquer : elle.

Jolene arrive en retard le lendemain, la mine radieuse, escortée par son Shadow qui nous salue de loin avec son petit sourire calme et sûr de lui. Angel vient tout de suite le voir, et les deux elfes conversent bientôt à voix basse dans leur langue. Jolene leur apporte leur café, qu’ils emmènent dans l’arrière-cour pour cloper tranquilles. Je note l’œillade langoureuse qu’elle lance à Shadow, et la façon dont son regard à lui reste posé sur elle alors qu’elle s’éloigne, aussi suave qu’une caresse.

Je m’approche de ma collègue, à la fois prudente et curieuse. Et un peu jalouse, je dois l’avouer.

— … alors ? Ça s’est bien passé avec ton invité ?

Jolene colle ses deux mains sur ses joues rebondies.

— Oh, Ree… Mon Dieu… Si tu savais ! Il est tellement… doux ! Et magique. Et beau. Et attentionné. Et il sent tellement bon… vraiment, je… je suis la plus heureuse des femmes !

Elle est sur un petit nuage.

— Attends… t’es en train de me dire que lui et toi, vous… l’avez fait ?

Je suis incapable de le dire autrement, tellement ça me parait dingue. La veille encore, Jolene n’avait jamais entendu parler de ce Shadow. Angel débarque, lui fait son petit numéro, et, ni une ni deux, elle se retrouve avec un fae d’un mètre quatre-vingt-dix sur les bras, qui vient s’installer chez elle, et qui en plus…

— Oh oui ! s’écrit-t-elle. On l’a fait et refait ! Plein de fois ! Toute la nuit ! Pffiou, j’en peux plus. Il m’a tuée ! Et il est particulièrement bien doté, si tu vois ce que je veux dire. Quel étalon, mamma mia ! En même temps, c’est le mâle alpha d’un clan… je lis beaucoup de romance loup-garou, et les alpha ont toujours une plus grosse qu…

Une cliente se retourne et interrompt Jolene de son regard d’aigle offusqué. Je reconnais Mme Van der Plas, la dame qui vient de perdre son chat persan, conduit au paradis des félins par Angel. Déjà là, à l’ouverture, dès 9h du matin… Je lui fais un petit sourire contrit, et elle s’approche, très digne.

— Alexandra. Où est l’assistant du Dr Vega, ce jeune homme si délicieux ? On m’a dit qu’il était ici.

Je cherche Angel des yeux, mais ne le trouve pas. Il a dû partir faire un tour avec Shadow.

— Il est sorti, Mme Van der Plas.

— Je lui ai fait un petit cadeau pour le remercier de la façon si délicate avec laquelle il a accompagné de l’autre côté mon cher Pêche Melba. Vous seriez bien aimable de le lui donner de ma part !

Elle me tend un paquet sorti de son sac, assez volumineux.

— Oh merci, Mme Van der Plas. Je ne manquerai pas de lui transmettre. Il sera très content de cette attention. Et toutes mes condoléances pour Pêche Melba, vraiment, je…

La cliente me toise, des pieds à la tête.

— Mmh. Si vous me permettez, jeune fille, vous feriez bien de vous dépêcher de lui mettre la grappin dessus. Avec lui, l’affaire de votre père montera en flèche : je ne doute pas que les clients se passeront le mot et viendront de tout le pays pour bénéficier de son extraordinaire savoir-faire animalier. Et en dépit de son look peu conventionnel, cet Angel est un jeune homme très bien de sa personne. Je me doute que vous n’êtes pas la seule ici à vous y intéresser. Moi-même, si j’avais trente ans de moins…

Minimum. La vieille Mme Van der Plas affiche bien quatre-vingts-ans au compteur !

Elle se tourne vers Jolene et pose un gros livre sur les chats de race dans ses mains.

— Maintenant, encaissez-moi, jeune gourgandine, dit-elle en s’adressant à ma collègue. Vous raconterez votre folle nuit avec cet « étalon alpha » plus tard.

Jolene bafouille et prend son bouquin, le sourire jusqu’aux oreilles. J’avoue que j’ai hâte d’entendre son histoire.

Et elle, semble avoir hâte de me la raconter. Elle se tourne vers moi dès que la sonnette de la porte retentit.

— « Étalon alpha », le mot est encore faible… c’est un dieu de la couette, oui ! Cette façon de remuer des hanches, ces tablettes choco ! Et c’est un pro du gamahuchage… la langue magique qu’il a ! Je sais pas encore ce que je préfère, entre sa langue et sa queue. Les deux sont extraordinaires.

Ouch. On rentre dans le dur, là.

— Mais comment tu en es arrivée là ? demandé-je, un peu impressionnée. Tu le connais pas du tout…

— Oh, on a parlé, avant, hein ! Beaucoup. Je lui ai confié mes rêves, mes passions, et il a écouté ma vie inintéressante de petite provinciale fille de mormons avec beaucoup de patience. Lui-même n’est pas très bavard, mais il m’a tout de même raconté son quotidien de chef de clan elfique dans une grande ville : beaucoup moins de baston, de drogue et de sexe que je croyais, mais tout de même mouvementé. Il m’a avoué sans fard qu’il avait plein de femmes, mais qu’il attendait toujours la bonne, celle qui saurait faire vibrer son cœur… c’est pas mignon, ça ? Je lui ai dit que je voulais bien tenter ma chance.

— Tu lui a dit ça ?

Quel culot !

— Exact. Il a rigolé, et a même eu l’air un peu gêné… trop mignon. Comme il a continué à me poser des questions sur moi, je me suis dit : « bah voilà, Jolene, encore un qui va trouver tous les prétextes pour ne pas coucher avec toi. » Et puis tout d’un coup, il m’a regardé dans les yeux et m’a dit avec sa voix si dingue : « Alors ma beauté, tu me veux dans ton lit ? » Là, je me suis liquéfiée, t’imagines… !

J’imagine très bien, oui. Je connais cette espèce d’audace incroyable qu’ils ont.

— J’ai dit oui… Et c’était parti pour le rodéo ! ajoute Jolene. Ça a commencé doucement, remarque. J’avais très envie, mais j’étais impressionnée, tu penses… surtout quand il a débouclé sa ceinture et a sorti cet engin imposant de son pantalon. Nom d’un petit renne de Noël… j’ai cru défaillir. Mais il s’est montré très patient. Il m’a même demandé mon consentement, à chaque étape… et j’ai trouvé sa délicatesse, cet espèce de respect qu’il avait de ma personne, très, très excitant. J’avais jamais connu ça avant, tu vois… y a pas à dire, les elfes, c’est classe.

Classe. Oui, ils le sont. Sauf que ce Shadow a tout un harem à sa disposition à Chicago.

— Tu crois que ça va déboucher sur quelque chose de sérieux, entre vous ? m’enquis-je prudemment. Vu que c’est l’ard-æl d’un gros clan important…

— Je ne sais pas. On verra. Pour l’instant, je profite, et laisse la magie de Noël opérer. Tu sais que je reste seule chez moi, pour les fêtes. J’ai tout le temps pour me vautrer au lit avec lui.

C’est vrai. Jolene vient de l’autre côté du pays et elle est brouillée avec sa famille. Elle a atterri là pour suivre un mec contre l’avis de ses parents, un salaud qui l’a largué après qu’elle ait fait une fausse couche. La dépression l’a clouée ici, et la librairie, pour elle, a été un radeau de secours.

C’est aussi pour ça que je ne veux pas que cet elfe lui brise le cœur. Tant qu’elle l’utilise comme « étalon », ça va, mais si elle s’attache à lui…

— Oh ! s’exclame-t-elle. Avant que j’oublie… Shadow m’a fait des confidences sur l’oreiller. Il faut que te dise, à propos d’Angel…

Ses yeux brillent d’excitation, et mon cœur s’accélère. Je me rapproche pour mieux écouter ce qu’elle a à dire.

— … Dans un village côtier non loin de Portsmouth, il y avait trois sœurs non mariées qui vivaient chez leur père. Un jour, l’une d’elle, en faisant les travaux du jardin, trouva une bague en or dans un bosquet d’orties. Elle en parla à ses sœurs et une dispute s’ensuivit. Finalement, il fut convenu que…

— Jolene, l’interromps-je, qu’est-ce que tu me racontes ? Tu devais me parler d’Angel… de ce que Shadow t’a dit à ton sujet !

Elle fronce les sourcils.

— Ben justement, c’est ce que je fais ! J’étais en train de te dire que justement, tu… Un jeune homme au hameau de Horninglake, non loin de l’immense forêt royale de Savernake, rentrait de la veillée en suivant le muret bordant les bois lorsqu’il entendit un toussotement. Quand il se retourna…

Jolene met fin d’elle-même à son débit torrentiel.

— La tête que tu fais… tu n’es pas contente ?

— Depuis tout à l’heure, tu ne fais que me raconter des histoires sans queue ni tête, Jo ! À toute vitesse, comme si tu étais possédée.

— Mais pourtant, je ne fais que te dire qu’Angel… L’épisode appelé « pêche miraculeuse de Jersey » eut lieu au 19° siècle, quand tout un banc de poissons…

Mon regard désespéré l’arrête encore une fois.

— Ton Shadow. Il t’a peut-être fait des confidences… mais il s’est assuré que tu ne puisses pas me les répéter, dis-je, amère.

La magie elfique, encore. Il a lié la langue de Jolene avec un genre de sort. Elle ne crache pas des limaces, mais des histoires absurdes.

Ce Shadow… il ne recule devant rien. Voilà le genre de type qu’Angel a appelé à la rescousse contre son ancien clan…

Je croise le regard de miroir du fae aux tresses blanches, qui vient de débarquer, plus silencieux qu’une panthère en chasse.

— Si tu as une question à lui poser, demande-lui directement, me dit-il.

C’est vrai qu’il a une attitude coulante et posée, mais sa voix polaire me glace. Il dégage une énergie très différente de celle d’Angel. Quelque chose de froid, d’autoritaire.

Jolene vient se nicher sous son bras. La façon dont elle le regarde… je devine qu’elle est déjà accro.

C’est trop risqué. Les elfes.

*

Pourtant, à nous quatre, on se comporte comme deux couples. Je les invite à la maison pour manger avec nous, et c’est Angel qui fait la bouffe, s’attaquant sans hésiter à l’une des piliers de la cuisine tex-mex que lui a montré mon père cette dernière semaine. Il apprend tellement vite…

C’est la première fois que Jolene vient chez moi. En fait, je n’ai jamais eu l’idée de l’inviter. Pourquoi ? C’est une fille gentille, et intéressante. Il a fallu qu’Angel la case avec son pote pour que je me rapproche d’elle… Encore une fois, je range ce nouvel imprévu pré-Noël dans la magie d’Angel. Debout dans le couloir qui sépare le salon de la cuisine, je le dévore des yeux. Ses bras éternellement nus couverts de dessins étranges, ses longs cheveux noirs attachés sur la nuque. Et lui, penché sur les casseroles comme s’il avait toujours habité ici, avec nous. Comment sa présence a-t-elle pu devenir aussi naturelle, aussi vite ? C’est autre chose que de la magie elfique, du « glamour ».

— Tu n’as pas encore décoré ton sapin de Noël ? me demande Jolene en venant me rejoindre, sa bière à la main.

— Non. On devait le faire, avec mon père, et puis avec Angel, on a croisé ses anciens potes du gang… on est rentrés tard, et après, j’étais plus dans le mood.

Je note que Shadow, posé nonchalamment dans le canapé avec des airs de tigre paresseux, nous écoute attentivement. Ses yeux effilés sont comme deux éclats de glace.

— Si tu veux, on peut le faire tous ensemble ce soir, propose Jolene.

Je me tourne vers elle.

— Faire quoi ?

— Décorer ton sapin de Noël… à moins que tu veuilles attendre le retour de ton père ?

Non. Papa ne voudra pas le faire. Mieux vaut qu’il rentre dans une ambiance de Noël déjà installée.

Je décore donc le sapin avec elle, y mettant les boules transparentes et pleines de fausse neige que j’ai achetées avec Angel. Shadow apporte la touche finale en accrochant l’étoile du berger sur le haut de l’arbre, et je glisse le paquet de Mme Van der Plas sous le sapin. Elle y a mis une petite étiquette en forme de tête de chat, où est écrit « Pour Angel, en souvenir de Pêche Melba ». Noël a définitivement des airs de veillée du souvenir, chez les Vega.

Angel débarque enfin avec une énorme marmite dans les bras, un peu en nage.

— C’est prêt ! Ree, va chercher le riz.

Sans vraiment réfléchir à ce que je fais, je tends la main pour enlever la mèche de cheveux noirs collée en plein milieu de son visage. Il se fige, tout raide… mais il ne recule pas. Nos regards se croisent en silence. Puis se séparent. Il faut que j’aille chercher le riz, et que lui pose le chili bouillant sur la table.

Ce dernier est vraiment réussi. Tout le monde complimente Angel, sauf moi, encore un peu sur la réserve quant à sa facilité à s’intégrer à ma famille.

— Son chili est vraiment bon, insiste Jolene en me regardant. Tu ne le félicite pas, Ree ? Il pourrait aisément gagner le concours de chili annuel !

— Je n’ai aucun mérite, tempère Angel. En fait, je savais déjà le faire. J’avais un ami à moitié mexicain, avant. Il en a fait une fois au squat.

— À Minneapolis ? demande Jolene en léchant sa cuillère pleine de sauce.

Les doigts de Shadow courent sur son dos. Enfoncé dans le canapé, il n’a presque pas mangé.

Je relève un œil sur Angel, brièvement.

— J’avoue que c’était bon. Bientôt, on pourra lui donner le nom de Vega.

— Ça ne me dérangerait pas, sourit mystérieusement Angel, tout en soutenant mon regard.

— Angel Vega ! s’écrie Jolene. Ça sonnerait plus vrai si on rajoutait un O.

Un silence gêné s’ensuit.

Jolene ne sait pas.

Je me sens obligée de lui dire.

— Angelo était le nom de mon frère, qui s’est suicidé la veille de Noël.

La pauvre Jolene met sa main devant sa bouche.

— Oh ! Ree… je suis tellement désolée… je ne savais pas !

Je ferme brièvement les paupières.

— C’est pas grave. Après tout, on se connait peu… et ça fait dix ans. Au bout d’un moment… on finit par l’accepter. Plus ou moins.

Elle pose une main compatissante sur mon dos. Cette fille… elle aussi, elle est sans filtre.

— Quel âge avait-il ? demande-t-elle doucement, sans cesser de me frotter l’omoplate.

— Dix-sept ans. Il était en première année de fac. Aux Twin Cities, justement, dis-je en relevant les yeux sur Angel.

Ce dernier les garde baissés sur ses mains. Son dos est rond, ses sourcils froncés.

Ouais. C’est de la faute de ton foutu clan. De ton salaud d’ard-æl, Shaun Blackfyre.

Mais je ne peux pas lui en vouloir. Il a coupé les ponts avec eux… il s’est même opposé à eux. Pour me défendre, notamment. Alors, je décide d’arrêter les frais, et de laisser le fantôme d’Angelo repartir dans les ombres de la maison.

— Bon ! Ça vous dirait d’aller boire un vin chaud au marché de Noël ?

Jolene bat des mains, faisant immédiatement remonter la température de dix degrés.

— Super idée ! J’ai toujours pas eu le temps d’y aller !

*

La boisson alcoolisée réchauffe un peu les cœurs. Il y a plus de monde qu’avant-hier, et le soir, les illuminations donnent une ambiance plus gai au lieu qu’au crépuscule. Jolene mange une barbe à papa, achète quelque babioles, et Shadow la surprend en lui prenant un collier en argent – sûrement payé en feuilles mortes – qu’il met tout de suite autour de son cou. Ce couple qui agit de façon aussi naturelle me rappelle ce que j’ai perdu avec Dan. Je les regarde partager un baiser passionné sous le nez effaré et admiratif des badauds, qui ne savent pas trop ce qu’ils doivent penser de ces deux elfes isolés qui se promènent tranquillement avec leurs compagnes humaines. Je sais que je passe pour telle à leurs yeux… même si Angel reste plutôt silencieux et loin de moi.

Après avoir fait un dernier tour, Shadow finit par décréter qu’il est temps de rentrer.

— Je suis fatigué, ma beauté. Je suis impatient d’aller au lit, déclare-t-il avec un sourire mi-figue, mi-raisin.

Les joues de Jolene rosissent immédiatement.

— Oh ! Bien sûr. Moi aussi, je suis épuisée, tiens. Vu le peu qu’on a dormi la nuit dernière…

Elle va pas remettre ça… tous les deux, avec leur sans-gêne, ils se sont bien trouvés.

Shadow nous adresse un dernier regard de chat, puis il part, aussi soudainement que la veille. Jolene nous fait un coucou rapide et s’empresse de se coller à lui.

— C’est dingue, murmuré-je en le regardant s’éloigner. C’est vraiment le couple de l’année… comment t’as su que ça allait matcher aussi bien entre eux ?

— Je connais Shadow, répond Angel en se positionnant à ma hauteur. Je savais qu’elle lui plairait. Viens.

Il prend ma main, et m’emmène plus loin, vers le labyrinthe de Noël installé dans le parc. Je suis étonnée du manque de monde, mais en même temps, les attractions populaires ne sont pas de ce côté, et en dépit de quelques guirlandes sporadiques, le labyrinthe couvert de neige est assez sombre.

Je suis soudain prise d’une espèce de mélancolie triste. J’ai froid. Le fait d’avoir repensé à Dan et Angelo, d’avoir vu Jolene et Shadow si heureux ensemble… et le pire, c’est que je m’en veux d’avoir de tels sentiments, aussi toxiques et égoïstes. Je voudrais réussir à être une meilleure personne. Mais j’y arrive pas. J’y arrive pas.

Angel marche devant, comme toujours. Sa haute silhouette sombre – cheveux noirs, habits noirs - se découpe sur le blanc immaculé des murs de neige. Il s’arrête. Son sixième sens… Mais je ne veux pas qu’il me voit comme ça. Il en a déjà trop fait.

Il se retourne. Voit mon visage dévasté de larmes, pathétique.

— Ree.

Il me regarde, les sourcils froncés. Ses beaux yeux posés sur moi.

Pur, trop pur pour ce monde, Angel.

On dit que les elfes sont impitoyables, qu’ils vivent en meutes sans lois comme les loups. Sauf que les loups ne sont pas les animaux cruels qu’on décrit. Et les elfes non plus.

Angel s’avance vers moi d’un pas résolu, le visage fermé, presque fâché. Et, d’autorité, il me prend dans ses bras. Lui qui n’aime pas être touché… et moi, qui me montre si méchante avec lui, depuis le début.

La vérité, c’est que je le déteste d’être si parfait. D’être le frère que je n’ai pas pu avoir, celui qu’on m’a enlevé. D’être le fils rêvé pour mon père. Et le petit ami que je n’aurais jamais osé imaginer avoir, même dans mes rêves les plus fous.

Ce mélange de douceur et d’assurance. Et surtout, le respect et l’attention silencieuse dont il m’entoure. Il ne me dit pas de ne pas pleurer. Ne cherche pas à en profiter, à m’embrasser. Juste, il est là. Me donne un peu de sa chaleur. Petit à petit, abaisse les défenses si lourdes que je me suis forcée à ériger. J’espère juste qu’il n’écrasera pas la chose molle et fragile, l’escargot sans sa coquille, qu’il trouvera à l’intérieur.

Mais je suis prête. Prête à lui faire confiance. Et à rester ici, contre lui, la joue contre son T-shirt, à respirer son parfum.

— Je veux bien, finis-je par murmurer dans le cuir de son perfecto.

Sa main caresse doucement l’arrière de ma tête.

— Tu veux bien quoi, Ree ?

— Que tu m’aides à devenir une meilleure personne.

Sa poitrine, contre laquelle je suis, est secouée par un rire bref.

— Comment ça ?

— En m’apprenait à aider les animaux.

— Tu veux devenir une sorcière ?

Sa voix est tendre, ronde et chaude.

— Appelle ça comme tu veux. Moi, je crois que c’est devenir une bonne fée.

Nouveau rire, doux et amusé.

— D’accord, Ree. Je suis sûr que tu feras une excellente fée.

— La fée carabosse, sûrement…

— Non, je te donnerai un autre nom.

Un nom. Il va me donner un nom. Du genre de Rowan, ou Sage.

— Ça va se passer comment ?

— Comme tu le souhaites. Les filles te diront quoi faire. Dans un premier temps, c’est elle qui vont te former.

— Et ensuite ? Je vais devoir passer une initiation secrète pour rejoindre le coven ? demandé-je en m’écartant légèrement pour mieux voir ses réactions.

— Ensuite… tu verras à ce moment-là, me répond Angel.

— Et si le contenu de l’initiation ne me plaît pas ?

— Tu pourras choisir de ne pas le faire, à tout moment, Ree. Ce n’est pas une secte.

J’enfouis à nouveau mon visage contre ses cheveux à l’odeur d’encens. Non. Je voudrais que ce moment dure toute la vie.

— Même si ça consiste à passer la nuit avec toi, Angel, chuchoté-je en me cachant le visage dans son T-shirt, je suis d’accord pour le faire.

Je me suis montrée aussi directe que son ami Shadow, vu que lui, Angel, ne propose rien. D’ailleurs, il ne répond pas à mon avance un peu maladroite et un peu honteuse. J’ignore même s’il a entendu.

Il reste là, immobile, me protégeant par son étreinte de la neige qui s’est remise à tomber.

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