Chapitre 31
L’heure est venue.
Je me résigne à passer le réveillon seule avec mon père. Je n’ai pas la foi d’inviter Jolene. Surtout après ce que Shadow m’a forcé à regarder. May embrassant Shaun à pleine bouche… je ne peux pas me défaire de cette image. Pourtant, il faudra bien. Shaun, les elfes… tout ça, pour moi, c’est du passé.
Mais je ne peux pas déroger au savoir que cette aventure m’a donné. La rencontre avec Shaun m’a changée, c’est indéniable. Je ne suis plus la même Ree, même sans lui. Je ne serai plus jamais la même. Rien que pour ça… je lui suis reconnaissante.
Il m’a libérée. Donné le courage d’être moi-même, de savoir ce que je veux, et ne veux pas. Et dans la journée, au lieu de me morfondre, j’ose ce que je me refusais avec Dan : j’envoie un formulaire de demande de rendez-vous avec le dean de l’université qui propose la formation en graphisme digital qui m’intéressait, en Californie. Autant dire l’autre bout du monde, pour moi… mais j’ai besoin de changer d’air, et je me sens prête à m’envoler.
C’était trop beau pour être vrai. La magie, finalement, ça n’existe que dans les contes de fées.
Pourtant, après les courses du réveillon à Target, je décide sur une impulsion de faire un saut à la boutique de Rowan.
La sorcière rousse paraît surprise de me voir.
— Amber ! Je suppose que tu es au courant, pour les Black Heart. Shaun a repris le lead du clan…
J’acquiesce sans rien dire. En voyant ma tête, Rowan comprend que je ne me suis pas rabibochée avec lui. Elle le savait aussi, sans doute. Puisqu’il est revenu avec May.
Normal. C’était sa compagne, quand il était ard-æl. Et après tout… c’est moi qui l’ai rejeté.
— Tu es venue pour quoi, Ree ? demande doucement Rowan.
— Pour t’acheter du gui. Même si je ne deviendrai jamais un sorcière, finalement, ce n’est pas une raison pour tourner le dos à toutes ces traditions anciennes que tu m’as appris.
Rowan baisse ses longs cils.
— Ree… Tu es une sorcière. Tu n’as pas besoin de l’approbation de Shaun, ni de quiconque, pour ça. Ni même de moi, tu sais.
Je la regarde, elle, sa beauté généreuse, son sourire contrit. Et les larmes me montent aux yeux.
— Rowan… Je peux te serrer dans mes bras ?
— Bien sûr, ma sœur.
Et elle m’enlace. Je m’abandonne sur son épaule. Pas trop quand même. Cette fille a déjà beaucoup fait pour moi.
— Je voudrais qu’on reste amies, lui dis-je lorsque nous nous séparons. Est-ce que je pourrais passer vous voir, lorsque je reviendrai ici, pendant les vacances universitaires ?
Je sais déjà que je ne reviendrai pas. J’aurais besoin de bosser dur pour me payer cette formation, même si mon père a promis qu’il m’aiderait. Mais j’ai besoin de croire que je vais garder un pied dans ce monde merveilleux.
— Bien sûr, Ree, me rassure Rowan. Tu pourras passer quand tu veux. Mais… tu ne comptes rien faire, pour Shaun ?
Je secoue la tête.
— Non. Je pense que je l’ai blessé trop profondément… en fait, je ne le méritais pas, Rowan. Je ne lui ai pas fait confiance. Et maintenant… il a fait son choix.
Rowan me regarde en silence.
— Shaun est vraiment difficile à apprivoiser, Ree, dit-elle enfin. Mais je crois que toi… tu avais réussi.
Non. J’ai échoué. J’ai failli avoir cette chance, c’est vrai… mais je l’ai laissée passer.
— Je lui avais écrit une lettre… commencé-je.
— Tu devrais la lui remettre, coupe-t-elle.
— Je l’ai jetée.
C’est faux. Elle est dans ma poche. Je l’ai récupérée dans la poubelle, et défroissée.
— Dommage, soupire Rowan. Tu sais… Shaun va probablement déplacer le clan, maintenant.
Maintenant. Que le problème Angelo est réglé, puisqu’il a pu transmettre son dernier message, la vérité sur sa mort. Maintenant que je l’ai rejeté, et qu’une autre, plus adaptée à lui, l’a ramassé.
Je pourrais me battre, mais…
— Tu sais où il est ? demandé-je en relevant la tête vers elle.
— Au squat, je pense.
Le squat. Dans la forêt interdite.
— Tu peux y aller sans crainte, maintenant que Shaun est redevenu ard-æl, me dit Rowan. Tu te souviens du chemin ?
— Oui. Il faut tourner trois fois autour de l’arbre…
— Exact. Le sens inverse pour repasser.
— Merci, Rowan.
— Y a pas de quoi.
Je décide de prendre le risque et d’aller voir les Black Heart. J’ai peur que ça fasse quémandeuse, et je dois avouer que ça me fait très peur, mais j’ai décidé d’être sincère et d’affronter mes peurs. Je dois tout jeter, tout conclure avant la nouvelle année, pour repartir sur de nouvelles bases. C’est le cadeau que Shaun m’a fait. Me libérer du passé.
Alors, je prends le chemin de la forêt. Marche sur le sentier entre les arbres silencieux et solitaires, les oiseaux qui pépient, surpris, les animaux ensommeillés. Et, arrivé au fameux arbre qui marque la frontière, je fais le tour trois fois dans le sens des aiguilles d’une montre et pénètre dans le véritable cœur de la forêt, le territoire des Black Heart. Je sens immédiatement que je suis repérée. Mais on ne m’intercepte pas. Et, au bout d’une petite dizaine de minutes, j’arrive en face de l’ancien centre de vacances, au bord du lac.
Il a l’air abandonné. Mais bien sûr, il ne l’est pas. Il y a un enfant elfe qui se baigne, avec deux camarades. Je les observe un moment, ne sachant pas trop si je peux les approcher. Finalement, je prends le risque. Les petits s’arrêtent de jouer en me voyant. Celui qui est sur la berge se retourne.
— Tu peux donner ça à Shaun ? lui dis-je en lui tendant la lettre.
Il la prend lentement, sans me quitter des yeux. Les siens sont d’un bleu outremer, aussi scintillants que des saphirs.
Une elfe apparait en lisière de la maison. Grande, avec d’immenses cheveux blonds parsemés de tresses et de colifichets, son ventre tendu à l’air et des bracelets en forme de serpent ceignant ses bras musclés. Elle marche vite, gracieusement, mais de façon déterminée.
Il est temps de partir.
Elle ne me suit pas. Debout près de l’enfant qui tient toujours ma missive froissée, elle me regarde m’éloigner, de ses yeux insondables.
*
Moi, je n’ai toujours pas ouvert la mienne, de lettre. Je n’ai le droit de le faire qu’au Nouvel An… Minuit, donc ? Ou maintenant ?
Tant pis. Je tente.
Assise sous un arbre du jardin, une tasse de thé fumant du magasin d’Arabella à côté de moi, je profite des derniers rayons du soleil de l’année, particulièrement éclatant aujourd’hui. Je sors la lettre de ma poche, la décachète. Elle ne se consume pas entre mes mains. C’était bien pour aujourd’hui. Je peux la lire.
L’écriture de Shaun… elle est nerveuse, élégante et noire, comme lui. Directe, aussi. Il s’adresse à moi comme si j’étais en face de lui. À tel point que j’ai l’impression d’entendre sa voix.
Alexandra (tu permets que je t’appelle Alexandra ? J’adore ce prénom. Je le trouve classe et sexy, mystérieux. Comme toi.)
Je suis enfin libéré de mon serment, mais je sais que Rowan t’a déjà tout balancé. Elle a toujours été immensément loyale : je la respecte énormément pour ça, et j’aurais aimé pouvoir lui donner ce qu’elle veut. Mais je n’y peux rien : je suis amoureux d’une autre, qui n’est ni elle, ni May. Toi. Je suis fou de toi depuis le jour où ton regard a croisé le mien, c’est comme ça. Je pense que c’est parce que j’adorais ton frère… J’adore ta famille, Ree, cette constellation qui gravite autour de toi. La chose que je regrette le plus, dans ma situation, c’est de ne pas avoir un petit système sympa à te vendre avec moi. Ma galaxie à moi, c’est une Voie Lactée d’emmerdes, de traumas et de violence. Mais aussi une meute de loups, fidèle et loyale, qui montre les crocs et peut ronronner aussi, donner des coups de langue et de nez. C’est tout ce que j’ai à t’offrir… Je sais que ça ne sera jamais suffisant, et même trop pour une personne souhaitant habiter en Normalité. Le full package : un elfe tatoué et sa famille dysfonctionnelle, un type qui ne se pardonne pas de ne pas avoir réussi à sauver son seul ami non-fae, qui a le syndrome de l’abandon et une peur panique du rejet et de l’enfermement (oui les deux en même temps… c’est pas facile à gérer.) Tu vas en chier avec moi, et tu souffres déjà par ma faute, je le sais. Je suis bien le premier responsable de la mort de ton frère, Ree : c’est aussi pour ça que je ne pouvais pas nier. Il est mort, en dépit de mes super pouvoirs, qui se révèlent toujours inutiles au moment crucial, le jour où je veux vraiment les utiliser. Je suis arrivé trop tard pour l’aider, et trop tard pour le réanimer. Mais pas trop tard pour botter le cul de Tyler. J’aurais voulu le tuer, Ree, je te l’avoue… mais comme je ne suis pas un assassin, et que je ne veux pas l’être, je lui ai juste volé ses rêves. Tout comme il a volé les miens. Ceux d’Angelo. Ceux de tes parents. Et les tiens.
Demain soir, je vais récupérer le clan qui est le mien. Cela va nous séparer définitivement. Mais je ne peux pas les abandonner, Ree : ce serait trahir tout ce en quoi je crois. Mes parents ont échoué, les leurs aussi : moi, je ne peux pas me permettre de les décevoir. Je dois être là pour eux. Je sais que tu es très fâchée contre moi, déçue, et que tu n’accepteras pas un elfe chef de meute qui vit dans les bois et mange de la pâtée pour chat comme compagnon (j’en rigole, mais cet épisode me fait horriblement honte. Ne le raconte jamais à Shadow ! Il ne me laisserait plus en paix.). Je ne pourrais pas non plus jouer le rôle d’Angelo pour ton père, malheureusement. Je ne serais, au mieux, que le mec de sa fille (et l’ancien meilleur ami de son fils…)… même si j’aurais aimé avoir un père comme lui. Le mien est un putain de fae aux dents pointues rendu fou par la disparition de son monde, qui arpente la lisière des derniers espaces sauvages avec une bande d’elfes vengeurs comme lui. Il a enlevé ma mère qui rôdait trop près de son territoire et lui a planté un changeling dans le ventre comme tu l’avais deviné, et à cause de cette blessure irréparable, de toute façon, elle ne pouvait pas m’aimer. Mes pouvoirs de guérison ne vont pas jusque-là malheureusement : je peux guérir les tissus, voir où ça fait mal, mais je ne peux rien faire pour les plaies de l’âme. Entre nous, le coup de poignard initial, c’est mon incapacité à sauver ton frère, et mon silence, ma honte. Je sais que cette faille nous sépare irrémédiablement, je ne suis que trop conscient du gouffre entre nous. Mais je ne peux empêcher mon cœur de battre pour toi, et uniquement toi, Alexandra. De brûler d’une passion sauvage et inconditionnelle, plus éclatante encore que le feu féérique.
Je ne t’oublierai jamais.
Entre les étoiles et entre les mondes, quoi qu’il arrive, je resterai toujours ton Angel.
Shaun
Une larme épaisse s’écrase sur le papier. Shaun… mon Angel.
Pourquoi faut-il que tout soit si compliqué ?
*
Je devrais me sentir triste, mais je me sens apaisée. C’est l’effet que la lettre de Shaun m’a fait. Il dit qu’il est incapable de soigner les blessures de l’âme, mais c’est faux… il m’a guéri. Il nous a guéri, papa et moi. Mais il nous manque, ce soir. Dans la cuisine, où il s’affairait avec sérieux et concentration, maladresse, parfois. Dans le sous-sol où il veillait les petits patients à fourrure, à griffes et à crocs. Dans le salon, où son rire chaleureux retentissait. Près du foyer, où les flammes dansaient dans ses yeux, comme aimantées par lui… et dans la remise, là où, patiemment, nuit après nuit, il a apaisé le fantôme d’Angelo qui s’attardait et l’a raccompagné par la porte, lui qui en tant qu’elfe, est capable de les ouvrir et de les voir. Non, je ne regretterai jamais son séjour chez nous, même s’il est parti en volant mon cœur, comme le faisaient ses ancêtres de la chasse sauvage, qui ne laissaient derrière que des fous bienheureux et des enveloppes vides. « Embrassé par les faes ». C’était l’euphémisme pour désigner les malades mentaux, expliquait le livre de Jolene…
— Ree ! Ça sonne !
Qui ça peut-être ? Je me dirige vers la porte, pressée par un espoir fou. Et si… mais il n’y a personne. Rien qu’une boule de gui, au sol… Je me baisse pour la prendre, alors qu’une bourrasque de vent glacé soulève mes cheveux et mords mes joues. Je saisis la boule et ferme vite la porte.
— Il fait vraiment froid ce soir, je pense que demain, on sera coincé ici par la neige…
— J’espère que tu m’inviteras à dormir, alors, répond la voix suave et grave d’Angel dans mon oreille.
Je me retourne, les joues en feu, les yeux agrandis. Il est là, juste là…
Ces yeux vert émeraude, intenses, félins. Ces longs cheveux noirs qui cascadent sur le cuir du perfecto. Ce visage d’archange, et ces oreilles pointues, toujours ornées de trois anneaux d’argent.
— Shaun, réussis-je à murmurer, incrédule.
Il me sourit timidement.
— Je suis venu amener le gui… tu l’avais oublié chez Rowan. Et je tiens à t’embrasser dessous à minuit. Si tu le permets, bien sûr…
— Ils… ils t’ont laissé partir ?
— Encore heureux, réplique-t-il en fronçant ses beaux sourcils. Je suis pas leur prisonnier… !
— Mais tu vas fêter le Nouvel An sans eux…
— On ira les voir plus tard, si tu le veux bien. Je voudrais te les présenter… si tu es d’accord, Ree.
Me présenter son clan, qui me déteste. Et pourtant, ça me parait être la meilleure idée du monde.
Tout ce qu’il veut, pourvu que ça le fasse rester quelques heures encore.
— Rowan m’a dit que tu songeais à déplacer le clan…
— Je pensais à la Californie, réplique-t-il avec un léger sourire, un peu taquin.
La Californie. Là où je veux faire mes études d’art.
— Et May ?
— May ? Je lui ai expliqué que ce n’était pas parce qu’elle était l’ard-ælla de Hawthorn que je devais la revendiquer pour moi. C’est fini, cette époque, ces coutumes barbares et primaires. De toute façon, j’ai déjà une copine, bougonne-t-il comme si on l’avait insulté.
Il me regarde, l’air d’attendre quelque chose. Mon approbation, visiblement.
Je ne peux pas le quitter des yeux. Je bois ses paroles, m’enivre de son odeur.
Angel. Mon Angel. Il m’a tellement manqué…
Soudain, mue d’une impulsion irrépressible, je me serre contre lui. Il parait surpris l’espace d’une petite seconde, puis réplique en m’embrassant avec une joie féroce, brutale.
— Ree… ma sorcière, souffle-t-il douloureusement. Je ne peux pas renoncer à toi. Je peux pas. Vraiment pas.
— Moi non plus. Tu m’as tellement manqué, Shaun… oh, si tu savais !
Il m’étreint plus fort.
— Je sais. Je sais.
Il enfonce son visage dans mon cou, couvre ma gorge, mes cheveux et mes oreilles de baisers. Je me sens toute molle dans ses bras, et heureuse, tellement heureuse.
— Oh ! s’écrie papa. Angel. Justement, on t’attendait. Qu’est-ce que tu veux boire ?
Shaun s’écarte, mais prend ma main sans la moindre gêne devant mon père, sûr de lui et conquérant. Aussi à l’aise qu’au début, quand il se sentait chez lui.
— Un campari orange, répond-il avec un grand sourire. Mais on pourrait fixer le gui d’abord. Je m’en occupe, si vous voulez.
— Très bien ! Je te laisse faire. Je vais préparer ton verre pendant ce temps-là. Tu manges combien de queues de langouste, Shaun ? Une, ou deux ?
— Deux, ça ira très bien, monsieur Vega.
— Tu peux m’appeler Juan. Ah, faut que je coupe le riz.
Sans lâcher ma main, Shaun le suit jusque dans le salon, tout naturellement, comme s’il n’était jamais parti. C’est là que je remarque l’écharpe qu’il porte autour du cou, et le pull à chats offert par Mme Van der Plas. Les larmes me montent à nouveau aux yeux, comme une gamine. Je n’ai jamais autant chialé que ce mois de décembre…
— T’as amené tes affaires ? murmuré-je en apercevant le baluchon style « sac de boxe » dont Shaun vient de se délester.
— Oui… mais ce soir, si ça ne te dérange pas, je dors dans ta chambre. Je crois qu’il va faire très froid cette nuit, et que la neige va bloquer la porte. Impossible d’aller jusqu’à la remise.
— C’est sûr, rétorqué-je très vite, la gorge un peu nouée. Tu n’as pas d’autre choix.
— Pas d’autre choix, non. Et je te préviens, je ronfle.
J’éclate de rire, reconnaissante pour sa tentative de baisser la tension. J’ai très chaud, et d’ailleurs, je réalise que je ne suis ni habillée pour un réveillon, ni maquillée.
Est-ce que je me suis seulement épilée…
Il se penche vers moi.
— … Mais je compte pas trop dormir, chuchote-t-il très vite, et si bas que je ne suis pas sûre de ce que j’entends.
Je rougis violemment. Il sourit, content de son petit effet.
— J’ai pas oublié, Ree. C’est ce soir que tu deviens une vraie sorcière. Ma sorcière, plus précisément.
— J’ai pas oublié. J’attendais le retour de mon elfe de mon Noël, répliqué-je sur le même temps. Je compte sur lui pour bien travailler cette nuit.
Je lui glisse un clin d’œil, enhardie.
Une lueur nouvelle s’allume dans ses yeux.
— Oh, tu vas voir comme je suis travailleur, grogne-t-il, la voix un peu rauque. Si t’arrives à marcher demain, Ree, ce sera un exploit.
J’ouvre de grands yeux, et pousse un long sifflement.
— Eh bien… mais qui êtes-vous, et qu’avez-vous fait de mon timide Angel ?
Il hausse les épaules, redevenant soudain innocent.
— Désolé, j’ai pris un stage chez Shadow. Et non, je l’ai pas invité, parce je voulais avoir ma belle-famille pour moi tout seul, ce soir. Je suis un sale elfe égoïste.
— Il sait probablement que tu es là.
— Probablement, oui. Mais on verra ça demain.
— Une fois que la neige aura fondu, chuchoté-je.
— Quand elle aura fondu, répète Shaun sur le même ton.
Je ne doute pas de sa capacité à la faire fondre. Il a déjà dégelé mon cœur.
Je glisse ma main le long de son visage, caresse doucement la pointe de son oreille, sous ses cheveux si doux.
— Tu dis que tu n’as pas le pouvoir de guérir les âmes… mais c’est faux, Shaun. Tu m’as guéri. Embrasse-moi.
Il s’exécute, les yeux un peu brumeux. Juste sous le gui. Il n’est pas encore minuit, loin de là. Mais on a toute la nuit pour s’embrasser, toute la nuit - et plus encore - pour s’aimer.
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