La lettre
Après le banquet qui avait marqué la fin de le famine, Luce avait commencé à voir régulièrement Eria, et une semaine plus tard, ils devenaient inséparables. Messilia avait recommencée ses classes sur la demande de Mme. Stagne, qui y avait envoyé sa fille, âgée de 20 ans. Audeline avait du mal à apprécier la compagnie de Luce et d’Eria durant les leçons. Il fallait la comprendre la pauvre, ça ne devait pas être facile d’être aidée par des enfants bien plus jeune. Cependant, Messilia n’arrêtait pas de la féliciter, ce qui lui redonnait du courage. Au village, seule madame Stagne et Lola Naranjo, la mère d’Eria, encourageaient les jeunes gens d’apprendre à lire. En général, la proposition intéressait bien peu de monde.
Quand ils n’aidaient pas Audeline pour la lecture, Eria et Luce allaient sur la plage et jouaient à éviter d’être touchés par les vagues écumantes. De temps en temps, Terio et ses copains venaient les embêter, et alors ils couraient se cacher à la lisière de la forêt, ou, ils commençaient une bataille de sable qui finissait mal. Une fois, ils s’étaient tous fait enguirlandés par Mme. Stagne.
Bientôt, les jours ensoleillés revinrent, et l’activité principale de La Croc-Mitaine devint le labourage des champs. Tout le village s’attela à la tache. Pendant que les adultes retournaient la terre, les adolescents repartirent à la chasse, les enfants de l’âge de Luce surveillèrent les troupeaux, et Messilia, aidée par les anciennes et les jeunes femmes, élabora de nouveaux vêtements pour tout le village. Le temps normal reprenait son cour, chacun savait ce qu’il devait faire.
Sauf Luce.
Un temps passa sans qu’il ait à se préoccuper de ce que pourrait signifier chez lui des changements pour le moins étranges. Mais les images de dragons, épées, chats et flammes, apparurent de nouveau, l’empêchant de dormir la nuit. Il ne savait pas s’il devait en parler à sa mère ou à sa meilleur amie. Il passait ses nuits blanches en compagnie des chats qui venaient lui rendre visite, tout en tournant et retournant dans sa tête les innombrables questions à propos de son père, de sa mère et de lui même. Au bout d’un moment, ses questions passaient dans son esprit sans s’attarder, et furent remplacées par des questions sur les montagnes qui coupaient La Croc-Mitaine du monde. Puis, petit à petit, il se rendit compte qu’il avait plus envie d’explorer cette terre et ses secrets qu’il ne l’avait cru. Ils se mit à rêver éveillé, pendant qu’il surveillait des moutons en compagnie d’un autre garçon. Ou encore, pendant qu’il dînait. À tout moment il s’échappait de la réalité pour se plonger dans un monde remplit de dragon et d’elfe. Messilia était inquiète, Luce le savait. Elle devenait plus stricte sur le fait qu’il ne devait pas quitter seul le village, alors, agacé par sa protection excessive, il commença à faire des excursions dans la forêt. Un jour il y trouva un grand châtaigner, haut comme une maison, qui devint bientôt son coin favori. Il s’y hissait avec le livre d’Eria dans la main, et parfois avec Eria. Au début elle avait eu peur de grimper, mais au fur et à mesure qu’ils s’y rendirent, elle commença à apprécier l’arbre autant que lui.
―Tu grimpes vraiment très rapidement tu sais, avait t-elle dit un jour, alors qu’elle remontait sa robe pour grimper plus facilement. Il avait répondu en grognant, comprenant qu’elle faisait allusion à la longue liste de choses qui le rendait, d’après les villageois, différent des autres. À son grand soulagement, elle n’avait pas plus abordé le sujet.
Le lendemain, elle avait dû garder son petit frère et sa grand-mère, et Luce en avait profité pour se rendre à la cavité cachée par le lierre, qui lui servait de cabane. Cependant, en entrant, il se rappela des dessins et voulut ressortir immédiatement. Pourtant il resta, et observa ce qu’il restait des personnages. Tout avait été effacé par la marée haute, mais les paquets de sable irréguliers montraient qu’il y avait eu des dessins, ou quoi que ce soit qui avait modifié le sable lisse. Luce redessina le chat, la flamme, le loup, le grimoire, et les deux dragons. Il fit autant de détail que lui permettait le sable. Enfin, il dessina l’épée, le bâton, un autre dragon, et un simple point d’interrogation pour remplacer la silhouette floue qui n’arrivait pas à sortir des ténèbres de ses pensées. Puis, il traça une ligne entre les deux groupes. Cependant, le point d’interrogation resta en dehors des deux espaces, dans son propre camp.
Le regard de Luce se perdit dans chaque détail des grains de sables. Il ne vit plus que la matière les composant. C'était une chaude lumière. Tout à coup, l’aspect des dessin changea.
Le sable délimité par les traits commença à s’élever dans l’air, laissant des creux dans le sol découpés par la silhouette des personnages. Ceux-ci commencèrent à prendre forme en l’air.
Luce observait le processus automatique du modelage du sable en retenant sa respiration. Ses yeux grands ouverts ne quittaient pas les masses de sable flottantes.
Bientôt le chat pris forme. Il était de la taille d’une tasse, et ses fines moustaches, réalisées par des grains de sables alignés, frémissaient. Ses yeux sans pupilles n’étaient qu’un trou ovale sur son visage. Il bailla, comme s’il était un être tout à fais normal, laissant apparaître des petites dents de sable blanc. Puis, il bondit sur un sol imaginaire et s’arrêta devant la flamme. Elle aussi était terminée, et elle dansait comme un vrai feu. Les deux dragons passèrent au dessus d’eux. Comme sur le dessin d’origine, l’un était plus petit que l’autre, et le suivait partout. Enfin, le loup apparut, avec le grimoire dans la gueule.
Luce observait, fasciné, ses petits personnages qui se déplaçaient dans l’air autour de lui. La peur initiale avait laissée la place à l’émerveillement. Il essaya d’attraper le chat, mais celui-ci se décomposa et repris forme à côté de sa main. Tout joyeux, il essaya d’en attraper d’autre, et il se passa la même chose. Quand il voulut attraper la flamme, elle se décomposa, et se recomposa en forme d’homme. Ce n’était pas un homme adulte, mais presque. Bien que maintenant elle avait une silhouette humaine, ses contours étaient toujours ceux d’une flamme. L’homme-flamme se déplaça et alla s’asseoir à cheval sur le chat, qui était deux fois plus grand que lui. Les dragons se posèrent derrière eux, et à l’unisson, ils tournèrent leurs regards vers l’entrée de la grotte. La joie de Luce s’échappa. Il n’avait pas remarqué qu’en face, l’épée, le bâton et le dernier dragon avaient aussi pris forme. L’épée et le bâton avaient également un être humain, qui les soutenaient. Les hommes n’avaient pas de visage ni de détail, et Luce supposa que c’était parce qu’il ne les avait pas dessinés. Mais dans ce cas, comment étaient-il apparus ? Le porteur du bâton monta à cheval sur le dragon qui montra les dents. Alors il décolla, et commença une bataille aérienne avec les deux autres masses de sable reptiliennes. La flamme humaine sortit une épée de nulle-part, et se cramponna sur le dos du chat. Celui-ci hérissa son poil de sable et se lança contre l’épéiste. Le grimoire avait lui aussi acquit une forme humaine, féminine cette fois, qui le soutenait en l’air comme par magie. À ses côté, le loup décapitait des petites formes d’homme sorties du sol sans que Luce ne s’en rende compte. La bataille de sable l’effraya sans qu’il sache pourquoi, et il souhaita que ses dessins redeviennent normaux.
―Stop ! cria t-il ne sachant que dire d’autre.
Mais les poupées de sable n’obéirent pas à sa demande. Le loup continuait de déchiqueter les hommes de sable qui continuaient d’apparaître, le grimoire les repoussait à l’aide de coups invisibles qui détruisaient les corps fragiles. Les trois dragons s’enroulaient les uns autours des autres donnant des coups de griffes, des morsures, et de temps en temps, des flammes de sable sortaient de la bouche des deux plus grands. De son dragon, le magicien lançait des sorts à la sorcière au grimoire. La flamme humaine continuait ses échanges de coups d’épée avec l’épéiste sans visage, en comptant sur son avantage d’avoir une monture. Celle-ci donnait de temps en temps des coups de pattes, sur lesquelles étaient apparues des petites griffes. À chaque fois que l’un d’entre eux était blessé, la blessure se laissait voir par une coupure dans le corps. Le sable qui avait été enlevé par un coup de griffe ou d’épée, retournait prendre sa place au fond des trous où il y avait quelques minutes, s’étaient tenus les simples dessins inanimés.
Terrifié par l’issue que pourrait avoir l’étrange bataille, Luce chercha un moyen de les arrêter. Mais il n'avait aucune idée de ce qui avait provoqué ce phénomène. Il tenta plusieurs fois d'intimer des ordres aux poupées de sables, mais celles-ci refusaient d'obéir. Finalement, ne pouvant plus supporter la violence de la scène, le petit garçon se recroquevilla et ferma les yeux.
L'agitation cessa.
Une à une, les figurines de sable se mélangèrent de nouveau avec la plage. Les personnages issus de son imagination revinrent aux trous, remplissant leurs silhouettes vides et reprenant leur aspect de simple dessin. Il les effaça immédiatement, et il ne se rendit compte qu’à cet instant, que le point d’interrogation n’avait pas bougé. Il l’effaça aussi et sortit en courant de la grotte.
Le temps était de nouveau gris sur La Croc-Mitaine, et les vagues, également grises, se fracassaient contre la plage. Luce se rendit compte que la mer était en train de monter, et que s’il était resté quelques minutes de plus, l’eau aurait commencée à s’engouffrer dans sa cachette. C’était l’inconvénient et le danger de l’endroit: à la marée haute, les vagues recouvraient la paroi.
Les mouettes planaient contre le vent, se laissant porter par celui-ci tandis qu’elles lançaient leur cri strident. Luce remplit ses poumons de l’air salé de la mer. Sa respiration était saccadée, et il avait les jambes qui tremblaient. Il dut appuyer ses mains sur ses genoux, et rester ainsi ,haletant, durant quelques minutes. Quand enfin il cessa de trembler, une vague de question envahit son esprit.
Comment les dessins avaient-il pu devenir matériel ? Comment avait-il déclenché ce phénomène ? Comment l’avait-il arrêté ? Pourquoi s’étaient-ils battus ? Pourquoi le point d’interrogation n’avait pas réagit ? Pourquoi son poignet était-il devenu lumineux ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?…
Qu’est-ce ce qui avait provoqué cela ?
Luce cherchait la réponse en marchant de retour au village, pourtant rien ne lui venait en tête. Rien mis à appart une chose.
Il se mit au pas de course à la recherche de Messilia. Le vieux bois du quai grinça sous ses pieds, tandis qu’il le remontait. Il déboucha sur l’allée principale et fila vers chez lui, à l’entrée du village. Il trébucha plusieurs fois, et s’éclaboussa en marchant dans des flaques d’eau, restes de la tempête. Quand enfin il arriva chez lui, il était couvert de boue comme s’il s’était roulé dedans. En poussant violemment la porte de planche il appela sa mère.
Pas de réponse.
Alors il courut chez les Hapernel et regarda par une des fenêtres. Elle était là, en train de discuter avec Paula et son mari, Gol.
En pénétrant dans le salon comme une tornade, il alla se jeter sur les jupon de Messilia et hurla:
―Est-ce que Lyan savait faire de la magie ?! »
Il n’y eu plus aucun sons dans la maison des Hapernel. On aurait dit que le monde entier avait arrêté de respirer. Messilia était devenue livide et regardait son fils la bouche ouverte comme un poisson.
Le premier son qu’on entendît fut celui de pas dans l’escalier, et Luce sut que l’un des enfants de Paula était descendu.
Luce, toujours embrassé à sa mère, la fixait sans cligner des yeux.
Un long moment passa sans que rien ne bouge. La première à remettre de la vie dans la pièce fut Paula, qui alla préparer une tisane.
Elle invita Messilia à s’asseoir en lui servant une tasse fumante de verveine. Messilia s’assit, le regard perdu et accepta la tisane sans même la regarder. Luce vint immédiatement s’asseoir à ses pieds, et continua de la fixer, comme un chat têtu qui attend sa nourriture. Autour de lui, les bruits de chaise indiquaient que Gol et Paula s’installaient eux aussi.
Finalement, Messilia tourna son regard vers la tasse de tisane, et elle prit une petite gorgée, puis une autre, et au final elle but toute la tisane. Comme revenu de loin, elle poussa un long soupir, et tourna enfin son regard vers Luce.
Celui-ci n’avait pas bougé.
Ensuite elle regarda les personnes présentes. Paula et Gol, main dans la main, chacun dans un fauteuil de l’autre côté de la table l’observaient d’une mine inquiète. Derrière eux se trouvait Laure, leur fille de 18 ans. Messilia avait toujours su qu’elle pouvait compter sur la famille Hapernel, aussi n’hésita t-elle pas:
―Tu veux savoir si Lyan était un magicien c’est ça ? »
Avide, le petit garçon hocha la tête.
―Pourquoi me le demandes-tu maintenant ? dit-elle en devenant encore plus pâle.
―Euh. »
Luce observa, indécis, les personnes réunies dans le salon.
―Tu crois avoir utiliser de la magie ? demanda très lentement Messilia avant qu’il n’ait le temps de répondre le faisant sursauter.
Il hocha la tête, les yeux brillants de curiosité.
Derrière lui, Laure avait laissée échapper un petit cri.
Messilia souffla bruyamment, se passa la langue sur les lèvres, se mordit l’intérieur de la joue, et repassa sa langue sur ses lèvres. Finalement dans un dernier soupir elle susurra:
―Lyan n’était pas magicien. »
Luce retint sa respiration et attendit ce qui venait à la suite tandis que des soupirs de soulagement sortaient de la bouche de Gol et de sa fille. Paula ne fit aucun commentaire.
―Non, Lyan n’était pas magicien, reprit Messilia, mais il avait des facultés… étranges. »
Chaque mot sortait de la gorge de Messilia comme s’il en avait été arraché.
Luce respira de nouveau tandis que des exclamations muettes flottaient dans l’air. Tout resta silencieux pendant que la jeune femme faisait tourner sa tasse entre ses doigts et ne regardait rien d’autre. Gol se tortillait dans son fauteuil à cause des questions qu’il n’arrivait pas à prononcer.
―Laure, dit Messilia d’une petite voix, je peux compter sur toi pour ne rien dire de cette conversation à qui que ce soit, même pas à tes frères ? »
La jeune femme fit un hochement de tête, agitant du même coup ses boucles brunes.
―Luce, à quoi correspondait ce que tu a pris pour de la magie ? »
Le petit garçon acquiesça et commença à parler des dessins qu’il avait fait dans le sable ―tout en prenant soin de ne pas mentionner la grotte― et, de plus en plus enthousiaste, il raconta de plus en plus fort et de plus en plus souriant, le geste de poignet qu’il avait fait, les poupées de sables, la bataille et son poignet lumineux.
Messilia l’écouta sans l’interrompre et gardant une expression impassible.
Quand il eut fini, elle s’excusa et souhaita une bonne fin de journée aux Hapernel et sortie suivie de son petit garçon.
Luce trottinait derrière elle, incertain de la nature de sa réaction par rapport au récit. Ils traversèrent la cour et entrèrent chez eux. Là, Messilia indiqua à Luce de l’attendre dans le salon, et elle disparut dans sa chambre.
Elle revint quelques instants plus tard avec une enveloppe dans la main et une paire de ciseaux dans l’autre. Elle déposa la lettre sur la table entre elle et Luce.
Le papier, tout à fait ordinaire, était scellé par un cachet portant un étrange symbole.
―Qu’est ce que c’est ? demanda t-il.
―C’est une lettre de Lyan. »
Messilia se frotta la tempe en cherchant les mots adéquats sans prêter attention à Luce qui la regardait la bouche ouverte.
―Il se doutait que tu hériterais de certaines des facultés de son peuple, dit-elle finalement comme si elle était fatiguée. Alors il m’avait laissé une lettre au cas où pour que je sache comment t’apprendre à maîtriser ces…dons. »
Un silence s’installa et Luce dévora des yeux l’enveloppe.
―Je ne l’ai encore jamais lu, continua Messilia, mais…
Elle s’arrêta mais Luce ne s’en rendit pas compte vu qu’il ne l’avait pas écouté. Elle se redressa et pris le visage de son fils entre ses mains.
―Tes yeux sont redevenus comme les siens, murmura t-elle.
Elle le lâcha et un nouveau silence s’installa. L’attention de Luce était de nouveau concentrée sur le symbole du cachet rouge.
―Qu’est ce que c’est ? dit-il en désignant la cire sur l’enveloppe.
―À ça… c’est Lyan dans sa langue. C’est son prénom. »
Luce acquiesça distrait.
―Bon, es-tu prêt ? Je vais lire la lettre. Alors »
« Bonjour Messilia, j’espère que tu vas bien.
Si tu lis cette lettre c’est que notre fils à développé un ou plusieurs des dons -on appelle ça des Censs- qui caractérisent mon peuple. Transmet lui mes félicitation, chez les miens on organise une grande fête pour l’occasion.
Je suis désolé de ne pas être là pour fêter ça avec toi Luce.
Je vais être franc, je n’ai aucune idée de l’origine de ces capacités, hors du commun pour les humains. Personne, même parmi les miens n’a été capable jusqu’à ce jour, de dire d’où elles venaient.
Il faut absolument que les humains qui vous entourent ignorent l’existence de ces dons. Ça pourrait être catastrophique pour toi et pour Luce. Surtout, cachez vous des «grands» du royaume, tu sais quelle expérience j’ai vécu en négligeant ce «détail» Messilia.
Parmi les choses étranges qui pourraient arriver, l’une des plus remarquable est notre capacité à interagir sur les objets qui nous entoures. Tu verras rapidement des choses changer autours de toi Luce. Des plantes qui se mettent à scintiller dans la nuit, des objets qui grossissent à vu d’œil, etc. Ce genre de choses ne sont pas contrôlables. La seule chose que tu peux faire, Luce, pour éviter qu’elles ne se produisent en publique, c’est d’essayer de les anticiper. Prêtes-y attention quand tu es heureux ou en colère, car ça reflétera tes pensées et tes émotions.
Tu pourras également être capable d’attirer des objets, pas plus gros que ta main, à toi. Cela se produit uniquement lorsque tu le désires, c’est donc très facile à maîtriser. Cependant, un peu de pratique ne fait pas de mal et améliore cette capacité.
Voilà, c’est tout ce que je peux faire pour toi. Certain des nôtres obtiennent des dons supplémentaires, mais ils sont imprévisibles et je ne peux pas savoir si tu en auras, ni t’aider si c’est le cas.
Si tu hérites de moi une agilité supérieure à celle que pourrait prétendre avoir un être humain, prend garde à ne pas l’exercer devant un être humain. Cependant, profites-en car, grâce à elle, tu peux réaliser des millions d’acrobaties qui devraient t’amuser.
Je vous souhaite à tous les deux bonne chance, et une vie heureuse.
Je vous aime.
Lyan. »
Un silence suivit la lecture fluide de Messilia.
Dehors, le soleil commençait à décliner, et le ciel s’habillait de nuages violets, roses et oranges et se teignait de mauve .
Bientôt, les nuages perdirent leurs couleurs, et le ciel devint couleur d’encre.
Messilia s’étira, bailla et remit la précieuse lettre dans son enveloppe. Puis elle fixa Luce.
Celui-ci avait le regard perdu dans un nœud du bois de la table et ne remarqua guère le regard de sa mère.
―Luce, dit-elle enfin, le sortant de son rêve.
Il releva la tête et attendit qu’elle continua.
―Tu…, elle ravala sa salive, tu as compris ce qu’il voulait dire ? Expliquer ? Euh… »
Elle se frotta les yeux.
La vérité c’était qu’il ne savait plus trop quoi penser. Les questions se bousculaient dans sa tête sans qu’il n’ose les poser.
―Tu as compris ? répéta-elle.
―Maman, dit-il sur un ton qui exprimait sa fatigue, tu l’as déjà vu utiliser des… des quoi déjà ? »
―Des Censs. Oui, deux ou trois fois. »
―À quoi est-ce que ça ressemble ? »
―Eh bien… Mon exemple est très banal hein. Une fois je me suis cassée la cheville. Je ne devais pas quitter le canapé, et j’étais en train de coudre, sauf que j’avais oublié une de mes bobines de fils de couleur dans ma chambre. Lui il était assis sur le lit, en train de se préparer pour la chasse. Je lui ai demandé de m’apporter la bobine de fils, et, au-lieu de me l’amener en se déplaçant, la bobine s’est approchée de moi en flottant dans l’air, de la chambre au canapé. »
Elle éclata de rire.
―Au début, je n’avais pas compris que c’était lui qui faisait ça, et j’ai hurlé. Il est arrivé en courant et, quand il m’a vue recroquevillée sur le canapé, en face de la bobine, il a éclaté de rire. Moi je suis restée sidérée face à sa réaction, et quand il m’a expliqué que c’était lui, j’ai également éclaté de rire, conclut-elle en s’essuyant les yeux.
En face d’elle Luce souriait, heureux, de voir sa mère heureuse.
―Et une autre fois, on se promenait le long de l’étang en contrebas, et les rares granouilles qui vivaient là se sont toutes rassemblées à nos pieds et ont commencés à nous montrer toutes les gammes de couleurs que pouvaient prendre les petites pastilles rondes qu’il y a sur leurs articulations. C’était magnifique. »
Messilia enchaîna divers récits de ses souvenirs avec Lyan, et bientôt, Luce s’endormit sur les genoux de sa mère.
Le sourire aux lèvres, elle le prit dans ses bras et le coucha, en déposant sur son front un baiser plein d’amour.
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