Un étranger à La Croc-Mitaine & Le Gouffre Lumineux.

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  L’activité dans les champs avait repris de plus belle. La majorité des adultes passait la journée à travailler dans les champs, tandis que le reste œuvrait dans leurs propres ateliers. Fred Palan, un homme d’une quarantaine d’année, robuste et moustachu, fabriquait avec l’aide de son oncle, des nouvelles poutres pour la reconstruction de la maison des Erica, qui logeaient depuis lors dans la taverne. Loris était reparti à la chasse depuis quelques jours, et avec le retour du beau temps, celui de la pêche s’était annoncé. Tous les matins, les petites barques quittaient le petit port, et revenaient vers midi.
Messilia, Paula, et Lucrécia Thyms emmenaient les enfants dans la forêt pour cueillir des fruits, des baies et des plantes médicinales.
Luce et Eria profitaient beaucoup de ces moments là. De temps en temps ils s’éloignaient du groupe et allaient explorer les alentours. Ils ne s’étaient jamais perdus. Luce se retenait toujours pour ne pas lui montrer ses fameux « Censs ».

 Il mourait d’envie de partager cette expérience avec quelqu’un d’autre, mais Messilia lui rappelait sans cesse les avertissement de Lyan alors il se retenait. Paula n’avait d’ailleurs pas abordé le sujet quand ils se saluèrent le lendemain, et apparemment, aucun mot de la discussion de cet après-midi là, n’avait glissé des lèvres des Hapernel.
Ils avaient installé un planning pour que Luce s’entraîne à attirer vers lui des petits objets. Il y arrivait un peu. Il arrivait à déplacer une pierre sur deux ou trois mètres. Au début, il avait cru que c’était le geste qu’il avait réalisé dans la grotte qui lui avait permis de faire ça. Cependant, quand il ressaya, il n’y eut aucune réaction.
Les journées passaient, paisibles. C’était la routine. Rien ni personne ―à par des chats― ne soupçonnait Luce de posséder des pouvoirs hors du commun, et le petit garçon se sentait à l’aise avec cette situation qui lui paraissait plus ou moins normale. Chaque jours, il se rendait avec sa mère le soir dans la forêt, et là, il essayait de déplacer un cailloux, une branche, etc. Luce progressait un peu plus tous les jours, et Messilia se sentait heureuse pour lui.
Mais, la routine ne dura pas.

 Luce était allongé, dans l’herbe, avec une herbe sèche dans la bouche. Autour de lui, les moutons paissaient paisiblement dans la prairie. Avec un groupe de garçon plus ou moins de son âge, (dont Terio à son grand déplaisir) Mme. Stagne l’avait envoyé veiller sur le troupeau. Ils étaient légèrement dans la montagne, à un endroit où ils surplombaient toute la vallée.
Luce lisait le livre d’Eria, et en était rendu à un moment où le marchand discutait avec un troubadour qui lui dévoilait un secret.
Le médaillon que portait le marchand depuis sa naissance protégeait un secret. Le troubadour lui montra le sien, il était exactement pareil. Le mystérieux personnage allait révéler le secret des médaillons lorsque quelqu’un le secoua.
Adam, un garçon âgé de 7 ans, secouait Luce le regard fixé sur le paysage en contrebat. Il avait l’air perturbé. Luce porta son regard vers la direction qu’Adam signalait avec son petit doigt.
Terio les avait rejoint et scrutait également la vallée.
Ils retinrent une exclamation lorsqu’ils virent ce qui avait perturbé le petit garçon.
En bas, à un peu moins de 5 lieux du village, une silhouette, imprécise vue de la montagne, s’avançait en chancelant vers le village. Elle était seule, et avait l’air de traverser la vallée avec difficulté. Elle tomba, se releva, retomba, ne bougea plus puis se releva à nouveau.

  Les trois garçons s’étaient mis debout et regardaient la silhouette trébucher sans pouvoir réagir. Personne ne traversait jamais la vallée, car beaucoup pensaient qu’elle ne menait nulle-part.
Et ils avaient partiellement raison.
Les montagnes entouraient cette vallée, en ne laissant qu’une seule entrée, et donc une unique sortie, à moins que l’on veuille traverser Les Coupeuse en direction du Sud. Hors, seul un fou désirerait traverser ces montagnes enneigées infestées de loups.
Le premier à réagir fut Adam qui tira les manches de Luce et de Terio pour attirer leur attention.
―Il faut prévenir les adultes, gémit-il.
Aussitôt dit aussitôt fait. Les trois gamins dévalèrent la montagne le plus rapidement qu’ils purent. Ils prêtaient si peu attention aux moutons, que les seuls qui permettaient que le troupeau ne se disperse pas furent les chiens.
Luce manqua de dégringoler une pente tellement ils se dépêchaient. Ce fût Terio qui le rattrapa, et il était si préoccupé qu’il ne fit aucune remarque stupide.
Ils arrivèrent au village en prenant un raccourcis, qui consistait à glisser sur les fesses pour descendre une pente. Sans ça, ils seraient arrivés une demi-heure plus tard en contournant la descente.

 Luce et Terio coururent directement en direction de la taverne, en laissant à Adam le soin de ramener les bêtes à leur enclot. Sur le chemin ils croisèrent Mme. Stagne qui leur hurla:
―Qu’est ce que vous faites là…? »
Mais ils ne l’écoutèrent pas.
Normalement, les enfants n’ont pas le droit d’entrer dans la taverne, mais c’était l’endroit où ils étaient sûrs de trouver un maximum d’adultes réunis au même endroit. Aussi, déboulèrent-ils dans la pièce où 5 hommes discutaient et Terio hurla de sa voix braillarde:
―Un homme s’approche du village ! »
Les 5 adultes, dont Chan le tavernier, et le père de Terio, ne réagirent pas dans un premier temps. Du coup Luce ajouta:
―On l’a vu de la montagne. Il marche bizarrement et il avait l’air de venir de Rosen. »
―Vous êtes sûr de ce que vous dites ? »
Les garçons hochèrent la tête. Ils n’avaient pas l’impression d’être pris au sérieux.
C’est alors que Loris déboula à son tour dans la taverne. Il transpirait et portait sur son épaule un jeune faon.
―J’ai aperçu un homme qui marchait dans notre direction. »
Le silence fut total.
Puis, Tristyan, le père de Terio, se leva, prit son fusil et sortit, suivit des autres sauf Chan. Celui-ci raccompagna Luce, Terio et Loris chez Paula.

Elle et Messilia travaillaient sur un métier à tisser dans un atelier. Elles firent une place à Luce et Terio, et supportèrent pendant une bonne heure, les chamailles des deux garçons.
Bientôt, Luce n’en put plus et quitta la pièce pendant que Terio lui tirait la langue. Il traversa la pièce en ruminant, sans remarquer l’araignée noire qui grossit à son passage. Une fois dehors, il fila vers l’écurie derrière sa maison. À l’intérieur, Manzanilla, la jument de Messilia, broutait paisiblement. Luce s’approcha d’elle, lui fit renifler la paume de sa main, et la sortit de l’écurie.
Il aimait bien s’occuper d’elle quand il était fâché ou ne savait pas quoi faire. Après l’avoir attachée à un poteau, il fila dans la cuisine et revint avec deux pommes. La jument les accepta avec plaisir.
Pendant que Manzanilla mâchait la dernière pomme, Luce alla chercher les outils permettant de la soigner. Quand il revint, Manzanilla broutait l’herbe fraîche du printemps. Luce passa donc la brosse sur le doux poil blanc de la jument. Son crin brun très clair ressemblait de loin à de l’or foncé. Quand Luce était en train de curer ses sabots, des exclamation retentirent à l’entrée du village.
Il couru voir ce qui se passait, et, en atteignant la maison des Hapernel, il put comprendre certaines phrases, dont celles qui se répétaient le plus:
―D’où est-ce qu’il sort ? »

―Allez chercher Nell ! »
―Qu’est ce qu’il fabriquait dans la vallée ? »
―Il va falloir l’héberger quelque part. »
―Où sont les Tyms ? »
Si quelqu’un demandait que Nell Tyms se présente, c’était qu’il y avait un blessé.
En passant l’angle de la maison des Hapernel, Luce vit qui était le blessé: un homme d’une quarantaine d’année était allongé sur le dos, inconscient. Ses cheveux bruns étaient poussiéreux et cachaient son visage.
Luce ouvrit grand les yeux en voyant les blessures profondes qui entaillaient le bras et la jambe droite de l’inconnu.
Sa chair était à vif.
Si c’était cet homme qu’avait aperçu Adam, c’était incroyable la distance qu’il avait parcouru avec sa jambe blessée.

La foule de villageois devint de plus en plus compacte, et Luce commença à se demander où était sa mère.
Elle émergea de la foule quelques temps plus tard, suivie de Nell Tyms, une vielle dame ronde, aux joues bouffies et ridées. Elle s’agenouilla près de l’étranger et inspecta ses blessures. Puis, elle fit quelques signes à sa fille qui traduit immédiatement la phrase muette de sa mère:
―Ce sont majoritairement des blessures dues à une explosion. Mais son bras a également été entaillé par une lame. »
Elle butait entre chaque mot car les signes rapides de la vielle femme étaient difficiles à suivre.
―Elle demande à ce qu’on le transporte chez nous pour pouvoir le soigner au mieux. Nous n’avons plus de bandage Paula, vous pourrez nous en prêter ? »
Paula acquiesça la mine grave, et envoya Loris en chercher.
Sur ce, quelques hommes soulevèrent le blessé et suivirent Nell et sa fille à travers les rues.
Dès qu’ils partirent, les discussion fusèrent.
―Comment un homme blessé à ce point a t-il put traverser la vallée ? »
―M’est d’avis qu’il serait mort si on était pas allé voir.
―Comment s’est-il fait ça ? »
―S’il nous attire des ennuis… je l’étrangle ! »
―A t-il dit quelque chose ? »
―Non. Quand on est arrivé il était déjà inconscient. »
Luce n’arrivait plus à suivre, et les adultes étaient tellement pris dans leurs débats, qu’ils en oublièrent les gamins. Aussi, bientôt se forma un petit groupe d’enfant surexcité devant chez Luce. Pour La Croc-Mitaine, rien que de recevoir un étranger était exceptionnel. Alors un homme blessé sorti de nulle-part l’était encore plus.
Luce chercha Eria du regard, et la trouva en train d’essayer de calmer un petit garçon d’environ 5 ans. Il pleurait, pleurait, et pleurait. Et il n’était pas le seul. Eria avait beau se démener, le chagrin du petit garçon ne tarissait pas. Alors, Luce alla chercher Manzanilla. L’approche de la jument eu un effet immédiat.
Manzanilla était le seul cheval de course du village. Les autres, peu nombreux, étaient des chevaux de traie qui servaient pour les champs, ou pour actionner des machines pour la forge. La jument avait toujours été le destrier de Messilia, et elles étaient arrivées ensemble à La Croc-Mitaine.
Luce hissa le petit garçon qui sanglotait peu à présent, et se frottait les yeux. Puis il monta derrière lui. Ensemble, ils trottèrent quelques minutes près du village, le temps que les sanglots soient remplacés par un sourire radieux. Quand ils revinrent, il fallut donc faire trotter un peu, tous les petits enfants qui n’avaient pas peur de la jument, et désiraient ardemment monter dessus. Manzanilla fut gâtée de pomme, de touffe d’herbe, et parfois même de sucre.
Les tours de manège s’arrêtèrent lorsque chaque parent récupéra son enfants.
Après un derniers au revoir, échangé avec Eria, Luce monta à cheval et Manzanilla partit au galop. Luce aimait monter la jument et partir au galop, même pendant peu de temps, à travers les champs. Le petit garçon était presque debout sur la croupe de la jument. Le vent agitait ses cheveux roux. Il alla jusqu’à l’étang.
 L’eau était claire, légèrement verte, et des plantes poussaient sur la surface de l’étang. Sur la rive d’en face poussaient des grands saules pleureurs, dont les fines branches touchaient l’eau. Des nénuphars portaient une ou plusieurs grenouilles, qui croassaient pour qui désirait écouter. Quelques aigrettes blanches voltigeaient puis se posaient près de l’eau. Pas très loin, le bruissement du vent sur les arbres, ramenait les murmures de la forêt.
Pendant que Manzanilla buvait, Luce profita du paysage, pourtant familier, et de la quiétude de l’étang, coupée de temps en temps par un croassement.
Puis, ils repartirent vers le village. La jument avait l’air contente de s’être défoulée, et hennit doucement lorsque Luce la ramena dans son écurie.
Ce soir là, Luce et sa mère mangèrent en silence. Puis, ils lurent dans leur salon.

Le secret du médaillon, avait dit le troubadour, c’est que ce n’est pas un médaillon. »
Le marchand crut dans un premier temps que le troubadour se jouait de lui, mais son interlocuteur n’avait pas terminé:
C’est une clef. »
Et aussitôt, le troubadour disparut. À sa place se trouvait une chouette Harfang blanche comme neige.

Luce était plongé dans son bouquin et dévorait les lignes.
La chouette s’était envolée, et le marchand la poursuivit. Quand il tourna dans une petite ruelle à l’abri des regards, la chouette avait disparue, et dans la ruelle se tenait le troubadour.
Il expliqua qu’il était une «Lanterne». Un être humain capable de se métamorphoser en un animal. Son rôle était de guider certaines personnes que son instinct lui signalait comme «spéciales», amenées à réaliser de grandes choses, en bien ou en mal. Une Lanterne peut aider n’importe qui, mais son vrai «Porteur», celui avec qui elle a un véritable lien, est unique.
Le troubadour-Lanterne, continua d’expliquer plein de chose au marchand un peu dépassé, et Luce suivit son discours.
Jusqu’à ce qu’il s’endorme sur son livre.

Pour Luce, il n’y eut plus de nouvelle de l’étranger dans les jours qui suivirent. Les tâches pour le village commencèrent à être moins nombreuses, et du temps libre revint pour chaque villageois.
Les champs étaient terminés, la maison des Erica reconstruite, la nourriture était abondante, bref, tout fonctionnait à merveille à la Croc-Mitaine, et la famine était déjà loin.
Tout le monde sentait l’été se rapprocher, et les excursions à l’étang commencèrent. Il s’agissait de longues journées de baignades et de piques-niques au bord de l’étang au-milieu de la vallée. Elles commençaient tôt le matin et finissaient tard le soir. Presque tout le village était présent.
Quand il était dans l’eau, Luce attirait les granouilles de l’étang. Mais personne ne semblait l’avoir remarqué. Durant l’une de ces journées, Luce, Eria et quelques unes des ses amies jouèrent aux échecs avec Arold. Face au vétéran, ils perdirent tous à plate coutures. Mais depuis ce jour, Luce devint ami, si l’on pouvait appeler ça comme ça, avec le vieux Arold.
Il continuait de sortir des incohérences pour quiconque ne savait pas écouter, mais Luce trouvait un sens abstrait, caché parfois, à ses phrases extérieurement sans queue ni tête.
Quand ils étaient seuls, un peu dans la forêt, en train de jouer aux échec, Luce se permettait de montrer au vieillard comment il pouvait déplacer un pion sans le toucher. Alors Arold lui souriait d’un air complice et le mettait en échec et mât.
Luce se sentait bien avec Arold, il pouvait lui confier tout ce qu’il voulait, le grand-père n’en parlerait à personne. Il le savait. Beaucoup de gens devaient déjà lui avoir confié de nombreux secrets. C’était sans doute pour ça, pensa un jour Luce, qu’il en savait tant sur le comportement des gens. Qu’il pouvait savoir rien qu’en vous regardant à travers ses lunette rectangulaires, de quelle humeur vous êtes.

Luce et Eria continuaient leurs excursions dans la forêt. Un jour ils revinrent couverts de terre, de feuille et de quelques éraflures, et les parents d’Eria se mirent en colère, accusant Luce de mal influencer leur fille, ce qui était stupide et n’inquiétait guère le petit garçon.
Ils avaient découvert un nid dans les branches du châtaigner, habité par trois oisillons. Eria était émerveillée à chaque fois qu’ils les observaient, tandis que Luce se retenait de mettre le nid à terre. Cet envie lui paraissait absurde, et pourtant elle ne partait pas.

Depuis quelques temps, les chats du villages s’étaient mit à assister à ses séances d’entraînement. Et Luce était ravi d’avoir un public, même s’il était composé de chat. Il s’amusait à faire voler un plume devant leur nez, et aussitôt ils essayaient de l’attraper. Ça amusait aussi Messilia qui prenait sur ses genoux un chat différent à chaque fois.
Puis, quelques jours plus tard, il y eu un banquet pour fêter le rétablissement de l’étranger.
C’était la première fois que Luce le voyait depuis qu’ils l’avaient trouvé à moitié mort dans la vallée.

Il avait bien meilleur aspect.
Il portait une chemise blanche et un pantalon simple, marron, retenu par une ceinture de cuir. Ses cheveux bruns étaient lavés et coiffés, mettant en évidence un visage composé d’une forte mâchoire contournée d’une barbe naissante, d’un nez aquilin et de deux yeux noirs entourés de cernes à peines visibles. Son teint était bien plus brun que celui des habitants de La Croc-Mitaine.
Il saluait les gens jovialement et remerciait tout le monde pour leur accueil. À sa voix traînante, on devinait qu’il était encore fatigué. D’ailleurs, il boitait légèrement. Quand il s’assit à la place que lui indiquait Nell, Tristyan Naranjo vint près de lui et lui tapa l’épaule et demanda assez fort pour que tout le monde entende:

―T’aurais vu l’état dans lequel t’étais quand on t’as trouvé ! Comment tu t’es fait ça ? Et puis fallait être solide pour arriver jusque là ! Comment t’as fait ?
L’homme devint pâle et se crispa. Il bégaya des trucs incompréhensibles puis dit enfin:
―Je vous expliquerais tout en détail, mais pourrait-on d’abord manger ? Je meurs de faim. »
―C’est la meilleur chose à faire pour un convalescent comme toi, traduisit la fille de Nell en le servant abondamment de salade. »
―Dis nous au moins ton nom, grommela Tristyan un peu déçu.
―Oh, oui pardon. Je m’appelle Galion. »
―Bienvenu Galion ! vociféra Chan, toujours de bonne humeur. Et le vin coula à flot.
Sur la table des enfants, Luce n’avait d’yeux que pour l’étranger qui n’affichait plus aucune trace de tension et buvait en riant comme tous les autres adultes. Puis il se concentra finalement sur la nourriture. Au milieu du repas, Luce reçut un petit pois dans les cheveux. Il le retira délicatement de sa tignasse et le plaça sur sa fourchette. Il savait déjà qui était le coupable.
Terio reçut le petit pois sur le nez.
Celui-ci replaça le projectile sur sa cuillère en compagnie d’un peu de purée et visa Luce. Par réflexe il voulu l’arrêter avec son Censs, mais il se ravisa et glissa sous la table. La purée atteignit Eria.
Luce se porta la main à la bouche en réprimant une exclamation.
La petite fille toisa son jumeau qui se fit tout petit, puis elle retira comme elle put la purée de ses cheveux. Ensuite, elle se leva, avec son assiette dans les mains. Luce la regardait se déplacer, toujours sous la table, inquiet.
Terio s’était levé de sa chaise, mais trop tard. Une exclamation générale retentit sur la table, lorsque Eria lança son assiette, dont le contenu vint s’étaler sur le torse de son frère.
Luce n’osait même pas rire.
Eria se rassit la tête haute sans un mot, laissant Terio planté là, à moitié choqué.
Sur l’autre table, les adultes ne s’étaient pas rendu compte de l’incident. Quand à Luce, il nota dans un coin de sa tête de ne jamais énerver Eria.

À partir de ce moment, les petits pois commencèrent à voler discrètement sur la table des enfants, et les adultes ne s’en rendirent compte qu’à la fin du repas, lorsqu’il découvrirent la quantité de petit pois au sol.
Quand les plats furent vidés, Tristyan relança le sujet de l’origine de Galion. Celui-ci parut un peu réticent au début. Il bafouilla et cafouilla à nouveau des trucs incompréhensibles ou qui se contredisaient, puis, il se tût, parut réfléchir, et enfin commença:
―Eh ben… heu. C’est que, ce n’est pas très gais… mais… »
―Vu l’état dans lequel on t’as trouvé ça on s’en doutait déjà. Vas-y. »
―D’accord… Donc, mon nom est Galion… j’ai quarante-cinq ans et… j’étais fermier. »
Il fit une pause, but dans son verre et recommença:
―Des pillards ont profité de notre isolement et nous ont attaqué… ma famille, mes voisins et moi. »
Il but à nouveau.
―Je me suis échappé de justesse même si j’ai été blessé, conclut-il.
Cependant, Nell posa une question pertinente que sa fille traduisit:
―Elle dit que, quand vous êtes arrivé, vous aviez des traces de brûlure qui sont d’après elle dues à une explosion. Comment est-ce possible ? »
L’étranger pâlit.
―On… on gardait de la poudre dans une des granges, quand les flèches enflammées l’on atteinte… eh bien je n’étais pas très loin, dit il. Quand à ma blessure au bras, c’est un des pillards qui m’a fait ça. »
Nell acquiesça, mais la grand-mère ne paraissait pas convaincue.
―Les pillards ne t’ont pas suivit jusqu’ici ?! tonna Gol un peu menaçant.
―Aucune chance ! Les pillards sont des pillards. Pendant qu’ils volaient tout ce qui pouvait encore être sauvé, moi je courais vers Les Coupeuses, et quand ils ont dû terminer leur sale boulot, j’étais déjà loin. »
Un silence lourd s’installa.
De sa table, Luce avait suivit la conversation, et l’expression que Messilia avait adoptée, au fur et à mesure du récit, ne le rassurait pas du tout.
Sa mère fronçait les sourcils, laissant apparaître sur son front de fines rides.
Ce fut Chan qui remit de la chaleur dans le banquet.
―Bah, oublies tout ça. Tu es à La Croc-Mitaine désormais, et quand tu seras totalement guéris tu pourras reconstruire ta vie où tu voudras. »
―La Croc-Mitaine ? Drôle de nom, ricana t-il. À ce propos, je me demandais si vous m’accepteriez ici… dans votre village, dit-il un peu gêné.
Le silence fut total.
Tout le monde se regardait sans savoir quoi répondre, et Galion se frottait les mains nerveusement en jetant des regards désespérés vers les habitants du village. Un de ces regards s’attacha sur la figure contrariée de Messilia. Elle lui rendit un regard peu amical puis se leva, disant qu’elle avait une leçon à préparer pour Audeline. Luce la suivit.
Dans son dos, Galion le fixait tour à tour avec Messilia.
Messilia marchait vite, et Luce avait du mal à la suivre. Elle serrait les points et Luce sentit la tension augmenter autour d’elle. Inquiet, il vint lui prendre la main.
Ce contact parut la calmer. Elle se tourna vers son fils et le pris dans ses bras.
―Ouf, tu deviens lourd Luce. »
Il rigola et enroula ses bras autours du cou de sa mère.

Ce soir là, ils s’enfoncèrent un peu plus dans la forêt pour pratiquer les Censs. Messilia avait insisté.
Luce déplaça tout ce qu’il trouvait sous la main.
Une pierre, une branche, une fleur nocturne qu’il offrit à sa mère… Il évitait de faire voler les chats car ils n’aimaient pas ça. Cependant, leur réaction était hilarante à chaque fois.

Au bout d’un moment, alors qu’il essayait de reposer une souche sous laquelle vivaient des cloportes, Messilia l’interpella:
―Luce, j’aimerais te montrer quelque chose. »
―Quoi ? demanda t-il.
―Surprise, répondit Messilia en plaçant un doigt devant sa bouche.
Puis elle l’entraîna dans la forêt.
En tenant Luce par la main, Messilia se frayait un passage entre les buissons et les arbres comme si s’étendait sous leurs pieds un chemin praticable. La lanterne qu’elle tenait en bout de bras se balançait de gauche à droite, répandant une lumière jaunâtre à leurs pieds.
De nuit, la forêt était mystérieuse et inquiétante. Les formes imprécises des arbres les entouraient de toute part, les fougères leur caressaient les chevilles et les brindilles craquaient sous leurs pas.
Mais le pire, ce qui inquiétait le plus Luce, c’étaient les bruits nocturnes du vent dans les branches, ou encore le hululement d’une chouette en chasse. Luce ouvrait les yeux en grand comme pour mieux voir dans le noir, et restait attentif à tous les bruits qui résonnaient d’un point indéfini de la végétation.
Messilia continuait d’avancer dans la pénombre, et bientôt, le terrain commença à s’incliner légèrement, signe que la montagne n’était pas loin.
Quand Luce commença à croire qu’il était allé plus loin qu’il ne l’avait jamais fait, ils dépassèrent le grand châtaigner. Plus ils s’enfonçaient dans la forêt, sur un territoire que Luce n’avait jamais exploré, plus il agrippait la main de sa mère de plus en plus fort. Celle-ci avançait sans se retourner, droit devant elle, en suivant un sentier imaginaire qu’elle connaissait apparemment par cœur.
Luce se sentit rapidement fatigué et commença à traîner des pieds.
Puis, quelques détails le ranimèrent peu à peu: des plantes qu’il n’avait jamais vu auparavant poussaient par-ci par-là. Sur la mousse des arbres poussaient d’étranges champignons qui s’illuminaient à leur passage, et des granouilles se réunissaient dans des flaques, de plus en plus nombreuses.
Que c’était beau de voir toutes ces granouilles lumineuses, rassemblées au bord de l’eau, leur éclat coloré se reflétant sur la surface des flaques d'eau.
Alors que le terrain accidenté n’avait cessé de monter, il piqua abruptement sans prévenir. Cependant Messilia ne parut nullement surprise. Elle s’arrêta au bord de la pente, serra la main de Luce et s’assit. Elle indiqua à son fils d’en faire autant. Messilia avait les yeux rivés sur l’espèce de gouffre qui s’étendait à leur pied. Au fond, on ne voyait que le brouillard. De temps à autre, une lumière verte ou bleue apparaissait faiblement au fond du gouffre. En face, l’autre côté du gigantesque trou n’était pas visible. La brume envahissait tout.
Luce aurait dût se sentir terrifié, angoissé, ou quoi que ce soit d’autre qui exprime la peur. Mais non, en réalité il était surexcité. Ce qu’il pouvait y avoir au fond du trou, apparemment circulaire, l’intriguait au plus au point, et la curiosité avait balayé toute angoisse. Il sautillait presque sur place.
En voyant l’immense sourire qui décorait les lèvres du petit garçon, Messilia sourit à son tour, pleine de nostalgie, et dit:
―Prêt ? »
―Pour quoi ? »
Mais elle ne répondit pas. Elle le pris dans ses bras et se laissa glisser.
Luce était, cette fois-ci, terrifié. Il s’accrochait à sa mère de toutes ses forces et criait. Elle glissait sur la pente, à moitié accroupie en retenant son fils d’un bras et la lanterne de l’autre. La flamme manquait de s’éteindre à chaque seconde.
Quand ils pénétrèrent dans le brouillard, l’humidité s’intensifia et de fines gouttelettes se condensèrent dans leurs cheveux et sur leurs sourcils.
Messilia continuait de glisser et Luce de crier.
Il n’osait même pas ouvrir les yeux, et donc il ne vit pas que la pente sur laquelle ils se tenaient était dénudée de toute végétation.
Tout à coup, Messilia sauta.

Luce sentit le choc quand elle atterrit sur un sol parfaitement plat.
Comme il n’osait toujours pas ouvrir les yeux, Messilia lui caressa les cheveux en murmurant une comptine pour le calmer. Luce sentit qu’elle s’asseyait, alors il se risqua enfin à ouvrir les yeux.
Rien.
Du noir, du brouillard. On ne distinguait rien hors du cercle de lumière que produisait la lanterne.
―On est dans le gouffre ? demanda t-il.
―Oui. C’est le Gouffre Lumineux, répondit-elle. Tout le monde au village sait qu’il est là. Mais personne ne sait ce qu’il y a au fond. »
―Il n’y a rien. »
―Si. Attend. »
Et elle éteignit la lampe.
Luce se crispa à nouveau.
Il ne voyait rien, et n’entendait que la respiration régulière de sa mère.
Puis, ses yeux commencèrent à s’habituer à l’obscurité et les taches de brumes furent à nouveau visibles.
L’humidité de l’endroit lui gela les muscles et il commença à grelotter, tout comme sa mère.
Mais ils ne bougèrent pas, ne parlèrent pas, ils ne firent aucun bruit; et, petit à petit, des signes de vie commencèrent à apparaître dans le gouffre.
Le bruit cristallin de gouttes d’eau remplit l’espace. Puis, il fut accompagné par le froissement des feuilles. Ensuite le bruit d’eau s’accentua et devint une rumeur d’eau qui coule. Le sifflement du vent dans une faille. Un croassement. Un craquement. Une cascade. Des feuilles. Un hululement. Un croassement. Un glapissement. Le vent.
Luce écoutait tous ces sons qui apparaissaient les uns après les autres, comme si tout le gouffre avait attendu qu’ils soient silencieux et se fondent dans le paysage, pour dévoiler sa vie. Et ce n’était pas fini.
Des points lumineux commencèrent à apparaître. Ils clignotaient lentement. Tout autour d’eux des lumières bleues, vertes ou entre les deux scintillaient à intervalles irréguliers, puis disparaissaient aussitôt pour réapparaître ailleurs. Les sons se firent de plus en plus présent et se stabilisèrent. À présent, Luce pouvait situer dans l’espace certaines choses. La cascade se trouvait à leur droite. La faille derrière eux. Mais les bruissement de feuilles se trouvaient tout autour.
Les points lumineux se mirent à éclairer de plus en plus, révélant ce qui les entouraient, et Luce se rendit compte que c'était d'étranges grappes de fruits, suspendus au bout de fines branches vertes, qui scintillaient doucement.
L’espace autour d’eux était toujours noir, et le brouillard était toujours là. Mais à présent, Luce n’avait plus peur. Il s’était détendu et blottit contre sa mère.
Des lumières d’un bleu très clair commencèrent à apparaître, d’abord floues, puis de plus en plus nettes, révélant ainsi qu’il s’agissait de cristaux d’un bleu très pur qui s’illuminaient dans le noir. Il y en avait partout. Luce en découvrit un sous son pied, derrière lui, et un aussi grand qu’un arbuste, qui éclairait la cascade à présent tout à fait visible. Cependant le brouillard était toujours là, empêchant de distinguer avec clarté les silhouettes de plus en plus visibles.
―Allez Luce, susurra Messilia faisant sursauter le petit garçon, réveille le gouffre. »
Dans la pénombre, Luce ne pouvait pas voir l’expression de nostalgie de sa mère.
―Moi ? »
―Oui. Essaye, avec le Censs que tu ne peux pas maîtriser, de réveiller le gouffre. »
―Ça n’a pas de sens. Tu viens de le dire: je ne peux pas le maîtriser. »
―Oui mais essaye, insista t-elle. De temps en temps Lyan arrivait à faire ce qu’il désirait sur les plantes et la terre en utilisant ce don. Ça ne marchait pas toujours mais au moins une fois sur deux. Essaye, on ne verra rien avec ce stupide brouillard et, de toute façon, la vrai beauté du gouffre ne se dévoilera pas sinon. »
L’émotion d’impatience excitée se ressentait dans la voix de Messilia.

Luce ne savait pas vraiment comment faire mais, il décida de faire comme dans les livres d’aventures épiques et désira que la brume se lève.
Au début il n’y eu aucun changement, mais Luce attendit.
Il attendit et se rendit rapidement compte que ce n’était pas la brume qui changeait.
Messilia laissa s'échapper un soupir de nostalgie lorsque, à la grande surprise de Luce, la cascade se mit à scintiller autant que le cristal qui poussait au bord de son lit. Messilia l’amena près du bord et se pencha en avant pour observer le fond. Il était couvert de bosse irrégulières vertes et lumineuses, qui éclairaient l’eau en lui donnant la teinte claire et transparente d’une nouvelle feuille. Sous l’eau nageait une granouille dont les pastilles qui marquaient ses articulations avaient adopté la couleur jaune pour être parfaitement visible sur le vert. Une des caractéristiques de ces amphibiens étaient qu’ils ne cherchaient jamais à se dissimuler mais au contraire, à faire en sorte que tout le monde les voit. Ses cuisses noires, totalement synchronisées, réalisaient les mouvements de la brasse avec élégance.
Il fallu que Messilia le tire de sa contemplation de l’amphibien pour que Luce se rende compte que, sur les paroi du gouffre, s’étaient allumées des pierres similaires à celles de la cascade.
Leur lumière verte révélait sur le mur les ombres de chaque bosse, pierre ou faille, lui donnant une consistance plus naturelle.
On aurait dit un ciel étoilé de vert et de noir.
Luce levait les yeux vers l’immense paroi du gouffre, émerveillé. Au dessus d’eux, le brouillard s’était un peu dissipé, en s’attachant toujours au fond du gouffre, laissant la pâle lumière de la lune illuminer leurs visages. Ce n’est que là que Luce vit l’expression de sa mère.
Messilia pleurait. Mais de joie. Elle se tenait là, droite et fière, les mains jointes, en souriant de toute le douceur de son âme.
Cependant Luce fut tiré de cette contemplation lorsqu’une lumière verte aveuglante l’éblouit. Ses yeux mirent du temps à s’habituer à la lumière surnaturelle qui émanait… des plantes !
Quand il put enfin ouvrir les yeux, Luce crut qu’il délirait. Devant lui s’étendait une espèce de jardin sauvage et lumineux. La cascade qui coulait à sa droite jaillissait tel un torrent de la paroi, puis retombait dans un bassin ovale avant de continuer sa route droit devant elle. On ne pouvait pas voir jusqu’où elle allait, car une immense plante verte cachait le ruisseau d’une de ses gigantesques feuilles. La plante, une simple tige souple munie de cinq feuilles, était aussi grande que la maison de Luce et Messilia, et se balançait doucement de droite à gauche poussée par le faible vent. Des petites grappes, de la taille des raisins, étaient suspendues par de fines tiges et rependaient une éblouissante lueur aussi verte que les feuilles. Une cinquantaine de plantes similaires poussaient là, très espacées dans le gouffre. D’autres végétaux aussi étranges, mais plus petits, poussaient à leur pied: des buissons munis d’épines fluorescentes, des jacinthes aussi grandes qu’un bras, et des espèces de géraniums qui rependaient un fort parfum de citronnelle.
Le sol, une terre grise et caillouteuse, était, au pied des plantes, parsemé de pierres identiques à celles du mur. Des flaques d’eau cristalline de petite taille, autour desquelles se développaient des cristaux couleur ciel, et se rassemblaient des granouilles multicolores; apparaissaient un peu partout.
La brume s’était définitivement levée, et le ciel étoilé de la nuit était visible, ainsi que la hauteur du gouffre. Luce écarquilla les yeux en voyant la hauteur des parois du gouffre et à quel point elles étaient abrupts.
―Euh… comment va t-on faire pour sortir ? demanda t-il soudain inquiet.
―Ne t’inquiète pas. Profite, répondit simplement Messilia en portant son regard droit devant elle, entre les feuilles gigantesques.
Luce ne se fit pas prier et se mit à courir entre les buissons qui poussaient drus. Il courait en zigzagant entre les végétaux et les flaques, et sautait au-dessus de celles-ci. Il était émerveillé par le paysage fantastique qui s’ouvrait devant lui. Le Gouffre Lumineux s’était réveillé pour lui et sa mère, et il était tellement fier d’avoir réussi à l’aider. Il saisit une des grappes lumineuses, qui se détacha aussitôt qu’il la toucha. Après quelques secondes, elle perdit sa luminosité.

Sans la lumière éblouissante qui rendait les contours flous, ça ressemblait vraiment à une grappe de raisin. Mais ceux là étaient un peu plus rond, et surtout, d’un vert bien plus foncé et profond rappelant l’émeraude. Luce essaya d’en manger un mais c’était dur comme de la pierre. Il glissa la grappe dans une de ses poches.
Il était agenouillé au bord d’une flaque dont on ne voyait pas le fond quand Mesilia le rejoignit.
Elle avait l’air plus sereine que jamais.
Le petit garçon observait tous les points de couleur au fond de la flaque, sans cesser de se demander s’il s’agissait de granouilles. Ce n’est que quand Messilia l’entoura des ses bras qu’il se rendit compte de sa présence.
―Elle te plaît ma surprise ? demanda t-elle.
―C’est magnifique ! Qu’est ce que c’est comme endroit ? »
―Ah ça ! Aucune idée ! Avec ton père on l’appelait «le Gouffre Lumineux». D’après lui c’est une sorte de vestige d’une autre ère. »
―Une autre ère ? demanda Luce.
Où est-ce qu’il avait déjà entendu parler de ça ?
―Oui. Beaucoup d’ères se sont succédées sur ce monde. Enfin… sur la base de ce monde. Car chaque ère est tellement différente l’une de l’autre que le monde entier change. »
―Donc dans une autre ère, les forêts ressemblaient toutes à ça ? dit-il en désignant du menton les plantes géantes.
―Qui sait ? Une chose est sûre, c’est que c’était un monde très différent du notre. »
Luce hocha de la tête silencieusement tout à coup pris de fatigue.
Messilia dût s’en rendre compte car elle le prit dans ses bras, arracha une feuille et allongea Luce dessus.
La dernière chose qu’il sentit avant de s’endormir profondément, se fut la fraîcheur de la feuille et sa mère qui s’allongeait près de lui en murmurant:
―Ne grandis pas trop vite. »

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