Chapitre 33

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Pierrot

J'ai plus de bras, j'ai planté une dizaine de piquets pendant que futur beau papa plantait les autres, tous les autres... une petite centaine. J'ai plus de bras et plus d'ongles au pouce de la main gauche, il me l'avait dit, pourtant.

Le premier coup, c'est comme si tu caressais une femme, le second plus fort, au troisième tu vérifies que le piquet est bien droit et tu n'oublies pas d'enlever ta main... et bien entendu, j'ai oublié. Il a rigolé, comme à son habitude il m'a claqué l'épaule, je n'étais pas bon sur mes appuis, j'ai terminé le nez dans une taupinière.

Il m'a dit, en se marrant comme une baleine :

  • Quand tu auras perdu trois ou quatre ongles et que tu auras eu deux ou trois échardes dans la paume de la main, tu sauras planter des piquets droits, en attendant tu as une jolie voix quand tu cries !

***

Ainsi la matinée se termina sans événements majeurs, il se mit dans la tête de m'apprendre le maniement du tracteur, conduire droit ça je savais faire... mais reculer avec une remorque au cul tout en surveillant la fourche à l'avant... ça, c'est plus compliqué. J'ai rajouté une bosse ou deux à la remorque.

Cet après-midi, il me montrera le maniement de la tronçonneuse... si l’on a le temps, on ira voir s'il y a des cèpes, c'est un peu sec d'après lui, mais avec la petite pluie qu'il y a eu l'autre jour, il est passionné de météo aussi, il me montre au passage sa mini station météo... il m'explique encore des trucs, mais un grognement de mon ventre me fait perdre le fil de son récit.

  • ... Tiens v’là les miss qui reviennent de la bronzette...

Je me retourne, effectivement elles ont sorti leur plus beau sourire juste pour moi, finalement c'est pas mal la campagne. Je ne me verrais pas y faire ma vie, mais deux trois jours...

  • Tu sais Pierrot, la c'est pour de la rigolade tout ça, mais il y a le Dédé qui est plus tout jeune, il voudrait céder son exploitation, parait-il, pour une bouchée de pain, tu parle, radin comme il est, c'est un petit gars comme toi qu'il faudrait pour ça, au début ça suffirait, il n'a qu'une centaine de broutards et deux douzaines d'hectares de foin, plus dix de céréale bien entendu, juste pour les bêtes. Je dis ça comme ça, mais je trouve que tu ne t'es pas trop mal défendu... Surtout ma fille à l'air heureuse avec toi, je ne te dis pas tous les cons qu'elle s'est enfilés avant toi !
  • Papa, cria Loulouttre, il y a des choses que mon chéri n'a pas besoin de savoir !

Et moi dans tout ça, on me demandait ce que j'en pensais. Rooo, mais non trois quatre jours au vert je dis pas, mais...

Je ne l'ai pas entendu arriver, elle me prend le bras, se colle à mon dos, je sens son souffle chaud sur ma nuque, elle me lèche le cou, me mordille l'oreille... et me jette dans l'esgourde d'une voix aussi basse que rauque :

  • Après manger, c'est sieste obligatoire, tu n'as pas été très gentil ce matin, il va falloir que tu te fasses pardonner ! me dit-elle en me caressant les... Puis, sans transition, alors que ses doigts continuent leurs arabesques sur le haut de mes cuisses, frôlant comme si de rien n'était... Qu’en dis-tu de t'installer ici ? Ma petite soeur m'a proposé de nous donner la main avec les bêtes, elle n'a pas l'air comme ça,mais elle est dure à la tache quand elle s'y met. Sans oublier que moi aussi, je conduis le tracteur depuis que je suis toute petite, qu'est ce que tu m'as fait rire quand tu as essayé de reculer. Sans me laisser répondre alors que ses doigts continuent leur petit manège...oh que c'est agaçant !... Le Dédé, il partirait vivre chez son fils à Brive, il laisserait un corps de ferme de deux cents mètres carrés, tu pourras m'en faire des enfants, ils auront tous leur chambre...

Je me dégage brusquement, elle me regarde avec des yeux effarés, alors qu'enfin je lui réponds, loin de ses doigts qui énervent

  • Et moi, vous me demandez ce que j'en pense, j'ai l'impression d'être tombé dans un traquenard
  • Rooo, minou, ce n’est pas comme si tu l'aimais ton travail actuel, tu n'arrives même pas à joindre les deux bouts... ici ce serait pareil, mais au moins tu mangerais de la viande qui a du gout, des champignons... tu va voir, maman comme elle cuisine bien...
  • Tu m'écoutes au moins...
  • Oui mon minou, tu auras tout le temps d'y réfléchir... le papé il vent à la fin du mois... allez à table... Tu as déjà vu des steaks de cette taille ? Après ce sera sieste obligatoire... à moins que tu ne sois trop fatigué de ta matinée de travail !

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