Agnus

2 minutes de lecture

Ennemis du Dragon

Alliés ducielà

Portez vos robes

Purifiez vos larmes

Dans le sang

Des entrailles

De l'agneau sacrifié

La scène scintille encore des couleurs du groupe précédent quand les lumières s’éteignent brusquement. Le public formé de parents et d’adolescents danse encore alors que, dans sa robe blanche, sort le fantôme au visage peint de noir. L’unique projecteur allumé fait refléter la blancheur de sa peau spectrale qui contraste avec la pénombre environnante. Ses mains aux ongles noirs aussi longs que des griffes s’agrippent au microphone en même temps que les autres musiciens apparaissent à la lumière. Leurs longs cheveux et leurs vêtements noirs ne font qu’augmenter l’intensité de son air fantomatique alors que ses cheveux de flammes descende jusqu’au bas du son dos.

Les gens présents dans la salle ne parlent plus, ils fixent en bavant l’innocence qui se déhanche au rythme de la basse lourde. La semi obscurité stagnante garde les autres membres dans le secret des ombres alors que la chanteuse baigne sous un faisceau divin. Seulement la chaine qui retient la basse de son ami réfléchie ce halo. Le bassiste, aux allures de Peter Steele, évoque l’époque du règne de la musique gothique.

Les parents reconnaissent le son dense et les paroles macabres qui ont forgé certains d’entre eux. Attaqués par cette voix d’outre-tombe chantant la mort, leur passé leur revient au son de la mélancolie des instruments qui gémissent en rythme avec les adolescents. Certains spectateurs se regardent entre eux, cherchant deux ou trois psychologues dans la foule pour soigner ce groupe de jeunes dépressifs. Ils ne pleurent pas, ils ne montrent presque aucune émotion, mais l’omniprésence des notes graves et la lourdeur de la voix communiquent leur agonie. Ces enfants maudits rejetés autant par la vie que par la mort ne demandent qu’à être compris au moins une nuit.

La jeune femme, dans le halo des projecteurs, porte sur ses épaules toute leur souffrance. Cachées sous sa robe aux manches de dentelle, ses plaies lui crient de les laisser se dénuder devant tous ces gens qui lui mangent la laine sur le dos. En fermant les yeux, elle peut encore sentir la froideur des ciseaux charcutant sa chair afin qu’elle ressente une quelconque émotion. Son pendentif se balance d’un sein à l’autre dans son décolleté. La plus longue tige de la croix de métal brut, pointée vers le haut, se loge dans sa peau au moindre mouvement, laissant des marques qui s’approchent toujours plus de ses veines. Ce contact froid l’empêche de chavirer dans l’autre monde, l’empêche d’atteindre l’orgasme auditif devant ses bourreaux. Les musiciens se retiennent tous de se laisser emporter par les flammes de leur passion qui dépasse le mal qu’ils ressentent à se détruire avec leur chaine. Un état de béatitude complet est à leur portée, mais ils préfèrent rester dans la noirceur de leurs mots. Ils doivent rester stoïques et puissants devant tous. C’est le rôle qu’ils doivent jouer sur scène.

Une fois de retour chez eux, une fois l’euphorie du moment partie, leurs larmes se précipitent hors de leurs yeux. Lundi, tout le monde aura oublié.

Lundi, ils redeviendront les jeunes fous incompréhensibles que personne n’ose approcher. Les élèves de leur école se tiendront par la main pour les sacrifier. Leur innocence sera offerte à ces charognards afin qu’ils puissent s’endormir la nuit sans être ronger par les maux d’une mauvaise journée. Ils continueront jusqu’à temps que chacun d’entre eux ait accepté de leur donner leur âme pour ainsi dire adieu à leur vie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Corbeau Funeste ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0