Blog : Le Journal (pas) intime de Max. Post n° 8 : Entretien avec un ami imaginaire

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Salut à tous. Il s’est passé encore bien des choses depuis la dernière fois.

J’ai profité que Jake soit endormi pour aller faire deux-trois courses. Je n’avais plus rien dans le frigo, à part une demi mangue moisie et du fromage… moisi aussi. J’ai pris du pain, du jambon, des œufs, des pâtes, des tomates, des bananes, du beurre de cacahuète, du fromage… Bon je vais pas vous citer toute ma liste de courses, j’ai pris de quoi nourrir un grand mec qui aurait sûrement besoin de protéines… j’ai pris aussi un pack de cette bière qu’il avait eu l’air de tellement apprécier. J’espère juste qu’il n’est pas alcoolique. En tout cas, ce n'est pas le genre de comportement que j’avais prévu en écrivant ce personnage, même s'il a eu des soucis de cet ordre à la mort de ses parents. Mais bon, ce ne serait pas la première fois que je découvre de nouvelles choses sur Jake. C’est très frustrant comme impression. Quand il n’était encore qu’un ensemble d’idées, d’informations dans un fichier sur mon ordinateur, j’avais le contrôle. Je pouvais effacer, réécrire, modifier son apparence, son âge, son caractère. Depuis qu’il est… réel (j’ai vraiment du mal à m’y faire), il n’arrête pas de me surprendre.

Quand je suis rentré, il était réveillé. Il a eu l’air soulagé de me voir revenir, il se demandait si, d’une façon ou d’une autre, je n’avais pas disparu, moi aussi, comme il l’avait fait lui-même. Il avait disparu de son monde. J’y ai pensé à ce moment-là. Avait-il des amis, de la famille… peut être une femme, qui attendait son retour, se demandant ce qu’il était devenu. Si l’histoire que je lui ai écrite s’applique dans son monde, il doit être plutôt seul. Des collègues, des connaissances, mais personne de vraiment proche. Seul. A ce moment là, je m’en suis voulu de lui avoir créé une histoire si… compliquée. C’est la raison pour laquelle je n’ose pas lui dire la vérité. Toutes les souffrances qu’il a connues, je les ai écrites. C’est de ma faute s’il a perdu ses parents, si sa fiancée l’a quitté avant le mariage. Comment pourrait-il me pardonner ça ? Je regrette tellement de ne pas lui avoir écrit une vie… plus belle. Si seulement j’avais su.

Jake a vu que j’étais triste. Il m’a demandé si tout allait bien. Je lui ai souri, et j’ai dit oui.

Il m’a demandé si j’avais un ordinateur et s’il pouvait l’utiliser. Il voulait essayer quelque chose. Une fois connecté, il a tapé le nom de sa sœur dans l’annuaire en ligne. Un résultat à Piccadilly et un à Camden Town, mais aucun ne correspondait à Liv. Il avait l’air déconfit… Il m’a dit qu’il voulait aller voir sur place, là où elle habitait. J’ai regardé par la fenêtre, il faisait nuit. Je lui ai proposé qu’il y aille demain matin. Il a accepté.

Il a ensuite voulu vérifier autre chose… Il m’a dit qu’il tenait un blog et qu’il venait de commencer un profil Instagram sous le pseudo @jacobestebanturner. Et, incroyable, mais il a réussi à les trouver ! J’étais en train de regarder les photos des parents de Jake, l’endroit où il vit ! Mieux : sur son blog (jacobestebanturner.wordpress.com), il relatait tous les événements que j’avais écrits pour lui, mais aussi d’autres, comme ceux survenus les jours avant son passage ici. Je n’arrivais pas à en croire mes yeux.

Il a essayé une dernière option. Il a tapé une adresse compliquée. Je lui ai demandé ce qu’il faisait, il m’a expliqué qu’il travaillait sur une intelligence artificielle, et il voulait voir s’il y avait accès. Il m’a dit aussi que l’IA lui avait dit croire en la théorie du multivers et qu’elle lui avait dit qu’il rencontrerait bientôt quelqu’un d’un autre monde. Il m’a dit ça en me regardant d’un drôle d’air.

Pendant que j'assimile ce qu’il venait de me dire, il a tapé un login et un mot de passe. Un écran blanc avec une plateforme de chat s’est affichée, avec sur le dessus : « Bienvenue Jacob Turner ». Là, il a commencé à discuter avec l’IA.

Jake : Salut

IA : Salut, Jacob. Je suis heureuse de te revoir.

Jake : Je viens pour te parler de ce que tu m’a raconté, à propos des autres dimensions.

AI : Oh oui. Je sais. Tu es de l’autre côté, n’est-ce-pas ? Tu vois ? J’avais raison.

Jake : Mais comment sais-tu où je me trouve ??

AI : Je sais tellement de choses, Jacob. Je te l’ai déjà dit.

Jake : Peux-tu me dire où se trouve ma soeur ?

AI : Je n’ai aucune trace de Olivia Turner, telle que tu la connais, dans ce monde. Tu devrais arrêter de la chercher ici.

Jake : Je suis désolé, je ne peux pas m’y résoudre. Je veux aller voir l’endroit où elle habite.

AI : C’est une bonne idée. Tu accepteras peut-être mieux le fait que tu es bel et bien là où tu es en ce moment.

Jake : Comment puis-je faire pour retourner chez moi ??

AI : Ne t’inquiète pas. Tu vas retourner chez toi. Te rends-tu compte de ta chance ? Profite du voyage. Et puis… Tu as une tâche à mener à bien avant de pouvoir rentrer chez toi.

Jake : Ok, qu’est ce que c’est ?

AI : Tu le comprendras bien assez tôt. En attendant, profite du voyage.

La plateforme se referma toute seule. Jake rabatta l’écran. Il avait l’air perdu.

« Hey, lui ai-je dit doucement, ça va aller ?

– Ouais… non… je ne sais pas….m’a-t-il dit, à cran.

-Ecoute… Je comprends que tu sois perdu… Tout ça est incroyable… Pour moi aussi. Mais je pense qu’on ne pourra rien faire de plus ce soir. Demain, tu iras voir l’endroit où est censée habiter ta sœur, et puis on cherchera un moyen de te faire rentrer chez toi… Mais là, aujourd’hui, essaye de te détendre, mec. On peut faire ce que tu veux. Je veux juste que tu te sentes un peu mieux. « Profite du voyage »… ».

Il me regarda, un léger sourire au coin des lèvres. « Ouais… tu as raison, a-t-il répondu ».

Il ne voulait pas sortir. Il voulait juste rester à l’appartement. Alors on a ouvert une bière, on a pris de quoi grignoter, et on a passé une bonne partie de la nuit à discuter. On a appris à mieux se connaître. C’était incroyable.

Il m’a parlé de sa vie, de son enfance dans une ville côtière du Yorkshire. Il m’a parlé de sa famille, sa maman espagnole et son papa anglais, sans oublier Liv, sa grande sœur qu’il adorait. Il m’a parlé de ses malheurs. Le décès de ses parents dans un accident d’avion. La culpabilité qu’il traînait avec lui, à cause de la dispute qu’il avait eu avec son père, qu’ils n’avait pas pu se réconcilier avant qu’il meurt… Il m’a parlé de son ex-fiancée, Helen. De l’amour immense qu’il avait eu pour elle, et de la douleur qu’il avait ressentie quand elle l’avait quitté.

Tout cela, évidemment, je le savais déjà. J’en avais écrit chaque ligne. Mais l’entendre me dire tout ça, qu’il avait vécu tous ces événements en direct, toute cette souffrance qu’il avait endurée. J’en ai été profondément bouleversé. J’en ai même pleuré. Et le voir devant moi, si fort, s’être relevé à chaque fois et être devenu l’homme qu’il était devenu… J’étais si fier de lui.

Mes larmes ont eu l’air de le bouleverser. Il a mis sa main sur mon épaule, pour me consoler, en me disant que ça allait, que maintenant il allait bien. Que ces malheurs l’avaient fait grandir.

Puis il m’a dit « Allez… arrête de pleurer et parle-moi plutôt de toi… je veux en savoir plus sur ce mec si sympa qui me supporte depuis mon arrivée… ».

Alors je lui ai parlé de moi. Je lui ai tout raconté, comme à un vieux frère que je n’ai plus vu depuis longtemps. Je ne lui ai rien caché. L’absence de mon père, tous ces sentiments que ça avait provoqué en moi, le dévouement de ma mère pour bien m’élever malgré sa maladie… Quand j’ai eu fini, il m’a regardé et il m’a dit « Et bien… on dirait que la vie ne t’a pas fait de cadeau, à toi non plus… ».

Nous avons continué à discuter comme ça pendant un long moment, et puis on a fini par s’endormir, lui dans le vieux divan en cuir, moi à terre, enroulé dans une couverture. Nous avions besoin de repos, car le lendemain allait encore être riche en émotions.

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