Blog : Call me Jake. Post numéro 10 : Celui où je prends des décisions.
J'y voyais un peu plus clair dans la tâche que l'IA, l'univers et je ne sais qui m'avait attribué dans ce monde. Je devais aider Max. Et en y réfléchissant un minimum, le jeune homme m'avait donné des indices, sans le vouloir. Il m'avait ouvert son cœur et je connaissais ses souffrances, son passé, son combat pour grandir et devenir un homme sans avoir de modèle, sans sentiment d'être guidé, protégé ou même simplement aimé par son père. Cela devait être très difficile à vivre. Peut-être que mon but ici était de l'aider à dépasser tout ça, à se libérer de ce fardeau, pour qu'il puisse commencer à vivre.
Mais comment allais-je m'y prendre ? Il m'est revenu à l'esprit un article que j'avais lu un jour dans un magazine de psycho dans la salle d'attente d'un dentiste… L’article disait, en gros, que pour régler certains traumatismes du passé, du moins en partie, il fallait les affronter. Ca pouvait aller de la jeune fille face à un vieil oncle qui s’était montré trop affectueux, à l’employé devant un employeur abusif, en passant par le jeune homme et ses harceleurs à l’école. Le fait de les affronter, leur montrer clairement que stop, c’était fini, qu’on accepterait plus leurs débordements, permettait pour l'agressé de se libérer de l’emprise de l'agresseur (qui, cerise sur le gâteau, était remis à sa place)... Il fallait évidemment que cette démarche soit bien accompagnée et préparée. Je ne suis pas un professionnel, mais je pouvais accompagner Max, être là pour lui, le soutenir. Ma décision était prise, je voulais emmener Max affronter son père, pour qu’il puisse se libérer de toute cette histoire, se débarrasser de ce passé lourd et enfin avancer.
J’avais toutes ces idées en tête lors de notre trajet de retour de notre escapade à Hampstead. Max me jetait un regard de temps en temps, l’air inquiet. J’aurais voulu le rassurer, lui parler normalement, mais j’étais trop concentré sur ce que je devais faire. Il devait se demander si j’allais bien, moi qui avait enfin pris conscience que j’étais très, très loin de chez moi. Il est vrai que le choc a été rude, très rude. Mais ma détermination à m’en sortir était décuplée. Alors pourquoi avais-je décidé d’aider Max ? Pour lui, ou pour moi, pour rentrer plus vite chez moi ? N’étais-je pas en train d’agir comme un sale égoïste ? Affronter son père serait pour Max très difficile. Je l’ai regardé. Ce garçon tellement gentil, qui n’avait pas hésité à m’héberger, à me croire dans mon délire de multivers et il m’avait bien aidé jusque là. Non. Ce n'était pas l’égoïsme mon moteur principal. C’est vrai, je voulais rentrer chez moi. Mais Max méritait que je sois là pour lui, que je l’aide à s’en sortir. C’était ma volonté. Je voulais le voir heureux.
Nous étions revenus à l’appartement et Max s’était assez vite endormi dans le canapé. Il avait des heures de sommeil à rattraper. Moi aussi, mais j’avais à faire. Je me suis regardé dans le miroir. J’avais toujours mes vêtements d’hier, déchirés à cause de ma chute, mon téléphone portable était mort (il a explosé durant mon voyage interdimensionnel, vous vous rappelez ?) et Max avait pioché dans ses maigres économies pour m’aider jusque là. J’avais une idée en tête pour aider Max, mais d’abord, j’avais besoin de retrouver ma… prestance. J’ai laissé un mot sur la table basse, histoire qu’il ne pense pas que j’étais reparti chez moi sans prévenir. J’ai quitté l’appartement et je me suis dirigé vers la première banque que je trouvais. J'espérais que ma carte fonctionnait ici. J’en ai trouvé une à deux rues de là. Je suis entré et j’ai expliqué que j’étais un touriste américain et que j’avais besoin de liquide. L’employée a accédé à mon compte et m’a dit qu'effectivement, je pouvais avoir des livres sterling, à un taux assez intéressant. J’ai pris du liquide, juste ce qu’il fallait pour ne pas attirer l’attention, mais assez pour être à l’aise. Heureusement que mon boulot paye très, très bien. J’avais de la marge pour ce que je voulais faire. Pour le reste, il me restait ma carte de crédit.
Mon arrêt suivant a été dans une boutique de vêtements. Je ne savais pas pour combien de temps je resterai ici, et je ne pouvais décidément pas rester éternellement dans ce jean et ce survet de sport. Encore moins dans ce caleçon. J’ai donc acheté deux t-shirts blanc, un noir, deux jeans, un chino kaki et, bien sur, des caleçons et des chaussettes. Je me suis aussi laissé tenté par un blouson de cuir noir (je vous ai dit, mon boulot paye bien). Je suis aussi allé me racheter un téléphone portable et j’en ai acheté un pour Max. Le sien n’était plus très neuf et il devait souvent le charger. J'espérais que ça lui ferait plaisir.
Je suis revenu à l’appartement, chargé de mes paquets. Max s’est réveillé quand j’ai malencontreusement fait claquer la porte. Il m’a regardé d’un oeil interrogateur. Je portais mon chino, le t-shirt noir et la veste de cuir. mes vêtements sales étaient dans un sac. Je lui ai expliqué ce que j’avais été faire et je lui ai offert le téléphone. Il ne savait pas quoi dire, mais il était heureux, ça faisait plaisir à voir. Il m’a dit que ça faisait longtemps que personne ne lui avait rien offert. Il pensait bien qu’il devait s’acheter un nouveau portable, mais il n’y arrivait jamais, il y avait toujours quelque chose de plus important à payer. Il m’a regardé et il avait presque les larmes aux yeux. Il s’est excusé, il a dit que c’était ridicule. Ce n’était pas pour le téléphone qu’il pleurait. Il était juste ému par mon geste.
“Attends, ce n’est pas tout, lui ai-je dit
- Quoi ? Ne me dis pas que tu as encore dépensé plus d’argent pour moi… Sérieux, c’est gentil, mais il ne faut pas…
- Ca n’a rien à voir. Je… Je veux faire quelque chose pour toi. Pour te remercier de tout ce que tu fais pour moi.
- Arrête… C’est rien…
- Mais si, justement, c’est énorme, ce que tu as fait pour moi. Quelqu’un d’autre m'aurait laissé là, dans cette gare, et m'aurait pris pour un fou. Je serais à la rue, complètement perdu si je ne t’avais pas rencontré… “.
Max avait baissé les yeux, souriant, rouge comme un feu stop.
“Max, ai-je continué, tu es le mec le plus gentil que je connaisse. Tu es un mec en or. Vraiment. Et crois-moi, on ne se connait que depuis hier, mais je me sens plus proche de toi que certains de mes amis que je connais depuis des années. Mais je sais aussi que tu souffres. Depuis notre discussion de cette nuit, quand tu m’as parlé de ton père qui n’avait pas voulu de toi, j’ai compris et j’ai vu certaines choses en toi. Je vois ta souffrance. Je sais que tu doutes de toi, que tu n’as pas une bonne image de toi…
- Bah… commença Max.
- Non, Max. Ce n’est pas juste. Tu n’as pas à te sentir comme ça. Ce n’est pas de ta faute. C’est lui le responsable. Et il est temps qu’il en prenne conscience.C’est pour ça que demain, toi et moi, on va aller voir ton père et tu vas lui dire tout ce que tu ressens.
- Quoi !? s’étrangla Max. Mais… Non… Mais il vit en Belgique…
- Ce n’est pas un problème. On a un train qui part demain matin. J’ai déjà acheté les billets. Et puis tu pourras aller voir ta maman.
- Je ne peux vraiment pas aller le voir… Il a sa famille, je ne peux pas débarquer comme ça et gâcher la vie de tout le monde !
- Max… Il ne s’est pas gêné pour gâcher TA vie et celle de ta mère. Elles valent moins que la sienne, c’est ça ?
- Je… C’est vrai que je n’ai pas su aller voir ma mère cette année… Mais… Jake… C’est trop… Et puis… je n’arriverai jamais à l’affronter…
- Ne t'inquiète pas, mec, ai-je répondu. Je serai avec toi. Il n’aura pas le choix, il devra t’écouter. Tu vas voir, ça va aller.”.
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