Blog : Le Journal (pas) intime de Max. Post n° 10 : Grandes décisions et resto espagnol

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Le retour de Hampstead a été très silencieux. Jake ne disait pas un mot. Il me regardait parfois, pensivement. Je n'ai pas osé lui demander si ça allait, s'il tenait le choc… Je voulais le laisser digérer. Il venait d'avoir la preuve irréfutable qu'il n'était pas dans son monde.

Arrivés chez moi, il m'a souris et il a disparu dans la chambre. "Laisse-le tranquille, me suis-je dit". Je me suis assis sur le canapé, j'étais épuisé. Je n'ai pas l'habitude de rester debout jusqu'à 5 heures du matin. D'ailleurs je me suis endormi. J'ai encore fait un rêve bizarre. J'étais couché. J'étais éveillé, conscient, j'entendais comme des voix autour de moi, une lumière blafarde filtrait à travers mes paupières closes. Mais pas moyen de bouger. J'avais la volonté de bouger, mais rien.

Je me suis réveillé en sursaut au bruit d'un choc sourd. La porte de mon appartement venait de claquer. Jake était là, habillé différemment, avec des paquets plein les bras… Il venait d’aller faire… du shopping ?

Il m’a expliqué qu’il ne savait pas combien de temps il resterait ici, donc il s’était rhabillé. Je le comprends… Il avait l’air tout excité, beaucoup plus motivé que tout à l’heure. Il m’a tendu un paquet. Je l’ai ouvert. C’était un téléphone portable flambant neuf… Je n’arrivais pas à y croire. Jake m’avait offert un cadeau. Quelque chose que je n’avais pas les moyens de m’offrir en plus. Ça faisait des lustres que personne ne m’avait rien offert. J’ai été tellement ému que j’en ai eu les larmes aux yeux. Je me sentais vraiment bête de réagir comme ça.

Mais ce n’était pas tout. Jake s’est approché de moi, il s’est assis sur le canapé où j’étais, à côté de moi, et il m’a annoncé qu’il m’emmenait voir mon père. Il fallait que je crève l'abcès, que je lui parle de tout ce que je ressens, que je me libère de tous ces mauvais sentiments. Faire une croix sur tout ça et passer à autre chose. Commencer à vivre. Vivre. Il me disait tout ça en me regardant droit dans les yeux. Ses yeux d’habitude noisettes étaient grands ouverts et avaient pris une teinte plus sombre, mais une lueur de détermination y brûlait comme une flamme. Il semblait vraiment soucieux que je l’écoute, il se rapprochait encore de moi et ponctuait ses paroles de gestes vifs et précis.

Je comprenais bien sa démarche. Il me voulait du bien. Et je savais, dans mon for intérieur, que c’était une bonne chose à faire. Mais j’étais terrorisé. Jake ne me demandait pas de sortir un peu de ma zone de confort. Il me demandait de l’exploser, donner un grand coup de pied dedans. Je lui ai dit que je n’aurais jamais la force, qu’il avait sa famille, sa vie… Que ça n'en valait pas la peine. Et là, juste à ce moment-là, Jake m’a dit les mots les plus importants que j’aie entendus de toute ma vie. Il a posé sa main sur mon épaule et il m’a fait prendre conscience que moi aussi, j’ai de la valeur… Que je n’avais pas à m’excuser d’être là, de vivre… Il parlait maintenant d’une voix plus calme, mais tout aussi assurée. Il m’a donné envie de m’affirmer, de me battre pour y arriver. Pour la première fois depuis longtemps, je ne me sentais pas inutile, je me sentais à ma place. Et tout ça, grâce à lui. Grâce à cet homme que j’avais imaginé pour un bouquin. Il était en train de devenir mon ami le plus cher, mon frère… Il allait m’accompagner dans cette démarche que je devais entreprendre, sans doute la plus effrayante et la plus compliquée que j'aurai à faire, mais qui m’aiderait à passer à autre chose. Il voulait vraiment m’aider, il voulait vraiment mon bien. Il avait même déjà acheté les billets de train pour aller sur ma terre natale, en Belgique, voir l’homme qui a la fois m’avait conçu et qui avait fait de ma vie un enfer…

Il était plus de 19:00, et nous avions faim tous les deux. Jake m’a proposé de m’emmener dans un resto espagnol qu’il avait repéré cet après-midi. Il voulait me faire découvrir des plats de son enfance. J’ai accepté, et nous avons passé une bonne soirée, à discuter de la Belgique, de son enfance en Angleterre, …

Il m’a fait goûter un “Chilindron”, un plat typique espagnol qu’il adorait étant enfant : un ragoût préparé avec de l'agneau, des poivrons, des oignons, de l'ail... Une tuerie. C’était vraiment délicieux. On a bu du bon vin, peut-être un peu trop, et je sais maintenant que quand Jake a bu un peu trop, il est d’abord très affectueux, il vous prend dans ses bras en disant qu’il vous aime (c'était super gênant), puis il pleure (encore plus gênant), pour finir par s’endormir. Heureusement que cette dernière étape est arrivée quand on est revenu à l’appartement, car je n’aurai jamais pu le porter jusque là…

Le lendemain, nous nous sommes réveillés avec la gueule de bois, mais nous ne pouvions pas traîner, car notre train vers le lieu où je devais affronter mon père allait bientôt partir.

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