Max est le mec le plus badass que je connaisse. Je savais qu’il était capable de relever le défi de parler à son père. Mais pas à ce point là. Il s’est littéralement transformé devant mes yeux. Le jeune homme timide et réservé que je connaissais est devenu en quelques secondes un mec qui n’avait qu’un seul but : régler ses comptes. Son père, le pauvre bougre, s’en est pris plein la figure. Il a été secoué, je l’ai bien vu à sa tête. Puis il s’est décidé à révéler toute la vérité à son fils. Finalement, toute cette souffrance, cette incompréhension, ont servi à sauver la vie de Max et sa mère.

Depuis, Max a changé. Je le vois dans son attitude, sa façon de parler. Il a l’air plus à l’aise, plus affirmé, il sourit plus. C’est incroyable l’effet qu’une discussion peut avoir sur un être humain. Ça me fait tellement plaisir de le voir sans avoir tout ce poids sur les épaules.

Comme nous étions en Belgique, nous en avons profité pour aller voir sa maman, Annette. J’ai vu le petit appartement où Max a été élevé, situé dans une cité où tous les bâtiments se ressemblent; et où les rêves ne font pas long feu. Sa maman est adorable, elle était tellement heureuse de revoir son fils. Elle m’a accueilli comme si elle me connaissait depuis longtemps. Son mari, Jean, rond et bienveillant, a longuement discuté avec nous. Max a parlé de ce qui s’était passé avec son père. Annette a pris cette histoire de mafieux avec une certaine distance. Ca se voyait qu’elle ne voulait pas trop s’éterniser sur ce passé si sombre, ne voulant se concentrer que sur le bonheur qu’elle connaissait aujourd’hui.

Elle a voulu me montrer des photos de Max, quand il était petit. Max a protesté, mais rien n’y faisait. Elle m’a demandé de la suivre pour l’aider à prendre la boîte à albums photos qui se trouvait dans la chambre d’enfance de Max. Une petite chambre. Les meubles étaient en pin clair. Le lit au milieu de la pièce. Des posters de No Doubt, Nada Surf, Blur… Des dessins de personnages, dont un, en armure, qui me ressemblait étrangement… Annette m’a regardé avec bienveillance. “Vous me plaisez bien, a-t-elle commencé. Je suis contente de vous connaître. Ça se voit que Max vous aime beaucoup. Vous êtes son pilier. Il a beaucoup souffert, vous savez…”.

Nous avons regardé les photos tous ensemble. J’ai découvert Max quand il était un petit garçon, blond à l'époque, un grand sourire aux lèvres, jouant dans un jardin ensoleillé, un petit tipi d’indien à l’arrière-plan. Max en maillot, dans une piscine gonflable. Max sur un petit vélo mauve aux pneus blanc. Max avec d’autres enfants, riant. Et toujours le soleil de l’insouciance qui illuminait son visage. Ça se voyait qu'Annette avait fait de son mieux pour élever son fils toute seule.

Nous avons partagé un repas mais nous ne nous sommes pas éternisés, notre train nous attendait. Sur le chemin du retour, je me suis endormi, satisfait de notre journée. J’ai ouvert les yeux un instant, et j’ai regardé Max. Il était concentré, en train d’écrire quelque chose. J’ai souri et j’ai refermé les yeux.

Quand nous avons ouvert la porte du petit appartement de Max à Newham, la nuit était déjà bien avancée, si bien que le matin commençait à poindre, venant mélanger un peu d’orange à l’horizon bleu nuit.

Nous étions épuisés. Max m’a dit de dormir dans son lit et que lui prendrait le canapé. J’ai protesté mais il m’a dit que j’étais son invité, et qu’il était hors de question de me faire dormir dans le fauteuil. En plus, il lui arrivait souvent de passer la nuit dans le salon, endormi devant une série sur Netflix.

Le lendemain - enfin, quelques heures plus tard - nous avons pris notre temps. Notre voyage avait été chargé en émotion et nous avions envie de nous la couler douce. Max devait recommencer à travailler le lendemain. Il n’en avait pas envie, il voulait rester avec moi, m’aider à trouver un moyen de rentrer chez moi. Pour ma part, j’estimais avoir aidé Max, par rapport à son père. Que devais-je faire encore ?

Les événements qui arrivèrent par la suite allaient nous en donner la réponse. Mais notre amitié allait être mise à l’épreuve.