Versailles & Paris

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— En tant que valet, Toine, dit l'oncle Robert, nous devons être à la disposition de Madame nuits et jours. Je suis le valet des semaines impaires, toi les paires, et nous dormons dans l'antichambre pendant notre service.

—Oh, diable, je suis déjà fatigué… murmura le nouveau valet. Et que dois-je faire quand je ne m'occupe pas de Madame?

— Versailles a toujours besoin de main d'œuvre, tu sais ! Mais tu peux faire ce que tu veux, comme Cath' qui se prostitue ou Le Grand, qui est aussi pâtissier à Paris, au Cœur couronné percé d'une flèche.

— L'auberge devant laquelle le bon roi Henri a été assassiné !? Ça existe toujours ?! demanda Toine avec un grand étonnement.

— Hé, baisse d'un ton, Toine ! dit Robert. Mais oui, celle-ci. Si tu as du temps à perdre, demande à Le Grand de te pistonner.

Toine haussa les épaules : il informera son oncle, ou Le Grand, de son choix… Ou pas. Une semaine après cette discussion, c'était au tour de Toine d'être le valet ordinaire de Madame. Madame, qui était à sa coiffeuse, le demanda et lui donna son premier ordre :

— McClain, vous allez laver les vitres aujourd'hui. L'ambassadeur du Japon arrive et je passerai ma journée avec mes belle-sœurs, je ne vous embarrasserai donc pas.

— Oui, madame. répondit-il.

Quelques instants plus tard, Cath' arriva dans la chambre de Madame, tandis que Toine lavait les carreaux.

— Bonjour ! salua-t-elle. As-tu besoin d'aide ?

— Oh, Cath' ! s'exclama Toine avec un sourire. Oui, j'ai vraiment besoin d'aide, merci ! La comtesse d'Artois ne te veut pas aujourd'hui ?

— Elle est à la réception du nouvel ambassadeur, dit la fille en prenant un chiffon. Et avais-tu pensé à un deuxième emploi ?

— Non, mais je sais déjà que je ne veux pas tomber dans la prostitution.

— La galanterie n'est pas mauvaise chose qu'on le dit ! protesta-t-elle. Mon frère, Mathieu Mitterond, est commerçant dans la rue Deux-Portes : c'est un chapelier et il a du talent. Il cherche des vendeurs, tu peux faire un demande d'emploi ! l'encouragea Cath'.

Toine n'avait pas rien à répondre, alors il continua à laver les vitres. Après tout, pensa-t-il, cela ne coûte rien de demander et l'argent est précieux. La rue des Deux-Portes est maintenant la rue Dussoubs, dans le 2e arrondissement de Paris. C'était autrefois la rue Gratte-cul ou la rue Gratecon, parce que c'était le quartier des prostituées.

— Ma mère m'a vendu quand j'avais 14 ans à Marguerite Gourdan. Son bordel est actuellement au n° 23, tu vois !

— Je vois, je vois ... Mais pourquoi ta mère… ?

— Me prostitua ? Nous avions besoin d'argent et je suis jolie. Je me souviens de ma première fois et vous vous en souvenez toujours : je me coiffais lorsqu'un père amenait son fils à peine plus âgé que moi ! Il était mignon avec son mulet, son visage timide et son sexe de malade !

— La, la, la ! chantonna Toine avec les doigts dans les oreilles. Je me fiche des détails!

Cath' se mit à rire de la chasteté de Toine et elle ouvrit la porte d'Au chapeau neuf. Une femme payait un chapeau à Mathieu. Elle avait des cheveux bruns, un petit menton et de grands yeux.

— Marguerite ! s'exclama Cath', en la serrant dans ses bras.

— Oh, Catherine ! Quelle surprise, chérie ! fit la maquerelle en embrassant son ancienne employée. Elle regarda Toine, qui était en retrait, et murmura : qui est cet homme, Cathie chérie ?

— Oh, laissez-moi vous présenter Antoine McClain, un valet ordinaire de Madame, la comtesse de Provence.

— Oh ! dit-elle avec des yeux étincelants. J'ai un temple dédié à Vénus dans cette rue, au n° 23. J'espère vous voir un jour… ou un nuit, monsieur.

Elle finit sa phrase avec un petit rire auquel Toine sourit poliment.

— Je suis honorée de la proposition, Madame Gourdan, mais si jene suis pas insensible aux charmes féminins, je préfère une compagnie plus masculine s'il s'agit d'une simple vidange. répondit-il froidement.

Marguerite était déçue mais elle continuait de sourire, et elle les quitta rapidement.

— Alors ! dit Cath'. Mathieu, comment vas-tu aujourd'hui ?

— Je viens de terminer un chapeau pour l'ambassadeur du Japon. Normalement, quelqu'un arrivera à… (il regarda l'horloge) Trois heures !

La cloche de la boutique sonna et un homme entra. C'était un grand gaillard, mince et musclé, avec un petit mulet. Il avait une queue de cheval brune et sa peau était légèrement cuivrée. Il a les yeux bridés, un visage rond, un costume militaire européen et un accent anglais.

— Bonjour, je suis le comte Richard Kagane de St Mary Mead, et je suis en charge de récupérer le cadeau pour mon maître.

— Oh, bien sûr, Monsieur, immédiatement !

Mathieu a disparu et le magasin de chapeaux fut silencieux. Richard regarda sévèrement Cath', intrigué.

— Excusez-moi mademoiselle, mais je pense que nous nous sommes rencontrés.

— Je pense aussi. répondit-elle amusée. Nous étions jeunes mais vous n'oubliez jamais la première fois que quelqu'un prend votre virginité.

Richard ouvrit la bouche, mais ne dit rien.

— Oh, oui ! Je m'en souviens maintenant… reprit l'autre. Il hocha la tête. Mon père m'a dit que les courtisanes françaises étaient les meilleures. Il s'interrompit quand Cath' éclata de rire et dit qu'elle était flattée. Oh, je ne voulais pas faire l'amour, reprit-il, je voulais attendre mon mariage mais mon père a insisté pour que je le suive. Et quand je t'ai vu…Cath' et lui rougirent. Ta peau était pure, tes cheveux étaient brillants et mon embarras a disparu lorsque j'ai réalisé que je n'étais pas le seul à être maladroit à propos de choses sexuelles !

Cath' le frappa doucement à la poitrine.

— Avec tout mon respect, vous êtes un bâtard, monseigneur ! Et qu'as-tu fait après ce moment maladroit ?

— Je suis rentré en Angleterre et je suis devenu soldat. J'ai été envoyé au Japon, j'ai sauvé la vie de leur futur ambassadeur en France et il est maintenant un ami proche.

— Excellente biographie ! félicita Toine, avec un sourire narquois.

— Merci. fit Richard, sur un ton neutre. Et toi ? demanda-t-il à Cath'.

— Oh, j'ai quitté ma maquerelle et je suis femme de chambre à la chambre de la comtesse d'Artois.

— Superbe promotion !

— Hum, pas vraiment : seulement 100 livres françaises par mois. Et Toine ici, qui est un valet ordinaire de Madame, la comtesse de Provence et belle-sœur du roi, n'en a que 140 ! Mais, dit-elle en mettant le doigt sur le cœur de Richard, tu peux m'appeler si tu veux un moment de plaisir.

Au même moment, Mathieu revint dans la boîte à chapeau. Richard paya et parti en faisant un clin d'oeil.

— C'était un clin d'œil qui t'étais adressé, Toine. affirma Cath' avec un demi-sourire.

— Pourquoi moi ? demanda Toine, qui n'y avait pas prêté beaucoup d'attention.

— Ça ne fait rien. répondit-elle avant de se tourner vers son frère. Mathieu, comme je l'ai dit au comte de St Mary Mead, Toine a besoin d'argent. Il est jeune, il est dynamique — demande à Madame, elle l'a dit à la comtesse d'Artois —, il a un sourire à tomber et il sait qui séduire les dames.

— Quoi ? Je ne suis pas un homme à femmes !

— Oh, tu as une réputation, crois-moi. lui dit-elle. Alors, cher frère, qu'en penses-tu ?

Mathieu se gratta la tête avec une moue indécise.

— Pourquoi pas ! répondit-il finalement. Reviens lundi dans deux semaines, si tu es d'accord pour un essai. Nous ouvrons à neuf heures du matin.

Cath' avait les yeux brillant de satisfaction, et Toine, ne voulant pas gâcher son bonheur, accepta la proposition.

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