Au service de Sa Majesté
Toine et Cath' ne tardèrent pas à rendre visite à la reine de France, à qui ils firent part de leurs politesses.
— Bonjour, monsieur McClain, mademoiselle Mitterond. J'ai appris que vous étiez au service de Leurs Altesses Madame et de la comtesse d'Artois. C'est exact ?
— Oui, Votre Majesté. répondit Cath', qui était honorée d'avoir une audience avec la souveraine.
— Bien. J'aimerai savoir si vous accepteriez de travailler pour moi, secrètement.
— Secrètement, Votre Majesté ? demanda Toine. Vous aimeriez que nous soyons vos espions ?
— Effectivement : vous n'êtes pas sans savoir que je suis la cible de pamphlets. On me prête des amours parmi les hommes et les femmes, et si je m'en moque cela me pèse un peu. Je suis aussi au fait des dernières rumeurs par mes amies, qui disent que Monsieur, le comte de Provence, désire nous chasser du trône, mon époux le roi et moi-même. Le roi a supprimé le service de renseignement, mais des agents sont toujours actifs et sous son autorité. J'ai les miens, hérités de feue Marie Leczinska, dont le service remonte à la ci-devant reine Catherine de Médicis. Je vous propose donc d'entrer à notre service, car vous êtes proches de ces personnes, qui sont des ennemis de la Couronne.
Toine et Cath' se regardèrent hésitant.
— Si c'est une question d'argent qui vous fait douter, ne vous inquiétez pas, je m'en chargerai. Nous procéderont à des changements pour que vous soyez le plus souvent avec nos cibles.
— On peut prendre du temps pour réfléchir ? demanda timidement Toine.
— Mais bien sûr ! s'exclama la reine.
La reine se retira, et leu dit qu'elle reviendrait dans une demi-heure.
— Allons nous accepter ?
Toine soupira lourdement et se contenta de regarder par la fenêtre.
— Pourquoi pas ? Ça peut être amusant d'espionner et d'être de la police secrète. Nous pourrions lui parler d'Auguste, vu qu'il est son tailleur, et on raconte bien des choses à son tailleur !
— Le coiffeur, Toine, le coiffeur ! corrigea Cath'. Mais oui, bonne idée…
Après la demi-heure, Marie-Antoinette revint comme convenu. Elle fut heureuse de savoir qu'elle pouvait compter sur eux et leur exprima une profonde gratitude.
— Nous verrons pour ce qui est de votre ami, mais fait d'abord connaissance avec votre chef d'équipe. Entrez, donc. dit-elle en ouvrant une porte.
Les regards de Cath' et Toine aperçurent alors Richard, en bel habit rouge. Toine ne put s'empêcher de ne pas exprimer sa surprise.
— Oh, vous vous connaissez déjà ? demanda la reine.
— Nous nous sommes rencontrés il y a peu. dit Richard à la reine, avec un rictus destiné cette fois-ci à Toine. Mais faisons cette fois-ci les présentations de manière formelle : je m'appelle Richard Kagane, comte de St Mary Mead, ex-soldat britannique, et actuellement espion au service de la France. Je suis enchanté de faire équipe avec vous, et de surtout de voir que vous avez acceptés.
— Mais avec plaisir, cher comte. dit Cath' en s'inclinant.
On se regarda pendant quelques instants, puis la reine de France les quitta pour aller jouer avec ses amies.
— Ce soir, dit Richard sur un ton aimable, il y a la première d'une tragédie, écrite par un Allemand, que la reine a ramené dans ses bagages — et je ne parle pas du chevalier Gluck. Elle s'appelle Les Liens hypocrites, et vous le verrez, elle est fort actuelle quand on sait lire entre les lignes. J'ai déjà réservé une loge à l'opéra pour trois personnes, mais nous pouvons en accueillir encore deux.
— Oh ! s'exclama Cath', en tapant des mains. Nous inviterons Le Grand et Louis-Constantin : ils sortent peu tout deux, ça leur fera du bien.
— Leurs Majestés seront accompagnées de Monsieur et du comte d'Artois, frères du roi, ainsi que du comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur d'Autriche, et du sieur Hidéaki, ambassadeur du Japon.
— Quelle est d'ailleurs la raison de la venue de cet ambassadeur en France ?
— Eh bien, monsieur McClain, je pourrai vous entretenir là-dessus chez moi : les murs ont des oreilles à Versailles. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois justement le voir. Bon retour à Paris, ou dans vos chambre au château. salua-t-il.
Cath' dit tout haut à Toine que c'était leur semaine de congé, donc ils retourneraient à Paris, pas dans ce taudis qu'est Versailles. Hidéaki était à son bureau, à travailler sur des choses peu intéressantes. Richard fut annoncé, il le laissa entrer mais ne le salua point.
— Où étais-tu, hier soir et toute la journée ? Je ne t'ai pas vu dans les appartements du ministre Turgot en allant me coucher.
— Relève la tête quand tu parles, c'est plus poli. répliqua Richard aussi sèchement. Sache que je m'ennuyais, alors j'ai accompagné le duc d'Orléans au bal de l'opéra, puis j'ai passé la soirée dans mon logement parisien, qui est aussi le tien mais que tu n'occupe guère. J'ai passé une excellente soirée, la compagnie fut agréable, bien que mon uniforme fut tâché de vin par une femme ivre. De plus, j'avais des choses à faire ce jour, des urgences personnelles.
Hidéaki écouta cela avec la plus parfaite indifférence, alors Richard, avec l'air impassible, le quitta et eut des mots assez moqueurs à son encontre durant toute la soirée.
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