Les hellénisants

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D'Artagnan était venu à l'hôtel de Richard, pour s'enquérir de la santé de l'ambassadeur. Ils eurent une entrevue dans la chambre de celui-ci.

— Je me porte bien, Monsieur d'Artagnan. rassura l'homme. Le chirurgien a fait des merveilles et m'a bien soigné. Heureusement, l'arme n'a touché aucun organe vital, mais j'ai attrapé une grippe qui me clou au lit.

— Cette affaire a fait bien du bruit à Paris. De Versailles, on m'a pressé de vous faire savoir que l'on espère un rétablissement plus rapide de votre personne. Le roi ne peut pas venir, étant fort occupé par Monsieur Turgot, mais la reine demande de vos nouvelles, aussi souvent qu'elle le peut à ma protégée, qui est femme de chambre au palais.

— Vous êtes un bon homme pour protéger ainsi les petites gens. Mon compagnon le comte est présent jour et nuit aussi, au point qu'il néglige sa santé. Ne voudriez-vous pas prendre sa place ? Je n'ose point le renvoyer moi-même, il n'écoute pas bien que j'ai l'impression qu'il commence à céder.

— Je me ferai un plaisir de vous assister, monsieur ! Je parlerai à votre… Compagnon, et je vous promet de le convaincre de revenir à Versailles.

Et Louis-Constantin y parvint. Je ne sais de quelle manière il s'est prise, mais il fit en sorte de veiller sur le malade, pendant que Richard allait chasser ses idées noires avec le roi. Il s'écoula encore deux mois après cela : Hidéaki reprit ses activités d'ambassadeur ; le reste de la famille royale fit profil bas ; les lions de la reine continuaient de se rapprocher de leurs cibles (Cath' devint une petite maîtresse de Monsieur) ; le couple souverain continuait sa vie tranquillement ; on préparait activement la Nativité. Il se trouva un après-midi, le 15 décembre 1775, où Richard était dans les jardins avec Marie-Anne-Pauline de Ricard-Brégançon, deuxième épouse du vicomte de Narbonne-Pelet et dame de compagnie de Madame.

— Eh bien madame, disait Richard, vouliez-vous m'entretenir de quelque chose, vous qui disiez m'attendre ?

— Hi, hi ! Je ne vous ai pas proposé de m'accompagner pour rien, lorsque j'étais sur ce banc. Je connais vos habitudes quand vous venez à Versailles, je savais que je vous trouverai à cette heure. J'ai une requête urgente, qu'on m'a chargé de vous remettre au plus vite.

— Diable ! Quelle est donc cette mission bien importante ?

— Nous voudrions que vous nous fassiez l'honneur d'entrer dans notre cercle d’hellénisants.

— Vous piquez ma curiosité, madame. dit Richard en fronçant les sourcils. Qu'est-ce donc ? Un cercle d'intriguants ?

— On m'avait prévenu de votre méfiance et de votre perspicacité. gloussa-t-elle. Mais je ne peux pas tout vous dévoiler : le mieux est que vous nous fassiez l'honneur de venir ce soir, à l'auberge du Chien bleu, qui se trouve à-côté, à Chesnay.

— Et si j'y viens mais que je refuse d'en faire parti ?

— Je ne saurai pas vous le dire. répondit sincèrement la dame de compagnie. Personne n'a refusé jusqu'à aujourd'hui !

Richard réfléchit, puis il répondit qu'il avisera ; cela enchanta la dame dont il eut la compagnie durant tout l'après-midi. Il pus avoir une entrevue avec la reine, qu'il informa de son dessein d'infiltrer ces gens. Celle-ci sursauta de joie et de surprise, car leurs ennemis introduisait son meilleur loup dans leur bergerie.

— Soit, vous irez ! dit-elle. Dès que tout cela est terminé, vous viendrez dans mes appartements, quitte à me réveiller en pleine nuit.

— Je ferai selon votre désir, Majesté.

Le comte s'en alla donc se préparer pour cette soirée. On lui amena une enveloppe, dans laquelle était un jeton de cuivre, incrusté de diamants. Il était accompagné d'un billet :

« Présentez ce jeton au tenancier, M. Raucourt. Mot de passe de ce soir : Stockholm. Venez pour 11 heure au soir. »

Le soir venu, Richard prit ses pieds et ses plus tristes habits pour rester discret. Il suivit les instructions et entra dans cet endroit, quelque peu patibulaire. Préférant ne pas regarder les gens, il alla directement demander M. Raucourt à l'homme derrière le comptoir. Par chance, c'était lui ; alors il lui présenta le jeton, et Raucourt lui demanda de le suivre. Ils prirent l'escalier de service pour faire un petit détour, et arriver à la cave. C'était un endroit opulent, éclairé par des chandelles un peu partout. Avant de s'en aller, Raucourt tendit un masque à Richard, qui s'empressa de le mettre. Ce n'était pas Versailles, mais c'était proche du décor d'une domos grecque, et les invités étaient d'ailleurs habillés avec les vêtements de ce temps.

Il y avait là plusieurs personnes, masquées de même. On chuchotait des choses, on riait. Toutes ces personnes en manteaux noirs regardèrent le nouvel arrivant, et parmi ces gens, un homme au cou de cheval et à la taille fine s'avança : « c'est le comte d'Artois ! pensa Richard. Sa stature est facilement reconnaissable. » Avec un sourire, le comte fit sa révérence.

— Ravi de voir que vous avez accepté notre proposition pour le souper de ce soir. Enlevez votre manteau, nous allons bientôt passer à table. Je suis Arès, le maître de la cérémonie. Mon épouse, Vénus, est la grande prêtresse.

Il désignait une femme que Richard eut du mal à reconnaître, tant la lumière était basse.

— La discrétion est de mise, si vous voulez être des nôtres. Avant que vous n'ayez fait vos preuves, vous ne parlerez à personne. Si je viens à savoir que l'on chuchote quelque chose, attendez-vous à avoir beaucoup d'ennemis. prévint-il.

Cela lui fit si peur, que Richard trouva à peine la force d’acquiescer. Les manteaux tombèrent et le festin commença. La nourriture était excellente, elle était d'un goût fort original, qui était ni connu à la Cour ni à la ville. Tout le monde, excepté le nouveau, était habillé à l'antique. La soirée commença bien, puis sur un signal d'Arès, tout le monde se rua dessus.

— Si ce ne sont que des orgies bisexuelles, telle que la noblesse affectionne, je veux bien me prêter au jeu.

Pourtant, continuera-t-il de penser en revenant, ce ne dois pas être que ça, si le comte tient à la discrétion. Ou bien si. Richard hésita longuement s'il devait parler de la fin de la soirée à Marie-Antoinette.

— Une orgie !? s'exclama-t-elle le lendemain, choquée par cette immoralité. Ma mère fait fouetter les filles publiques sur la place de ses villes ; je ferai écarteler ensuite ces gens-là, si nous venons à savoir de qui il s'agit !

— J'ai reconnu…

— Le fait que vous ayez reconnu n'est pas suffisant ! De plus, il est frère du roi mon époux, il a une certaine immunité !

Marie-Antoinette se rongea les ongles et tomba sur un canapé.

— Que la vicomtesse de Narbonne-Pelet vous ait proposé est tout aussi problématique : elle est protégée par toute ces personnes. Combien y en avait-il encore ?

— Je n'ai guère vraiment compté, mais je pense, Madame, qu'il y en avait une quinzaine.

— Diable, ce sous-sol est grand, je crois ! Vous a-t-on dit quand aura lieu la prochaine « réunion » ?

— Non, et je n'avais pas le droit de parler. Pensez-vous que nous devrions abandonner ?

Marie-Antoinette releva la tête, et protesta vivement :

— Nous tenons une piste, continuez de la suivre ! Et depuis le renvoi de mademoiselle Mitterond, nous n'avons plus d'espionne auprès de Monsieur.

— Renvoyée ?! Mais pourquoi ?

— Ma belle-sœur l'a surprise en train de fouiller dans ses affaires. Elle a seulement pensé qu'elle voulait la voler, mais je n'ai pas réussi à intervenir : elle est actuellement en train d'être fouettée. Je suis désolée, Monsieur.

Richard était abasourdis, alors il demanda s'il pouvait se retirer. Dès que la permission lui fut donnée, il courut jusqu'au Grand commun. Là, il trouva Le Grand, Toine et son oncle jouer aux cartes.

— Savez-vous pour Cath' ? demanda-t-il sans saluer. Elle est fouettée pour avoir volé et est renvoyée !

— Vraiment !? s'exclama Le Grand. Ça explique pourquoi son lit est vide de ses effets.

— Et où peut-elle être ? leur demanda Robert.

Dans les bras de Louis-Constantin, tout simplement. Il ramenait celle qu'il aime chez eux. Émilie était allé chercher un docteur pour panser les plaies. Que de cris, que de cris à Paris. Les hommes n'entendaient plus leurs épouses accoucher. Cath' n'avait pas réussit à soutenir la douleur des coups, et elle s'était évanouie. C'était un mardi, mais les garçons ne purent la voir que le lundi suivant. Quand il allait à Paris, Richard leur donnait de ses nouvelles : elle avait déjà commencé à cicatrisé le vendredi.

— Que vas-tu faire, maintenant que tu es renvoyée ? lui demanda Toine.

— Je lui ait encore proposé de m'épouser, mais elle a refusé. dit Louis-Constantin, moqueur, en regardant la jeune femme.

— Je compte ouvrir ma propre maison ! s'exclama-t-elle fièrement.

Les trois autres lions recrachèrent leur thé violemment.

— Toi ?! Maquerelle !? demanda Le Grand.

— Et pourquoi pas ? J'ai eu d'excellentes professeures ! Je sais comment gérer un maison, je sais un peu lire, un peu écrire et compter. Louis a aussi contribué à mon éducation. dit-elle en lui serrant amoureusement la main. Et c'est toi, Toine, qui m'a donné cette idée : tu aimes la compagnie des hommes seulement quand il s'agit de coucher sans sentiments ; je t'espère donc client en plus d'ami fidèle.

— Certainement… Pas du tout !

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