Le chenil

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Lorsque les deux visiteuses franchirent la porte du refuge, les aboiements des chiens s’intensifièrent jusqu’à devenir un grondement assourdissant empêchant toute conversation.

En cette chaude matinée de juillet, par manque de place, les animaux étaient souvent parqués par deux ou trois dans une seule cage. Ils cognaient inlassablement contre les barreaux, comme s’ils voulaient les enfoncer pour s’évader de leur prison.

Ils avaient tous une histoire à raconter, banale à pleurer, d’un abandon, d’une trahison, certains avaient souffert de maltraitance sous le joug d’un maître sans cœur qui avait bafoué l’amour inconditionnel que l’animal leur donnait.

Margot, la bénévole accueillit avec un large sourire les arrivantes. Voir des gens au refuge était plutôt bon signe cela signifiait qu’un animal trouverait peut-être un nouveau foyer.

La fillette, Charlotte, regardait les chiens avec des yeux brillants d’excitation, elle en prendrait un ou peut-être deux si elle arrivait à convaincre sa mère.

Margot lui expliqua qu’un chien ce n’était pas une peluche que l’on posait dans un coin, c’était un être vivant dont elle devrait s’occuper pour toute la vie. Cela demandait du temps, de la patience et aussi beaucoup d’amour.

Charlotte écoutait attentivement la jeune femme, osant à peine respirer de peur de se voir refuser la joie d’avoir un animal pour elle toute seule.

- Tu n’as pas changé d’avis, tu veux toujours un chien ?

- Oui Madame, répondit-elle d’une toute petite voix.

- Nous en avons soixante-quinze en ce moment au refuge, je suis sûre que tu trouveras ton bonheur.

Charlotte regarda les animaux attentivement, passa et repassa plusieurs fois devant chacun, puis finit par désigner un vieux chien allongé dans le fond d’une cage, il semblait assoupi, indifférent à l’effervescence provoquée par les allées et venues de la fillette. C’était l’animal le plus affreux du chenil, une sorte de Bull Terrier noir avec une oreille cassée et un pelage brulé par endroits.

Claudine, sa mère, ne semblait pas enthousiasmée par ce choix, le chien semblait en piteux état et plus mort que vif.

- Tu devrais en choisir un autre, celui-ci ne va pas vivre très longtemps, il a l’air malade, fatigué et vieux. Regarde ce jeune Berger Allemand, tu t’amuseras beaucoup mieux avec lui.

- Non, je veux « Perle » répondit la fillette sur un ton catégorique qui ne souffrait aucune contradiction, ce qui n’était pas du tout dans ses habitudes.

- « Perle » ?

- Oui, c’est comme ça qu’il s’appelle.

- C’est un très joli nom que tu as choisi.

- Je ne l’ai pas choisi, c’est SON nom.

Margot, qui n’aimait pas les conflits cru bon d’intervenir dans la conversation, elle proposa de prendre une photo de l’animal, de réfléchir à tête reposée puis de revenir au refuge dans quelques jours et si Charlotte n’avait pas changé d’avis alors elle pourrait adopter le chien.

- C’est une excellente idée déclara Claudine, soulagée par l’intervention de la jeune femme.

- NON ! nous devons le prendre aujourd’hui car demain il sera mort, insista Charlotte.

- S’il doit mourir demain, c’est mieux qu’il reste ici, je n’ai pas envie de revenir pour en chercher un autre.

- Il va mourir seulement s’il reste ici, ce sont les gens du refuge qui vont le tuer.

- Charlotte, cela suffit maintenant, ce n’est pas un abattoir ici, les animaux sont entre de bonnes mains, ils attendent juste d’être adoptés.

- Votre fille a raison, ce chien doit être euthanasié demain s’il n’a pas trouvé de maître d’ici là, déclara Margot en consultant le dossier de l’animal.

Charlotte se mit à pleurer, après tout c’était son cadeau d’anniversaire et si elle voulait le chien le plus affreux au monde, Claudine devait se faire une raison et accepter son choix.

- C’est bon, on le prend.

- Merci maman, merci, merci, merci, la fillette était tellement contente qu’elle sauta au cou de sa mère en la couvrant de bisous.

- Puisque vous voilà toutes les deux d’accord nous allons remplir le certificat d’adoption. Nous avons également pour chaque animal un dossier regroupant toutes les informations sur son passé. Malheureusement, les documents sont informatisés et je ne pourrais pas vous communiquer celui de Perle aujourd’hui, il faudra attendre le retour de la directrice qui gère tout cela. Nous avons une boutique dans laquelle vous trouverez tout le nécessaire pour accueillir votre nouveau compagnon. Je ne vous cache pas que les prix sont un peu plus élevés que dans les magasins spécialisés pour animaux, mais c’est pour la bonne cause, les bénéfices récoltés servent à l’achat de nourriture pour nos nombreux pensionnaires.

Claudine ne resta pas insensible à l’argument de la jeune femme et laissa Charlotte choisir un énorme panier en osier qui servirait de lit à son chien. Elle opta également pour un collier en cuir avec un médaillon sur lequel elle grava Perle ainsi que leur numéro de portable au cas où l’animal se perdrait.

En sortant de la cage le chien fixa Claudine d’une façon tellement étrange et insistante qu’elle frissonna dans la tiédeur de l’été. Elle eut un mauvais pressentiment et regretta d’avoir cédé à Charlotte.

La fillette lui accrocha son collier et le caressa tendrement. Elle s’installa à l’arrière de la voiture en lui parlant d’une voix douce et enjouée.

- Tu seras bien chez nous, il y a un grand jardin, on va bien s’amuser tous les deux et comme ça tu oublieras tous les malheurs que tu as vécus.

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