Chère Lara,

Aujourd’hui j’aimerais que tu te rendes là où j’ai passé les cinq années qui ont suivi mon départ de la maison. Tu pénétreras dans un des coins les plus sombres de la ville. Les forces de l’ordre ont déserté les lieux depuis fort longtemps et ils ont emporté le soleil avec eux. Tu y découvriras des immeubles insalubres pour lesquels une soixantaine de famille dépense tous les mois quelques deux cents euros. Ces tours infernales sont des logements dits sociaux pourtant ils semblent avoir été inventés pour nuire à toute forme de socialisation. Les habitants de ce quartier marchent la tête baissée lorsqu’ils franchissent les frontières de l’horreur. Même de l’autre côté, dans « le quartier de lumière », ils s’effacent autant que se peut jusqu’à disparaître complètement. Les pauvres ont peur de souiller un « être de lumière », un riche, de leur misère criante.

Pourtant tous ne s’estompent pas. En effet, dans les recoins les plus obscurs, des monstres assoiffés de pouvoir se tapissent mais sont bien là. Ceux-là se tiennent droits, le cou long et la tête haute. Ces êtres démoniaques repèrent les personnes les plus vulnérables et les asservissent aux moyens de plantes illégales. Ils créent des files de drogués rêveurs qui se traînent dans les rues sales et périlleuses. D’autres bandits complotent pour voler le soleil aux « êtres de lumière ». Un peu plus bas dans le « tié-quart », quelque autre filou explique à de jeunes femmes apeurées que le sexe est superficiel. Il leur enseigne que ces mâles violents qui heurtent leur féminité ne sont que des enveloppes charnels en manque de tendresse.

Il leur apprend que ce qui compte c’est l’amour dans leur cœur et que leur corps n’est qu’une simple coquille vide. Il décrédibilise leur mal-être car elles ont un « travail » qui leur permet d’être « libre »… Il les convainc que lui seul les aimera pour ce qu’elles sont réellement et moi, idiote, j’y ai cru…