Chapître 5

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 Assis sur le bord du lit, je songeais à la journée passée. J’étais rempli de fatigue. Je n’avais, en effet, que très peu dormi la nuit d’avant. Je m’observais dans le miroir. J’avais d’énormes poches bleues sous les yeux. Mon corps ne réclamait qu’une chose : le repos. J’avais eu cours toute la journée et avait eu le plus grand mal à me concentrer. Si, en effet, la fatigue y avait été pour quelque chose, j’avais, surtout, repensé à la nuit passée avec Niels.

 – It's ready, cria ma mère du rez-de-chaussée.

 Je n’avais pas particulièrement faim, mais chez nous, c’était un sacrilège de rompre la tradition du repas en famille. Cela était d’autant plus vrai depuis que je fréquentais l’internat.

 – J’arrive !

 Je me levai du lit, puis me rapprochai de mon placard. J’en sortis un short de pyjama ainsi qu’un sweat à capuche. Voilà qui est bien plus confortable qu’une salopette. Je me changeai en vitesse afin de ne pas faire attendre ma famille au rez-de-chaussée, puis empruntai l’escalier que je descendis quatre à quatre.

 Ma famille habitait au pied d’une montagne. Chaque année des milliers de touristes venaient profiter de la région, en hiver, skier, en été, randonner. Notre village offrait les avantages des paysages montagneux tout en nous préservant des inconvénients. Il ne comprenait que quelques milliers d’habitants et ce chiffre ne variait que très peu au cours de l’année. Mon lycée se trouvait à une centaine de kilomètres. Je prenais le train chaque week-end pour rentrer.

 Mon père, un quinquagénaire à la barbe grisonnante, était installé dans un fauteuil, livre à la main, dans le coin lecture du salon. La pièce à vivre était composée de deux parties.

 Le salon, proche de l’escalier, avait pour seul mobilier, un canapé, quelques fauteuils ainsi qu’une vieille bibliothèque. Mon père, un homme calme et réfléchi, y passait le plus clair de son temps, à dévorer des livres.

 La salle à manger, plus loin, comprenait une table en son centre ainsi qu’une grande armoire où nous rangions la vaisselle.

 J’allai saluer mon père sur son fauteuil. Il leva les yeux de son livre puis m’interrogea sur le déroulé de ma semaine. Je lui donnai quelques informations sur mes notes, mes progrès dans quelques matières ainsi que des nouvelles des copains. J’omis, naturellement d’évoquer le sujet de Niels. J’ai branlé la queue d’un copain aussi. La perspective de le raconter à mon père me faisait rire. Je n’avais, bien entendu, aucune intention de le faire, mais je trouvais amusant d’imaginer sa réaction.

 J’allai, ensuite, m’installer à table où attendait mon frère assis la tête dans la main. Léon était… un ado. Humeur changeante, appétit d’ogre, odeurs corporels… il cochait toutes les cases. Lui et moi nous entendions plutôt bien, même si sa crise d’adolescence me conduisait parfois à le trouver détestable. Je lui demandai des nouvelles du collège, comment s’était passé sa semaine. Il me raconta quelques anecdotes. J’écoutais attentivement. Léon avait un crush. Il m’avait demandé, plusieurs fois, conseil pour l’aborder. Je lui avais déroulé toute une méthode pour s’y prendre et il avait initié cette semaine sa mise en application. Il m’expliquait, fièrement, les avancées de son plan. Il avait réussi à obtenir un date avec elle. Je lui ébouriffai les cheveux.

 – Ça c’est mon frère, le félicitai-je. Tu sais où est maman ?

 – Ouais dans le garage.

 Je me levai et traversai la salle-à-manger et la cuisine.

 – Hey sweatheart, did you bring your dirty clothes from upstairs, elle poursuivit, I’ll be doing laundry tonight, so bring them here if you haven’t already.

 Ma mère était d’un naturel guilleret. Nous nous entendions à merveille. Elle et moi partagions beaucoup de centres d’intérêt. Nous avions en commun notre amour pour les langues.

 Depuis que nous étions petits, ma mère parlait anglais à mon frère et moi. Nous ne comprenions pas, à l’époque, l’intérêt d’une telle pratique et répondions systématiquement en français. Depuis peu, nous faisions l’effort de répondre dans la langue de Shakespeare.

 Cette proximité avec la langue anglaise, avait été la raison de mon choix de scolarisation. J’avais l’intention de parfaire mon anglais et avais choisi de rejoindre une section OCB dans un lycée. Félix, d’abord dubitatif, avait fini par me suivre.

 Naturellement, ma mère était ravie et avait été ma meilleure supportrice. Mon père, d’abord plus réservé – sans doute ne voulait-il pas voir son fils quitter le foyer familial si tôt – avait fini par se laisser convaincre.

 Aminata était une très belle femme de taille moyenne. Proche de la cinquantaine, elle faisait toutefois plus jeune que son âge. De rares cheveux gris sur son crâne trahissaient, certes, qu’elle avait passé la vingtaine, mais elle avait l’air d’avoir trente ans tout au plus.

 Originaire du Nigéria, elle avait grandi au pays, avant de rencontrer mon père. Elle avait alors décidé de faire du pays de ses études, son pays d’adoption.

 Nous conversâmes, tous les deux quelques minutes, je l’aidai à étendre le linge, puis nous rejoignîmes à table mon petit frère, impatient de manger. Mon père se leva de son fauteuil et vint s’asseoir.

 Nous passâmes le dîner à parler de choses et d’autres. Mon père se plaignait du surmenage qu’il subissait. Ingénieur en génie civil, il avait, d’abord été passionné par son travail. Puis les années passant, il avait assisté à une dégradation certaine de ses conditions de travail. Il passait, désormais, plus de temps au travail qu’à la maison.

 Je sentais mon attention faiblir. Je repensais à cette nuit. Je n’arrivais pas à m’enlever Niels de la tête. D’ailleurs, je mourrais d’envie de lui envoyer un message. Simplement, je ne savais pas quoi lui dire exactement.

 – Je pense que je vais aller me coucher. Je suis lessivé, annonçai-je.

 – Tu ne veux pas de dessert, s’enquit mon père. »

 Oh que si ! Simplement, ce que je désirais n’était malheureusement pas au menu. Je déclinai l’offre puis me levai de table, je montai à l’étage, dans la salle de bain, me brossai les dents, me lavai le visage puis allai m’installer sous la couette. Enfin, j’étais seul et pouvais me rêver. Je repensai naturellement à la nuit avec lui.

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