Chapître 9

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 Je me réveillai ce matin-là avec une sacrée gueule de bois. Je n’avais pas compensé ma consommation d’alcool avec de l’eau. Ma tête me faisait souffrir. J’ouvris les yeux puis tâtai ma table de chevet à la recherche de mon téléphone. Je le pris, puis le consultai. 10h du matin. J’avais 5 nouveaux messages. Ouf ! J’imaginais que Niels m’avait répondu, qu’il avait finalement surmonté sa timidité. Il n’en était rien. Les cinq messages étaient de Félix. Mec t’es où ? T’es sérieux à t’être barré sans rien me dire. OMG t’as pécho en fait Je compte sur toi pour me raconter tout ça hein" "Alors il s’est passé quoi ?

 J’appelai Félix. Je lui racontai en détails ma soirée. Je lui expliquai que nous nous étions embrassés mais que je ne pensais pas que cela aboutirait à autre chose. Nous avions, certes, beaucoup en commun, nous nous entendions à merveille, mais selon moi, il s'agissait là plus d’amitié que d’autre chose. Félix m’écoutait religieusement. Je lui demandai en retour comment s’était passé sa fin de soirée. Il avait passé l’essentiel de sa soirée avec Maria. Ils avaient fini par s’embrasser. Toutefois, ça n’était pas allé plus loin.

 – Je te jure, mec, c’était pas gagné. J’ai cru qu’elle allait me casser la gueule à un moment.
 – Haha, qu’est-ce qui te fait dire ça, l’interrogeai-je.

  Félix avait proposé du shampoing sec à Maria pour « ses cheveux gras ». Naturellement, Maria ne lui avait rien demandé, mais comme un gentleman, Félix avait gentiment voulu jouer les sauveurs. Après avoir compris sa gourde, Félix s’était confondu en excuses et avait réussi à faire comprendre à Maria qu’il avait parfois du mal avec les codes sociaux. Je riais à pleins poumons. Félix était bien connu pour son manque de tact. Il en manquait à tel point qu’il lui arrivait d’être franchement gênant.

 Un été, nos familles respectives étaient parties en vacances ensemble dans un camping en Corse. Félix et moi étions en 5ème. Nous nous étions faits des amis sur place, Timothée et Soizig. Nous passions la majorité de notre temps ensemble. Un jour, nous fûmes invités à passer l’après-midi dans leur mobile-home. Les parents de Félix n’étaient pas particulièrement fans de cette famille mais ne trouvaient rien à redire aux amitiés de leur fils. La mère des jumeaux vînt nous saluer et engagea la conversation. Après l’échange de quelques banalités, elle proposa gentiment :

 – Vous direz à vos parents de passer un de ces quatre, on pourrait partager l’apéritif ensemble.

 – Oh oui, ce serait super, je leur en ferai part, répondis-je poliment, puis un Félix songeur d’enchaîner :

 – Ouais, c’est vrai que ce serait sympa. Après l’ennui, c’est que mes parents ne vous aiment pas trop, dit-il en se frottant la tête.

 La mine de la mère des jumeaux se décomposa sur place. Je crus que j’allais mourir de rire. Je dus prétexter une envie pressante pour m’isoler et pouvoir extérioriser en silence.

 Voilà comment était Félix. Ce n’était pas le plus doué socialement. Toutefois, il n’était pas du genre à se vexer, acceptait facilement la critique et se remettait aisément en question.

 Félix poursuivit. Il avait prévu de revoir Maria. Il m’en parla pendant une bonne dizaine de minutes. Mon ami avait eu un sérieux crush pour elle. De mon côté, je m’en réjouissais. Je trouvais, en fait, que les deux allait à merveille ensemble. En tout cas, de ce que j’avais pu voir de Maria.

 J’appris, également, que Simon et Gladys avaient passé la deuxième. Décidément, cette soirée avait plus l’air d’un évènement Tinder que d’une réunion entre anciens du collège.

 Félix et moi restâmes encore quelques minutes au téléphone avant de raccrocher. Je me levai de mon lit puis allai dans la salle de bain me laver.

 17h47. Toujours aucun message de Niels. J’avais passé la journée à mon bureau. J’avais fini la plus grosse partie de mes devoirs. J’aimais, en effet, faire le plus gros du travail scolaire pendant le week-end pour ne pas me sentir débordé. De cette manière, je n’avais pas grand-chose à faire en dehors des cours la semaine. Je poussai un soupir puis m’étirai les bras et le dos.

 Il était temps pour moi de préparer mes affaires pour l’internat. Je me levai de ma chaise, puis entrepris de sélectionner des vêtements dans mon placard. Mon sac fut fait en quelques minutes. Déjà, au rez-de-chaussée, j'entendis mon père annoncer qu’il était temps de partir chercher Félix.

 18h32. Je consulte mon téléphone. Toujours pas de nouvelle de lui.

 22h16. Mon téléphone vibre. 1 nouveau message de Niels. Mon cœur battait à cent à l’heure. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Moi aussi… Je jubilais seul dans mon lit. Je dus poser mon livre tant me concentrer m’était maintenant impossible. J’étais fou de joie. Je mis mes écouteurs, mis Aline de Jim Bauer et augmentai le volume à fond.

 Allongé dans mon lit, les yeux tournés vers le plafond, je me sentais plus vivant que jamais. Je rêvais à son visage, à son corps. J’avais les yeux pleins d’étoiles. Il n’y avait entre lui et moi, plus que quelques heures qui nous séparaient.

 J’entrai dans le bâtiment B, Félix à mes côtés. Félix me parlait de Maria et des messages que les deux s’étaient échangés la veille. Je repensai au message que j’avais envoyé à Niels samedi soir, ainsi qu’à sa réponse. Ce matin, la perspective de retrouver Niels n’était plus seulement synonyme de bonheur uniquement. J’angoissais à l’idée de le retrouver. Je ne savais pas comment je devais me comporter avec lui. Nous étions deux garçons. Je ne connaissais personne autour de moi qui avait vécu une chose similaire. Ou du moins, je n’avais personne dont j’étais suffisamment proche dans mon cercle avec qui j’aurais pu échanger à ce propos.

 Avec les filles, c’était plus facile. Il était admis par tous qu’un garçon et une fille pouvaient entretenir une relation. Il n’y avait rien à craindre d’aimer dans ce schéma-là. Mais pour Niels et moi, c’était différent. Tout le monde attendait de moi que je me trouve une copine, pas que je fricote avec un garçon. Et puis, moi-même, je ne voyais pas bien à quoi cela pouvait nous mener.

 J’entrai dans la salle de russe et allai m’installer à ma place habituelle. Niels entra quelques minutes plus tard, peu avant la sonnerie. Il scruta la salle. Je captai son regard et compris aussitôt que la gêne était partagée. Niels vînt s’installer à côté de moi et me salua timidement.

 Le cours commença et cette fois, Niels et moi ne faisions pas le moindre bruit. Je cherchais dans ma tête des sujets pour briser la glace. Je réfléchissais. La soirée peut-être ? Pourquoi pas ? Je ne me voyais, cependant, pas lui expliquer que j’avais embrassé Chloé à celle-ci. Non, il fallait commencer par un sujet plus général, plus ouvert. Niels n’aurait qu’à poursuivre. Je me lançai :

 – Alors ton week-end chez tes grands-parents, me risquai-je.

 Niels tourna la tête pour me faire face. Nous nous sourîmes.

 – Pas grand-chose à signaler haha. Toi, ta soirée, demanda-t-il en retour.

 – Pas grand-chose à signaler, rétorquai-je d’un ton narquois.

 Niels gloussa en comprenant que je me moquais de lui. J’avais un sourire indélébile collé à la  bouche. J’étais heureux de le voir, que nous nous parlions de nouveau. Il laissa passer un moment puis entreprit de me parler de son week-end en détails.

 Niels avait rendu visite à ses grand-parents maternels, lesquels il ne voyait que peu souvent. Là-bas, il revit ses cousins ainsi que ses oncles et tantes. Les relations dans sa famille étant particulièrement tendues, l’ambiance avait été plutôt froide. Lui et ses cousins n’étaient, en revanche, pas impliqués dans les différents litiges. Ainsi, il avait pu, malgré tout, passer de bons moments.

 Je me rendis compte que je ne connaissais rien de Niels. Nous n’avions jusqu’ici que ri ensemble ou depuis jeudi soir, joué à touche-pipi. Mais jamais nous étions-nous confiés l’un à l’autre. J’appréciais d’en savoir un peu plus sur lui. Je lui posais ainsi tout un tas de questions. J’appris qu’il avait un grand frère et deux petites sœurs. Il habitait dans le centre-ville. Sa passion était le hockey sur glace. Il jouait à haut niveau. Je comprenais mieux comment Niels avait pu avoir un corps pareil. Tout était plus clair. Je buvais ses paroles comme s’il s’agissait d’informations de la plus haute importance.

 Il me posa à son tour tout un tas de questions, sur la soirée d’abord, puis sur ma vie en général. Je répondis à chacune d’entre elles, en omettant naturellement d’évoquer mon bisou avec Chloé. Je lui racontais ma passion pour le piano et me perdis un peu dans mes paroles tant ce sujet me passionnait. Niels m’écoutait religieusement, la tête appuyée sur sa main, le coude posé sur la table et un sourire figée sur son visage. De même, je ne pouvais m’empêcher de sourire. Il me déstabilisait tellement que je devais régulièrement détourner le regard pour me concentrer sur ce que je disais.

 – Tu m’apprendras à jouer du piano, me demanda-t-il.

 – Seulement si tu m’apprends à patiner, j’accompagnai ma réplique d’un clin d’œil.

 Il rougit et détourna le regard. Il acquiesça d’un hochement de tête.j’accompagnai ma réplique d’un clin d’œil.
  Il rougit et détourna le regard. Il acquiesça d’un hochement de tête.
  Nous passâmes le reste de l’heure à discuter, à apprendre à nous connaître et à rire de temps à autre.

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