Chapître 10
Pierre, Félix, Niels et moi étions allongés dans un parc. À midi, nous avions décidé d’aller en ville chercher à manger, puis de nous installer dans un parc. Par chance, il faisait beau. Le soleil d’avril tapait fortement sur nos têtes.
Félix et Pierre discutaient ensemble. Niels et moi étions posés à quelques mètres des deux autres. Nous ne parlions pas. Malgré nos conversations plus tôt le matin, en cours de russe, je restais terriblement intimidé par ce garçon. Toutefois, après un long moment de silence, je décidai de briser la glace.
– Tu viens en Espagne pour le voyage scolaire la semaine prochaine, l’interrogeai-je.
– Bien sûr, ne crois pas te débarrasser de moi aussi vite, répondit-il.
J’étais ravi de sa réponse. Nous partions en Espagne avec une autre classe de première, celle de Niels, ainsi que deux classes de première. Sur place, nous serions hébergés en petits groupes dans des familles. J’espérais secrètement être avec Niels.
– Tu fais quoi vendredi, me demanda-t-il.
– Euh…bah rien de spécial, je rentre chez mes parents, comme d’habitude.
– Ah okay… Je le sentais hésiter. Je décidais de lui tirer les vers du nez.
– Pourquoi ? Tu me proposes quelque chose ?
– Bah j’ai un match de hockey vendredi soir, je me disais que tu pouvais venir me voir si ça t’intéressait.
– Bah dans l’idée, je serais chaud, je bouillonnais d’excitation, mais le souci c’est que j’ai nulle part où dormir, objectai-je.
– Haha, ça, c’est pas un souci, mes parents sont ok pour que tu dormes chez moi.
– Ce serait peut-être mieux que tu leur demandes leur avis avant, tu crois pas, ironisai-je.
– Mais c’est fait, me sourit-il.
Apparemment, cette idée lui trottait dans la tête depuis un moment. J’étais heureux d’apprendre que lui aussi pensait à moi. Je l’étais d’autant plus qu’il avait même crée les conditions pour que nous nous retrouvions, tous les deux, une nouvelle fois.
– Tu stresses pour le voyage en Espagne, me demanda-t-il.
– Pourquoi je serai stressé, m’enquis-je.
– Je sais pas, l’éloignement, la langue, le fait d’être dans une toute autre famille.
– J’avoue que non, ça ne me stresse pas plus que ça. À vrai dire, c’est plutôt le contraire. Je trouve les voyages toujours sympathiques. En particulier quand ils permettent de s’améliorer en langues.
– Ah ouais ?
L’été passé, j’étais resté deux mois dans une famille britannique. Je lui racontai l’accueil extraordinaire que m’avait fait la famille. Niels m’écoutait, intrigué. Je m’étais retrouvé avec un jeune de mon âge, lequel me faisait visiter et m’emmenait à toutes ses soirées. J’avais pu rencontrer ses amis et les faire miens. Lui et moi avions tissé un lien presque fraternel. J’avais, aussi, pu parfaire mon anglais.
Niels me raconta à son tour sa dernière expérience de voyage en échange scolaire. C’était au collège. Il avait eu une correspondante irlandaise qui s’était montré fort sympathique lorsqu’elle était en France, mais avait montré son vrai visage lorsqu’elle avait accueilli Niels en retour. Elle ne le calculait. Elle l’avait même oublié une fois sur le retour du collège à chez elle. En plein Dublin, Niels avait dû se débrouiller pour retrouver son chemin tout seul à l’aide de son anglais niveau A2 à l’époque. Mais sa correspondante, loin de se sentir coupable de la situation, avait reproché à Niels de ne pas avoir suivi le rythme et d’avoir, par conséquent, gâché sa soirée. Elle avait, en effet, été envoyée par ses parents paniqués chercher Niels pour le ramener à la maison. Je comprenais mieux son appréhension.
– Ce genre de voyage, c’est quand-même un peu la roulette russe, observa-t-il.
– C’est pas faux, confirmai-je, imagine tu te retrouves dans la même famille que Romain et Nicolas, poursuivis-je. Je réalisai, immédiatement, ma bourde. Il s’agissait d’amis de Niels. Je veux dire euh…
– Sans blague, me coupa-t-il. Je le regardais médusé.
– C’est pas tes potes ?
– M.D.R ! Je te demanderai de plus m’insulter à l’avenir, plaisanta Niels. C’est les potes de Pierre, et donc, en conséquence, ils traînent avec moi. Mais rassure-toi, je les trouve aussi insupportables que toi. Surtout Nicolas.
J’étais content d’apprendre que nous avions une inimitié commune. J’étais, toutefois, surpris qu’il préfère Romain à Nicolas. Nous débattîmes pour déterminer lequel des deux était le plus insupportable ? Nous riions aux éclats
– Qu’est-ce qu’il y a de si drôle, s’enquit Félix.
– Rien, rien. Niels et moi donnâmes cette réponse à l’unisson.
Félix nous examinait, comme s’il tentait de déceler quelque chose.
– Dis, Niels, est-ce que tu crois que tu pourrais me montrer comment on patine un de ces quatre ? Je réitérai ma demande du matin.
– Tu fais quoi mercredi aprêm, me questionna-t-il.
– Apparemment, je vais apprendre à patiner avec un mec qui prétend savoir le faire, le taquinai-je, je t’avoue que j’attends de voir. Je l’observais, enjôleur. Niels se rapprocha de moi. Il n’était plus qu’à quelques centimètres de mon visage.
– Ah oui, je crois que tu devrais faire attention à toi, murmura-t-il proche de mon oreille, j’ai entendu dire que le professeur se montrait très sévère face à l’insolence. »
Mon regard oscillait entre ses yeux et ses lèvres. Je désirais terriblement l’embrasser, là, maintenant. Ses lèvres si roses… Félix nous épiait. J’imaginais, depuis un moment. Il était clair que Niels et moi flirtions. Je savais que Félix était observateur. Il se doutait sûrement de quelque chose. Je fis un mouvement de recul.
Je tentai de me rassurer. Si Félix avait été à ma place, je n’aurais, certainement, rien remarqué du tout. Je me souvenais d’une conversation l’année passée, en Angleterre. J’avais discuté à une soirée avec trois personnes. Au fil de la conversation, je compris qu’elles étaient queer. Je ne le soupçonnais pas et en fis part. Une des filles m’avait répondu Straight people are a real shit-for-brains when it comes to gay flirting ! (Les hétero ont de la merde dans les yeux quand il s'agit de voir des personnes de même sexe flirter) Sur le coup, je ne donnai pas plus de considération à la remarque. Je considérais toujours la remarque un peu stupide. Ce n’est donc pas une question de capacité inhérente à la sexualité des personnes mais une question d’habitude.
Et Félix n’était pas habitué à voir des garçons flirter. Je me détendis un peu. Je me cachai du regard de Félix.
– J’espère que mon professeur saura se montrer indulgent alors, je suis nul en patinage, repris-je.
Niels rit puis m’assura qu’il ferait des efforts.
Je me réveillai et consultai mon portable. 10H06. Je me levai d’un bond. La réunion pour le voyage en Espagne avait commencé depuis six minutes, je courus à l’autre bout de la pièce réveiller Félix. Je le secouais jusqu’à ce que ses gémissements se transforment en paroles intelligibles.
– Quooooi, gémit-il encore endormi.
– On est à la bourre Félix. Lève-toi ! La réu a commencé.
– Hein, s’enquit-il.
Je courus dans la salle de bain me brosser les dents. Félix me suivit à quelques secondes près. Nous nous empressâmes d’enfiler des vêtements, et nous mîmes à courir à travers les couloirs en direction de la salle de réunion.
La salle se trouvait dans le bâtiment B, à l’autre bout du lycée. Je courais à grandes enjambées et un Félix encore tout ensommeillé me suivait en essayant tant bien que mal de garder le rythme.
Nous arrivâmes devant la salle à 10h19. Je frappai à la porte, nous entrâmes encore essoufflés, présentâmes nos excuses, et prîmes la direction du fond de la salle pour nous y installer. Sur le chemin, j’aperçus Niels. Nous échangeâmes un regard, puis j’accélérai le pas pour ne pas déranger les professeurs plus longuement.
La salle était immense, généralement utilisée pour les examens communs, comme les épreuves du bac. Il avait été jugé opportun de s’en servir pour la réunion en raison du nombre important de participants au voyage. La salle permettait d’accueillir tout le monde. Les professeurs, expliquait le projet pédagogique. Mon attention s’éparpilla très vite. Le réveil avait été brutal et j’en subissais, maintenant les conséquences.
Plutôt que d’écouter le discours, j’observais Niels à quelques tables devant moi, appuyé contre le mur de gauche. Il était si beau. J’aurais aimé pouvoir être assis à côté de lui.
Pendant une heure, pas une formation ne fut donnée que nous ne connaissions déjà. Après le discours sur les bénéfices d’un tel voyage, nous eûmes droit à un speech sur les règles à suivre en excursion, sur la bienséance dont il fallait faire preuve dans nos familles d’accueil respectives, etc. C’était d’un ennui mortel.
Enfin, vint le moment que tous attendaient. La répartition dans les familles. Il avait été décidé qu’il serait bénéfique de nous répartir dans les familles entre élèves de différentes classes, mais de même niveau. Cela devait favoriser « la cohésion et l’entraide interclasse ». Pour moi, c’était la possibilité de me retrouver dans la même famille que Niels.
J’appris que Félix et moi ne serions pas ensemble. D’abord déçun je compris si nous n’étions pas ensemble, j’aurais plus de chance de partager ma chambre avec Niels.
– Niels Larsen, Romain Lenormand, Nicolas Maserati, Tom Machu.
OMG ! Félix sembla remarquer le sourire sur mon visage et me lança un regard suspect. J’allai être avec Romain et Nicolas. Je détendis mon visage pour effacer mon sourire.
Niels et moi échangeâmes un regard. J’étais ravi. Le voyage n’avait pas commencé qu’il était déjà exceptionnel.
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