Chapître 12 (nouvelle version)

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 Deux caleçons, deux paires de chaussettes, un short… Je faisais l’inventaire des affaires dont j’avais besoin pour le week-end. J’allais passer la nuit chez Niels, puis je rentrerais chez mes parents le lendemain pour revenir le dimanche.

 J’étais partagé entre joie et confusion. J’étais heureux de le retrouver, certes, mais j’étais encore perdu quant à la nature de nos rapports. Rien dans la beauté des moments que nous avions passés ensemble n’effaçait le fait que je ne comprenais pas ce qu’il nous arrivait. Je savais, simplement, que j’avais un désir irrésistible d’être avec Niels.

 Je me demandais comment lui voyait les choses. Se pose-t-il les mêmes questions ? Probablement pas. Rien dans sa manière d’être avec moi ne donnait cette impression. Il semblait agir spontanément et naturellement. Il me suffisait, peut-être, simplement d’en faire autant.

 Niels m’avait donné rendez-vous devant le lycée. Nous ne nous étions pas revus depuis l’épisode de la patinoire. Niels avait, en effet, été absent la veille en cours de russe. Je finis de faire ma valise puis quittai la chambre. Je repensai à la conversation que j’avais eue plus tôt avec Félix. Je me souvins de son air interloqué quand je lui avais annoncé que je comptais passer la nuit chez Niels. Je sentais que Félix soupçonnait quelque chose. Il avait bien senti que je me comportais différemment ces derniers jours. Je sentais que j’étais bientôt bon pour un interrogatoire.

 Niels était de dos, appuyé contre l’arrêt de bus en face du lycée. Des dizaines d’adolescents attendaient le bus également. J’allai à la rencontre de Niels.

 –  Yo, mec, ça va, me salua Niels en me serrant la main.

 – Euh…ouais tranquille et toi, répondis-je en laissant échapper un gloussement.

 Je trouvais son ton amusant au regard de ce que nous avions fait deux jours plus tôt. Cependant, il maintint celui-ci pendant tout le trajet du lycée à chez lui. J’étais à la fois soulagé que l’on puisse parler sans qu’il n’y ait de malaise et vexé qu’il agisse avec moi comme il agirait avec n’importe lequel de ses potes.

 Niels habitait dans le centre-ville. Sa maison était située près de la gare sur un grand terrain dans le quartier le plus riche de la ville. Depuis la rue, des arbres cachaient la propriété. Niels me fit passer un petit portail et un petit sentier de graviers.

 Je savais que sa famille était aisée. Toutefois, rien ne m’avait préparait à cela. C’était un manoir du style XVIIIè siècle. Sa forme décrivait un rectangle. De grandes bais-vitrées donnaient à voir un peu de l’intérieur de la bâtisse. Les murs étaient entièrement faits de pierre. Je ne revenais pas de ce que je voyais.

 Je me sentais, tout à coup, honteux. Je n’étais pas pauvre, certes, mais à côté de Niels, j’étais un gueux.

 Il m’invita à entrer chez lui. Nous retirâmes nos chaussures, et il entreprit de me faire visiter. L’intérieur ressemblait aux appartements parisiens des grands bourgeois dans les films français. Les plafonds étaient très hauts et bordés de moulures.

 Un escalier faisait face à la porte et bordait le mur gauche. L’entrée était reliée à deux pièces de chaque côté par deux larges ouvertures et par une petite porte au fond.

 À gauche, la salle à manger. Le soleil traversait la baie-vitrée et éclairait chaudement une table en bois rectangulaire, disposée au centre de la pièce. Deux fauteuils de chaque côté de la fenêtre étaient disposés sur un tapis berbère.

 À droite, le salon. Un canapé panoramique gris entourait une large cheminée en pierre et bordait le mur proche de la cuisine. La pièce était, elle aussi, généreusement éclairée par une baie-vitrée. En face de la cheminée, une grande bibliothèque en bois habillait le mur commun à l’entrée.

 Chaque pièce était plus somptueuse l’une que l’autre. Jamais de ma vie, je n’avais vu une telle maison en ville. Le bureau des parents de Niels ressemblait à une bibliothèque d’Oxford miniature et sentait le vieux livre. La véranda offrait un magnifique panorama sur un jardin anglais qui ne manquait pas d’entretien. Le design de la cuisine était plus prosaïque. Les meubles comme la peinture étaient blancs.

 La maison était séparée en trois parties : les parties communes au rez-de-chaussée, la suite parentale au premier étage et enfin l’étage des enfants au deuxième. Niels me conduisit à ce dernier.

 Nous arrivâmes dans un petit vestibule mal éclairé. Il était traversé par un long couloir. Niels m’expliqua que la partie gauche était réservée à ses petites sœurs et la partie droite à son frère et lui. Nous empruntâmes le couloir droit.

 Niels me présenta ma chambre. Une pièce assez simple en somme. Un grand lit deux places et un bureau. Elle était située à quelques pas de la chambre de Niels. Je tâchais de ne pas montrer ma déception. Je mourrais d’envie de dormir avec lui, mais je supposais que la décision avait été celle de ses parents. Je ne lui en voulais donc pas et ne dis rien. En outre, je me voyais mal m’inviter dans sa chambre tant la proposition aurait été peu subtile. Ça te dit on joue à touche-pipi ? Tant pis, il faudrait attendre la semaine suivante, en Espagne.

 Les parents de Niels devaient rentrer une heure plus tard. Lui devait se rendre à la patinoire, rejoindre son équipe pour préparer le match. Nous retrouverions ses parents sur place.

 Je posai mes affaires dans la chambre et Niels partit se changer. Nous nous mîmes en route par la suite.

 Dans le bus, Niels m’expliqua qu’il s’agissait d’un match important. S’il gagnait ce soir, il serait qualifié pour les championnats de France. Je sentais l’excitation et l’angoisse dans sa voix.

 –   Je suis content que t’aies accepté de venir, me fit-il.

 – T’inquiète, ça me fait plaisir. »

 Je lui souris et il détourna immédiatement le regard. Qu’est-ce qu’il a ? Je le sentais distant.

 Niels alla saluer ses coéquipiers. Je le suivais quelques mètres derrière. Il me fit signe de le rejoindre. Il me présenta à toute la bande. Ils étaient assez grands et présentaient tous une allure sportive. Ils me paraissaient tous assez sympathiques. Ils me racontèrent diverses anecdotes sur Niels. Mais une, en particulier, attira mon attention.

 Il y a quelques semaines, Niels avait passé une soirée à tourner autour de cette fille, Charlotte. Ils avaient fini par conclure. Ils s’étaient embrassés puis étaient partis s’isoler dans une chambre. Ses coéquipiers vantaient les atouts physiques de celle-ci. Niels abondait dans leur sens, et riait en les écoutant.

 – Et alors c’était bon, s’enquit l’un d’eux, amusé.

 Niels lui fit un clin d’œil. Il faisait le coq devant ses amis. Je sentais la colère monter en moi. J’étais jaloux et surtout vexé qu’il en parle ainsi devant moi, comme si ce que nous avions vécu ensemble n’avait pas plus d’importance.

 Je cherchais ses yeux du regard. Il ne me lança pas un seul regard. Il était trop occupé à s’esclaffer avec ses copains. Je m’efforçai de rire également, sans conviction. Je soignais les apparences. Intérieurement, je me sentais idiot. Je me demandais pourquoi j’avais accepté sa proposition. Et surtout, je me demandais pour quelle raison il m’avait invité à ce match et à dormir chez lui ensuite.

 Je restais avec eux quelques minutes, puis ils s’éloignèrent pour se préparer à jouer le match. Je restais sur place. Je me demandais si ce à quoi je venais d’assister était bien réel. Je me sentais humilié.

 Assis dans les tribunes, j’observais la préparation du match. Celui-ci devait démarrer dans une vingtaine de minutes. Qu’est-ce que je fous là ? Bien qu’il m’ait affirmé l’inverse, j’avais le sentiment que Niels n’était pas heureux que je sois là. Je n’arrivais pas à faire de faire un lien entre son comportement de la soirée et notre après-midi du mercredi passé. Je me creusais la tête. Est-ce que j’ai dit un mot de travers ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Peut-être me reprochait-il simplement ce que nous avions fait ?

 Je descendis les gradins et m’approchai du distributeur automatique. Je cherchais quelque chose à me mettre sous la dent quand j’entendis mon prénom.

 – Tu vas bien, s’enquit-il timidement.

 – Ouais, merci, répondis-je sèchement. Je ne voulais pas masquer mon irritation. J’avais l’impression de passer pour un con.

 – Ma famille arrive bientôt, je vais te les présenter si tu veux. »

Sérieusement ? Je décidai de le confronter.

 – Si tu voulais pas que je sois là, fallait me le dire, lançai-je sèchement.

 Il me fit des yeux ronds, commença à se gratter la tête. Je poursuivis.

 – Allons voir ta famille, ça sert à rien d’en parler maintenant, je suis là de toute façon.

 Niels marchait quelques pas devant moi. La tension était palpable. Je le sentais extrêmement gêné. Moi, au contraire, j’étais furieux. Mon irritation s’était transformé en colère. Cette interaction m’avait conforté dans ce que j’avais ruminé dans les gradins. Je lui en voulais de me faire passer pour un idiot. Super ! Maintenant je suis coincé toute la soirée avec lui et sa famille !

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