Chapître 15

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Nous arrivâmes à destination vers 17h. Le trajet avait été long, et la fatigue se lisait sur la plupart des figures. Félix ronflait à côté de moi. Moi, au contraire, j’avais été éveillé pendant tout le reste du voyage. Je n’avais pas pu fermer l’œil à nouveau. J’avais repensé à cette phrase de Niels : J’ai une copine. J’avais ressassé chacun des moments passés ensemble. Je ne comprenais pas. Comment peut-il avoir une copine après ce que nous avons vécu ? Rien dans son comportement avec moi n’avait présagé de l’annonce d’une telle nouvelle. J’étais en colère contre lui. J’avais le sentiment d’avoir été utilisé. J’étais frustré aussi. Utilisé peut-être mais à quel fin ?
 Le chauffeur arrêta le moteur, et tous les endormis se réveillèrent en douceur. Les uns s’étiraient, les autres baillaient à profusion.
  Nous sortîmes du bus, et nous regroupâmes en cercle sur le parking. Il était prévu que nous fassions une courte visite de la ville avant de rencontrer nos familles d’accueil respectives. Ouf ! Je ne vais pas devoir passer du temps avec Niels tout de suite.
  La ville était située en bord de mer. Nous longeâmes le bord de côté. Des habitations se trouvaient tout le long. Chacune offrait une vue imprenable sur le large. Nous eûmes droit à un petit historique de la ville. Monsieur Lemaire, prof d’espagnol, nous expliquait, passionné, que la ville avait d’abord été un village montagnard. Elle avait, d’abord, été un village un peu plus enfoncé dans les terres, puis s’était étendue jusqu’au littoral. Elle avait alors profité de sa situation géographique stratégique pour développer son commerce et s’agrandir. La ville avait, donc, autrefois été un port de commerce. Aujourd’hui, la côte était bordée de petits commerces touristiques et de plages de plaisance.
 Nous rejoignîmes, ensuite, la vieille ville par une rue au dénivelé important. La fatigue du voyage ainsi que la chaleur extérieure rendait l’exercice difficile pour la plupart d’entre nous. Nous arrivâmes sur une grande place faite de pavés, entourées de nombreux bâtiments anciens, construits à partir de fluorite jaune.
 Le vieux centre avait réussi à maintenir son activité économique nous expliquait Monsieur Lemaître. Ainsi, la place comme les rues adjacentes arboraient quantité de petits commerces type épiceries, poissonneries quincailleries, etc. Les restaurants, cafés et bars ne manquaient pas non plus. Nous flânâmes à travers les rues quelques petites heures durant, abreuvés des connaissances du prof d’espagnol sur le lieu.
 Nous nous rendîmes, enfin, dans notre lycée d’accueil, situé lui aussi dans le centre-ville. Nous traversâmes un grand bâtiment, et atteignîmes une grande cour. Là nous attendaient de nombreuses personnes, le sourire aux lèvres. Nous fûmes appelés par classe et ordre alphabétique.
  Notre famille d’accueil était un couple sexagénaire. Une petite dame brune, trapue, aux cheveux courts, Isabel, vint nous serrer immédiatement dans ses bras. Son mari, Alberto paraissait plus réservé, mais tout aussi sympathique. C’était un grand monsieur, tout fin au teint pâle et aux lunettes rondes. Il nous serra la main, et nous souhaita la bienvenue comme sa femme.
 Isabel et Alberto habitaient une maison située dans le centre-ville. Nous devions marcher une quinzaine de minutes pour rejoindre celle-ci. Sur le trajet, le froid entre Niels et moi était toujours bien présent. Je l’évitais comme la peste et lui semblait en faire de même. J’étais, franchement, énervée de son annonce de plus tôt dans la journée, et n’avais toujours pas digéré la nouvelle.
  Isabel, Alberto et moi marchions en tête. Je conversais avec Isabel, dans un espagnol approximatif. Trop heureuse de trouver un interlocuteur aussi loquace, Isabel me mitraillait de phrases et de mots que je ne comprenais pas toujours. Alberto écoutait simplement.
  Derrière, Romain et Nicolas comme à leur habitude piaffaient l’un avec l’autre. Niels marchait un peu en retrait, les mains dans les poches et le regard perdu. J’étais gêné de leur comportement.
  La maison était située dans une vielle bâtisse à pan de bois. De l’extérieur, celle-ci semblait minuscule. Elle se déclinait, toutefois, sur trois étages, et chacun comprenait un espace important. Isabel nous conduisit à nos chambres.
 Le troisième étage étaient partagés en cinq pièces. Un petit vestibule faisait la liaison entre une salle de bain qui avait l’ait d’avoir été rénovée récemment, deux chambres et un bureau. On nous expliqua que nous devrions nous répartir par deux dans chacune d’entre elles. Et merde ! J’allais devoir dormir avec Niels.
 Cette perspective ne me réjouissait plus comme auparavant. Isabel nous invita à nous installer, et à ne redescendre que quand le repas serait prêt. Elle nous appellerait à ce moment-là.
 Je pris les devants, et entrai le premier dans la chambre. Il s’agissait d’une petite pièce qui sentait le vieux bois. Un bureau faisait face à la porte, et de chaque côté de celui-ci, deux lits étaient présents. Je choisis celui de droite, Niels celui de gauche. J’entrepris de ranger mes affaires, Niels en fît autant. Je posai ma valise sur le lit, l’ouvris, et rangeai les affaires dans le placard à notre disposition. J’effectuais ces tâches dans le plus grand des silences. L’ambiance était glaciale. Je pris ma serviette, un caleçon et ma trousse de toilette.
  « Tu veux aller te laver en premier ou je peux y aller, me risquai-je à demander.
 – Euh… vas-y, t’inquiète, j’irai après le repas. »
 Assis sur son lit, Niels me regardait avec des yeux ronds. Je fus surpris de n’y lire, ni le mépris, ni la rancœur, dont il avait fait preuve à mon égard, dans la journée.
  Je ne comprenais pas ses réactions. J’aurais préféré qu’il me déteste, et que cette inimitié soit constante. Je voulais déceler une cohérence dans sa manière d’agir avec moi.
 Je posai mes affaires sur le lit, et me mis à retirer mes vêtements devant lui. Je jetai un regard dans sa direction. Il m’observait, sans retenu. J’enlevai mon T-shirt, puis mon pantalon. Ses yeux étaient toujours posés sur moi. Je l’attire toujours. Je repris mon essentiel toilette, puis allai dans la salle de bain.
À quoi est-ce que tu joues ? Je toisais mon reflet dans la glace. Qu’est-ce que tu foues bordel ?


  J’entendis Isabel, du rez-de-chaussée, nous crier que le repas était prêt. Nous descendîmes les marches de l’escalier et nous mîmes à table. Alberto lisait le journal, pendant qu’Isabel s’affolait dans la cuisine. Je décidai d’aller proposer mon aide. J’apportai les plats sur la table et mis le couvert. Nous commençâmes à manger. La cuisine d’Isabel était délicieuse. Alberto et elle nous posaient des questions sur les habitudes alimentaires françaises, sur le lycée, nos amis, nos ambitions pour l’année suivante.
  Les deux étaient des hôtes soucieux du bien-être de leurs invités. Ils s’adressaient à chacun d’entre nous individuellement et nous laissaient le temps de nous exprimer, malgré des difficultés manifestes. Après le repas, nous jouâmes aux cartes. Isabel enchaînait les blagues – que nous ne comprenions pas toujours – et riait à profusion. L’ambiance était conviviale et légère. Je me risquai plusieurs fois, à observer Niels. Lui aussi semblait de meilleure humeur. La glace entre nous semblait s’être brisée. Il me taquinait, me lançait des clins d’œil. J’étais heureux qu’il me redonne de l’attention. Ça m’avait manqué !


  Dans notre chambre, Niels était d’humeur joviale. Il partageait avec moi comme il était heureux de cette famille. Il sentait que ce voyage s’annonçait bien. J’étais plus réservé. J’étais heureux que nous nous reparlions, mais j’étais frustré de le savoir en couple avec une fille.
  « Ça fait combien de temps que t’es avec ta meuf ?
 – Ah euh… C’est tout récent. Depuis ce week-end juste. Mais ça faisait un moment qu’on se tournait autour.
  Il s’exprimait d’un ton monotone, comme s’il s’agissait d’une chose parfaitement banal que d’expliquer au mec avec qui l’on fricotait que l’on était en couple. Je sentais mon cœur se resserrer.
 – Et t’as décidé ça avant ou après vendredi soir ? Silence.
 – Je vois pas ou tu veux en venir ?
  Je poursuivis.
 – Je précise. C’était avant ou après que j’ai décidé d’arrêter touche-pipi vendredi soir.
 Je tournai la tête dans sa direction. Je le sentais gêné. J’étais fier de moi. Enfin, j’avais réussi à adresser le sujet, à le mettre en mots. Enfin j’allais pouvoir avoir une réponse claire. Niels n’avait plus d’autre solution que de me répondre.
 – Je vois pas le rapport, lâcha-t-il froidement.
  J’étais outrée. J’avais franchement l’impression qu’il se moquait de moi. J’avais envie de le secouer.  – Tu vois pas le rapport, répétai-je, incrédule.
 – Non vraiment pas, répondit-il, détendu.
 Sa réponse m’avait démuni.
 – Mais alors ça voulait dire quoi tout ça. Dans ma chambre à l’internat, à la patinoire, chez toi ? Il rit et me fit un clin d’œil.
 – Y a rien de mal à se faire du bien entre potes, tu crois pas ? J’étais en état de choc.
 – Okay. »
 Une logorrhée d’insultes me vint à l’esprit. Je réfléchissais aux meilleurs méthodes pour l’assassiner dans son sommeil. J’étais bouche-bée. Je n’en revenais. Ça avait le mérite d’être clair. Niels m’avait bien utilisé. Je me sentais stupide et sali.
 « Je vais dormir je pense, ça te dérange pas si on éteint la lumière, me demanda-t-il.
 – Non, non, vas-y. »
 Niels se leva de son lit pour alla actionner l’interrupteur, retourna sous ses draps, et ferma les yeux.
  Je restai, quelques secondes, redressé dans mon lit. J’observais Niels, il semblait parfaitement quiet. Je m’allongeai à mon tour. Je me mis en boule. Je sentais mon cœur lourd à tel point qu’il me faisait mal. Je gardais les yeux ouverts. Je repensai à ce que Niels venait de me dire. Y a rien de mal à se faire du bien entre potes, tu crois pas ? Je sentis mes yeux me piquer et des larmes commencèrent à rouler sur mes joues.

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