Chapître 16

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  Le programme de la journée était une excursion dans les montagnes voisines de la ville. Isabel nous avait préparé des sandwichs à tous les quatre en tenant compte de nos préférences alimentaires. Après nous avoir accompagné au lycée, Isabel nous souhaita du courage pour la marche et s’éloigna, me laissant en compagnie de Nicolas, Romain et Niels.
« Franchement, les gars, vous la trouvez pas genre un peu conne la meuf quand-même, nous demanda Romain.
 – Haha c’est clair, abonda Nicolas dans son sens.
  Je choisis d’ignorer la remarque tant je la trouvais stupide.
  Je n’avais adressé la parole à Niels que très peu dans la matinée. Je n’étais plus en colère contre lui, j’étais triste. Mais je refusais qu’il puisse le voir ou le sentir. Aussi, n’étant pas certain de pouvoir cacher mes émotions comme je le souhaitais, je décidais de conserver le silence.
  Une foule de lycéens s’amassait dans la cour du lycée. Je cherchais Félix du regard. J’espérais qu’il se montre rapidement et me sorte de ce bourbier. Par chance, il fît son apparition quelques minutes plus tard.
  « Yo les gars, nous salua-t-il, alors comment ça se passe ? Elle est sympa votre famille ? »
 Félix était accompagné de Pierre, Gauthier et Paulin. Nous échangeâmes un moment sur nos premières impressions du voyage. Nous décrivîmes nos hôtes. Puis Gauthier en fît de même.
  Leur famille était composée de cinq membres, tous plus perchés les uns que les autres. La mère était prof de yoga, et le père, herboriste. Ils avaient ensemble trois enfants auxquels ils faisaient l’école à la maison. La mère leur avait, la veille, proposé une séance d’éveil aux énergies telluriques. L’exercice avait été de s’accoler à un arbre ou une plante, et de chercher à entrer en « connexion » avec elle. Le père, quant à lui, avait pour projet de changer de régime alimentaire. Il souhaitait se nourrir exclusivement de prana, « l’énergie vitale » de toute chose, produite par le soleil. Il passait, tous ses après-midi, allongé dans le jardin, à aspirer dans une sorte de petite flûte permettant de capter le prana.
 Nous riions aux larmes. Félix avait le chic pour tomber sur les pires cas dans ces circonstances.
  Les professeurs nous réunirent pour nous expliquer les étapes de la journée. Nous devions prendre le bus jusqu’au pied de la montagne. Nous commencerions la randonnée depuis ce point. L’objectif était simple. Il s’agissait de rejoindre un point d’eau en plein cœur de la montagne. Nous pourrions, sur place pique-niquer, nous détendre, jouer, prendre des photos, puis nous repartirions dans le sens inverse. Le bus viendrait à nouveau nous chercher pour nous ramener au lycée.
  Je m’assis, de nouveau, à côté de Félix dans le car. Je voyais à son visage qu’une question lui brûlait les lèvres. Son expression m’amusait beaucoup.
« Tu voulais me dire quelque chose, fis-je amusé.
  – Ouais, répondit-il, sérieux, mais je veux que tu me promettes que tu me diras la vérité.
  – Woah, si deep d’un seul coup.
  – Promets-le-moi, insista-t-il.
  Je hochai la tête. Je sentais que la question qui allait venir ne me plairait pas forcément.
  – Est-ce qu’il se passe quelque chose entre Niels et toi, chuchota-t-il. »
  Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je n’avais pas anticipé cette question. J’étais pris de court. Mon cerveau ne coopérait plus. Il avait être difficile de mentir.
  – Qu’est-ce que tu veux dire par là, m’enquis-je sur un ton faussement amusé.
  – Tu sais très bien, ce que je veux dire.
  J’étais coincé. Je savais que je ne tromperais pas Félix. Il pouvait lire dans mes yeux si je disais la vérité. J’agitai la tête dans tous les sens, et m’assurai que personne ne nous écoute. Je soufflai.
  – Oui.
  Félix ne semblait pas surpris pour un sou.
  – Vous vous faites la gueule ?
  – C’est plus compliqué que ça… Mais en clair, oui.
  Félix comptait en parler à personne. Il n’avait pas l’intention de me bombarder de questions sur le sujet non plus. Il sentait que je n’étais pas encore prêt à lui en parler le cœur ouvert. Toutefois, il se tenait à disposition quand je le serais.
  Je fus très ému. Je ne comptais pas lui en parler plus en détails pour le moment, mais savoir qu’il était dans la confidence, me libérait d’un poids sur les épaules.
  – Merci, Félix
  – T’inquiète mec, dit-il en me tapotant l’épaule.
Le bus nous déposa au départ du chemin de randonnée. Un panneau à l’entrée indiquait le temps de marche nécessaire pour faire l’ensemble du parcours. 16 horas. Nous n’en ferions qu’une infime partie.
  « Il ne s’agit pas d’une course, chacun peut aller à son rythme. Assurez-vous simplement d’être proche d’un d’entre nous. On sera réparti sur l’ensemble du parcours. »
  Les consignes étaient données.
  La randonnée fut un moment agréable. Plutôt en bonne condition physique, Félix et moi avancions en tête du groupe. Le chemin était de quelque cinq mètres de largeur et sinueux. Par endroits, il rétrécissait. Sur une grande partie de l’itinéraire, les arbres protégeaient nos peaux du soleil. Il faisait chaud, mais cela restait supportable. Les paysages étaient magnifiques. Nous étions témoins d’une nature restée très sauvage. On ne voyait que des montagnes sauvages à l’horizon.
 J’expliquai à Félix pourquoi ça n’allait pas avec Niels. Je restai, toutefois, très vague sur les détails. Niels et moi nous étions entrevus dans des moments intimes, et désormais, il affirmait que cela n’avait rien signifié. Félix m’écoutait attentivement, puis me donna son avis sur la situation.
  « Franchement, je pense pas qu’il dise vrai.
  – Qu’il dise vrai ?
  – Quand il te dit qu’on peut bien s’amuser entre amis, je pense pas qu’il soit dans cet état d’esprit.
  – Et qu’est-ce qui te fait dire ça ? »
  Selon Félix, Niels ne comprenait pas vraiment ce qu’il lui arrivait. Pas plus que, moi, je donnais l’impression d’y comprendre quelque chose. Il m’avait dit ses mots parce qu’il permettait de donner du sens à la situation.
  « T’es amoureux de lui ? Je fus surpris de la question.
  – Mais non mdr, ça va pas la tête ou quoi ?
  – Tu vois, entre ta réaction et ce qu’il t’a dit, j’ai du mal à voir la différence.


 Nous arrivâmes dans un petit coin de paradis vers 13h. En plein cœur des montagnes, une petite étendue d’eau bordait une surface rocheuse. Une étendue d’herbe l’avoisinait, habillée de quelques arbres.
  Nous nous installâmes en petit groupe. Pierre, Gauthier, Niels, Nicolas, Paulin et Romain nous rejoignirent et nous mangeâmes ensemble. Je repensai à ma conversation avec Félix. J’aimais qu’il soit si direct. Il m’avait tiré les vers du nez et, grâce à lui, j’avais, maintenant, un ami de qualité à mes côtés. J’aimais, aussi, sa capacité à écouter. Il ne m’avait posé aucune question sur ma sexualité. Je n’aurais, d’ailleurs, été que peu capable de répondre. Dans son discours, il n’y avait pas eu une once de jugement. Je repensai à son analyse. Peut-être avait-il raison. Et puis, j’avais bien pécho Chloé de mon côté. Il était temps pour moi de mettre de l’eau dans mon vin. Niels ne comprenait pas mieux que moi ce qu’il y avait entre nous. Je décidai d’engager la conversation avec lui.
  « Tu…euh…t’as kiffé la randonnée ?
  Je me sentais idiot de ma question. Il s’était érigé un tel mur entre nous que j’avais maintenant du mal à le briser. Il rit.
  – Très bien, merci et toi ?
  Je vis son visage s’illuminait. Je lui souris en retour. Il poursuivit.
  – Et toi ? Quelle est ta couleur préférée ?
  Je gloussai. Niels riait de l’inanité de ma question.
  – Haha, j’avoue ça faisait un peu question de français LV1. »
  Nous rîmes ensemble. J’étais heureux que nous nous retrouvions comme cela. Que les choses entre nous se détendent un peu. Je me rendais compte que ces montagnes russes émotionnelles m’avaient épuisé. Nous discutâmes, ainsi, tous les deux, pendant toute la durée du repas. Nous étions seuls entourés de tous les autres à nouveau.
  « Qui est chaud pour aller se baigner, proposa Paulin. »
  Niels et moi échangeâmes un regard et nous levâmes pour courir en direction de l’eau. Nous nous déshabillâmes avant de nous jeter en bombe dans l’eau. Nous fûmes rejoints par une tripotée d’autres élèves.
  Niels et moi jouions dans l’eau ensemble sans nous lâcher du regard. Nous nous éclaboussions et jouions à nous mettre la tête sous l’eau. J’étais heureux de le toucher de nouveau. Le contact de son. Son corps m’avait manqué.


  Je marchais avec Niels à ma droite. Nous riions et parlions de chose et d’autre. Le soleil était plus bas désormais. Les montagnes commençaient à le cacher. Nous avions pris de l’avance sur les autres élèves. Il n’y avait personne autour de nous.
  « T’as une copine, toi, m’interrogea-t-il.
  – Euh… non haha. J’étais surpris de sa demande.
  – Ah ouais ? Je suis sûr que t’aurais pas de mal à en trouver une avec une bouille pareille. »
  Le rouge me monta aux joues. Je souriais jusqu’aux oreilles. Il s’arrêta net et me saisit le bras. Il me fixait dans les yeux. Il approcha son corps du mien, posa sa main sur ma joue et m’embrassa.
  Le son de voix nous indiqua qu’un groupe se rapprochait de nous. Niels desserra son étreinte et nous nous remîmes à marcher en silence, comme si rien n’avait eu lieu.

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