Chapître 19

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 Le réveil fut difficile. Toujours lovés l’un dans l’autre, nous ouvrions les yeux avec difficulté. Je me frottai les yeux, pris une grande inspiration et me levai du lit. J’ouvris le placard, et me mis à tâter l’intérieur à la recherche de vêtements pour la journée. Je clignai des yeux, mes yeux étaient brouillés. La journée s’annonçait difficile.

 – Tu fais quoi ?

 La voix de Niels était rauque, il avait la voix de ceux qui avaient trop fait la fête.

 – Je vais me laver. Je suis tout moite de sueur. Je poursuivis. D’ailleurs, je ne crois pas être le seul.

 Il rit et plaça ses mains derrière la tête pour mieux m’observer. L’impudeur de son corps réveillait ma libido. L’observer, dans cette position, ramenait des pensées lubriques dans mon esprit, les souvenirs de ce que nous avions fait quelques heures plus tôt.

 Je retournai m’asseoir au bord de son lit. Je sentis ses mains caresser mon dos. Je me tournai pour l’embrasser. Niels semblait s’enhardir. Il ne voulait pas en rester là.

 – Non, non je vais me laver. On va être en retard, murmurai-je, amusé.

Je me levai à nouveau et allai récupérer mes affaires.

 – Quel égoïsme, s’exclama-t-il d’un ton ironique. Et je fais comment avec ça moi en attendant. Il pointait vers son caleçon.

 – T’as une main me semble-t-il.

 Je quittai la pièce, et disparus dans la salle de bain.

 Isabel s’agitait dans tous les sens. Elle multipliait les aller-retour entre la cuisine et la salle à manger. Sur la table, la quantité de nourriture augmentait à vue d’œil. Mes yeux oscillaient entre pancakes, churros et tortillas. Isabel s’était donné du mal. Nous devions passer la journée au lycée à disputer lors d’olympiades organisées par notre lycée d’accueil. Soucieuse que nous performions, notre hôte avait cuisiné pour tout un régiment. J’observais la nourriture avec envie. Ma nuit d’amour avec Niels m’avait creusé l’estomac.

 Romain et Nicolas étaient assis sagement à la table. Ça change. Ils patientaient calmement que l’on nous donne l’autorisation de commencer le petit-déjeuner. Niels et moi en faisions de même. Bien que nous partagions la même famille d’accueil, je n’avais que très peu eu affaire à eux depuis le début du séjour. Je m’en félicitais. Mon inimitié pour eux s’adoucir. Ils ne sont pas si terribles après tout.

 – Vous avez fait quoi pendant toute la nuit, nous interrogea Romain.

 – Ouais, c’est vrai, vous avez fait plein de bruit, ajouta Nicolas.

 Mon sang se glaça. Je ne savais pas quoi répondre, les mots me manquaient. En outre, je ne pouvais que spéculer sur l’étendu de ce qu’ils avaient pu entendre. Aucune réponse satisfaisante ne me venait à l’esprit. Niels prit les devants.

 – Désolé si je vous ai réveillés, je suis asthmatique.

 – Ah okay, j’ai cru à un moment que vous étiez en train de ken. Nicolas et Romain partirent en fou-rire.

 J’échangeai un regard avec Niels, puis il poursuivit.

 – Ha ha ! Je fais des bruits chelou pendant mes crises parfois, j’espère que vous avez pu dormir un peu quand même.

 Ces mots sortirent de sa bouche avec un calme presque déconcertant. Niels me fit un clin d’œil, il semblait fier de lui. J’étais moi-même presque prêt à les croire. Je restais cependant vigilant. On avait eu chaud. Il faudrait se montrer plus vigilant à l’avenir.

 Isabel vint nous rejoindre à table et nous invita à commencer à déjeuner.

 Nous arrivâmes au lycée quelques minutes avant les instructions ne soient données, tous les quatre habillés en tenue de sport. Niels portait un short très court qui révélait ses cuisses galbées et des mollets aux contours harmonieux. Son T-shirt moulait ses muscles pectoraux et trahissait une sangle abdominale bien développée. Ses manches, remontées jusqu’aux épaules, exposaient des veines sur chacun de ses biceps, et sur ses avant-bras. Sa peau s’illuminait au soleil. Il portait un bandana pour retenir ses cheveux blonds mi-longs vers l’arrière. Tout dans son apparence du jour me ramenait à la nuit que nous venions de passer.

 Nous retrouvâmes Gauthier et toute la bande, eux aussi vêtus de la tête au pied en athlètes. Félix était survolté, il sautillait d’un pied sur l’autre d’excitation.

 – Mec, t’es pas prêt, je vais te mettre la misère sur le 100 mètres.

 Je lui jetai un regard amusé. Félix et moi avions fait de l’athlétisme ensemble plus jeunes. Nous avions arrêté au lycée. Lui avait une plus grande accointance avec les sports de lancer, type javelot, poids, disques. Moi au contraire j’excellais dans les disciplines de course, en particulier le sprint.

 – L’espoir fait vivre, rétorquai-je narquois.

 Les élèves des deux lycées étaient tous réunis dans le stade. Ce dernier n’avait rien à envier au nôtre. Il avait tout des terrains de sport américains que l’on pouvait voir dans les séries. Les gradins semblaient pouvoir accueillir plusieurs centaines de supporters. Les pistes de course étaient en très bon état, et la pelouse au centre était très bien entretenue.

 Une petite dizaine de professeurs du lycée d’accueil monta à la tribune. À tour de rôle ils donnaient des explications sur le déroulement des épreuves. M. Lemaire, notre professeur d’espagnol, prenait le haut-parleur pour traduire les discours de ses homologues espagnols.

 Dans l’ensemble, les consignes étaient simples. Chaque classe représentait un pays. Chaque élève choisissait trois disciplines dans lesquelles concourir. La lutte, le saut en longueur, le 1500 mètres, le 100 mètres, le lancer de disque et le lancer de javelot. Les épreuves auraient lieu en non-mixité. Des jurys, dans les gradins, représentaient chacune d’entre elles. Il fallait se présenter aux jurys en fonction de nos choix.

 Notre classe représenterait le brésil. Celle de Niels, l’Afrique du sud.

 Je comptais m’inscrire au 100 mètres, au 1500 mètres ainsi qu’à la lutte. J’avais bon espoir de faire une bonne performance au sprint, et de ne pas trop mal me débrouiller en demi-fond. En revanche, je ne donnais pas cher de ma peau en lutte. Je m’imaginais mal repartir avec une médaille dans cette discipline.

 – Tu t’inscris dans quoi, demandai-je à Niels.

 Il haussa les épaules.

 – Tout me va, je te suis.

 J’appréhendais de me retrouver face à lui. Je savais Niels particulièrement bon en sport. Particulièrement bon dans tous les sports à vrai dire. Je craignais qu’il me vole ma victoire dans la seule épreuve pour laquelle j’avais une chance de gagner.

 – Tu sais tu peux faire autre chose. Je tentai de proposer.

 Il rit.

 – T’as peur de perdre ?

 Il me lança un de ses regards aguicheurs et se rapprocha de moi.

 – Crois pas que je me montre plus indulgent parce que je sais ce que tu sais faire avec ta bouche.

 Toi tu perds rien pour attendre. Je décidai de relever le défi. J’allais le ratatiner.

 J’allai me mettre dans la queue du jury 100 mètres avec Niels, Félix et Pierre. Je savais que Pierre était, également, un adversaire de taille. Je le savais excellent en basket. Mais il avait un profil sportif très versatile également. Je me méfiais. J’appris qu’il comptait concourir dans les mêmes disciplines que moi. Cela n’allait décidément pas être chose facile.

 Quant à Félix, il avait prévu, en plus du sprint, de s’inscrire dans les disciplines dans lesquelles il excellait.

 Le sprint, le demi-fond ainsi que le saut en longueur auraient lieu le matin. L’après-midi serait consacré au lancer de disque, au lancer de javelot ainsi qu’à la lutte. Aussi, lorsque nous ne concourions pas, nous pourrions assister aux autres performances.

 Il était prévu quelques exercices ciblés sur les groupes musculaires les plus mobilisés et un tour de terrain pour l’échauffement. Je finissais de m’étirer les cuisses quand Niels vint me rejoindre, peu avant le départ pour le tour de terrain.

 – Prêt à te faire ratatiner petite tête, me taquina-t-il en m’appuyant sur le dessus du crâne.

 – On en reparle à la fin si tu pleures pas trop, répondis-je, amusé.

 Niels secoua la tête et prit un air concentré.

 Tous les coureurs étaient réunis sur la ligne de départ. Une quinzaine d’élèves se tenait prête pour le départ. Je lisais la détermination sur tous les visages, l’émulation. Niels, à ma gauche regardait vers l’horizon concentré, Pierre, à ma droite, maintenait une tension constante sur ses jambes.

 – Ready ! Steady ! Go !

 Je poussai de toutes mes forces sur mes jambes. Je fis un départ réussi. Je me retrouvai facilement en tête de tous les autres. Je sentais toutefois quelques-uns me talonner. Pierre en faisait partie. Je redoublai d’efforts et arrachai la première place. Pierre était arrivé troisième, Niels quatrième.

 Je posai mes mains sur mes hanches, et me tournai vers Niels. Il me lançait un regard de défi. Je lui fis un clin d’œil. Il rit.

 – La prochaine, c’est mon tour, le vis-je articulé sur ses lèvres.

 Cours toujours, elle est pour moi aussi.

 Nous eûmes une petite demi-heure de pause avant l’épreuve suivante. Je ne me sentais pas aussi à l’aise pour celle-ci. Je visais le podium mais doutais de ma capacité à finir sur la première marche. Les autres coureurs présentaient des physiques qui me paraissaient bien plus adaptés au mien pour l’épreuve. Toutefois, je ne perdais pas mon objectif de vue : finir devant Niels et Pierre.

 Nous en étions au deuxième tour de terrain. J’étais parmi les derniers de la course. J’avais, certes, une assez bonne endurance mais rien d’extraordinaire. Aussi je jugeai plus sage de me maintenir en retrait pour mieux remonter plus tard.

 Pierre et Niels couraient parmi les premiers. Ils me devançaient d’une bonne vingtaine de mètres. Nous arrivâmes à notre troisième tour. C’est maintenant ou jamais. J’accélérai significativement le rythme, et dépassai plusieurs coureurs. Je talonnais, désormais, Niels. Il me vit approcher et accéléra son rythme de plus belle. Je m’amusais de la vision. J’étais moi-même épuisé. Mais la compétition me donnait les forces suffisantes pour faire face. Sur les derniers 100 mètres, je me mis à sprinter. Je dépassai Niels sans problème et passai devant Pierre. J’arrivai deuxième à cette course.

 J’entendais les cris des autres élèves de ma classe dans les gradins. Ils m’applaudissaient et me louaient pour mes exploits. Je me prenais moi-même au jeu et courais comme s’il s’agissait d’un exploit olympique. Je hurlais de toutes mes forces. Niels avait fini cinquième et Pierre sixième.

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