Chapître 24
Je me tenais les côtes et m’efforçais tant bien que mal de faire entrer l’air dans mes poumons. Je posais difficilement un pas devant l’autre et tentais de garder l’équilibre. À quelques pas Romain et Nicolas étaient tout aussi hilares. Niels faisait la tête et marchait tout aussi péniblement que moi, bien que la cause de cette difficulté soit différente. Il avait subi une défaite implacable et était sorti de la compétition avec une jambe droite boiteuse comme trophée.
Niels s’était présenté au combat avec l’assurance d’un lion en territoire conquis. Il s’était élancé sur son adversaire trop sûr de sa victoire, et avait dû vite se rendre à l’évidence qu’il ne faisait pas le poids. Le lion était, désormais, vexé comme un pou, et ne décrochait plus un mot.
Nous avions quitté le lycée une demi-heure plus tôt. Le temps de trajet jusqu’à la maison était normalement d’une quinzaine de minutes. Toutefois, le fou-rire ainsi que la jambe douloureuse de Niels nous avait contraints à multiplier ce temps par deux.
La porte d’entrée était à quelques mètres. Je sortis les clés de ma poche, et m’apprêtai à l’ouvrir. Je sentis l’envie de rire me saisir de nouveau. Je m’assis au sol. Mes yeux étaient brouillés tant les larmes me montaient. J’étais à bout de souffle.
Je sentis des doigts m’arracher les clés des mains, et aperçus la silhouette de Niels s’engouffrer dans la maison. Je restai quelques instants au sol à essayer de reprendre mes esprits. Nicolas et Romain étaient dans le même état que moi. Nous nous efforçâmes de reprendre nos esprits, puis entrâmes à notre tour.
Nous fûmes accueillis par Isabel, inquiète.
– Qué pasa, s’enquit-elle, se référant au membre boiteux de Niels.
Le combat avait débuté plutôt positivement pour Niels. Il se tenait fermement au sol et s’était montré vif dans ses mouvements. Il s’était lancé dans une première attaque qui s’annonçait être un véritable succès. Il avait réussi à déséquilibrer son adversaire et à le faire tomber. Il avait, ensuite, tenté une prise de manière à le maintenir au sol. Toutefois, la supériorité physique de son adversaire s’était imposé comme une évidence quand Ruben s’était relevé sans difficulté, et l’avait fait basculer par-dessus son épaule.
Le reste du combat se résumait à une série de tentatives ratées de la part de Niels de reprendre l’avantage sur son adversaire. Il avait multiplié les offensives pour ne connaître que le même dénouement : lui, allongé sur le tapis.
Ruben l’avait baladé d’un bout à l’autre du terrain sans effort. La force tranquille dont il avait fait preuve frisait l’insolence.
À quelques secondes de la fin du match, Niels avait tenté une ultime fois de sauver son honneur. Il avait agrippé Ruben au niveau des hanches, et poussé désespérément dans l’espoir que ses pieds ne cèdent. Il n’avait obtenu pour tout résultat que Ruben glisse de quelques centimètres du tapis. Ce dernier l’avait saisi, à son tour, par les hanches, et plaqué contre les tapis. La cuisse de Niels avait accusé le coup.
Isabel prit un air inquiet. Je la rassurai et lui expliquai qu’il ne s’agissait de rien de grave. Son visage s’apaisa.
Je montai à l’étage, puis déposai mon sac près de mon lit. Les vêtements que portait Niels pendant la journée étaient éparpillés négligemment près de son lit. Déjà, j’entendais couler l’eau de la douche, Niels était parti se laver. Je jetai un œil vers la porte pour vérifier que j’étais bien seul. Je m’approchai de son lit, et m’assis au bord. Je tendis la main vers le sol, et y saisis son T-shirt. Je le portai à mon nez, fermai les yeux et commençai à le humer.
Il était humide de l’effort physique de la journée. Je reconnaissais l’odeur naturelle de Niels, ainsi qu’une légère acidité causée par la sueur. Cette dernière ne me dérangeait pas, bien au contraire. Je m’extasiais de pouvoir retrouver cette senteur. Elle avait la capacité de calmer ma fringale pour Niels. Je m’imaginais à nouveau dans ses bras, son corps collé contre le mien.
La porte grinça. J’ouvris les yeux. Niels se tenait dans le pas de la porte, nu, une serviette au niveau du bassin. Je posai le T-shirt sur son lit. J’étais extrêmement gêné, mais feignais d’être occupé à autre chose.
– Euh…bégayai-je, je voulais… fin, je comptais descendre tes fringues à Isabel.
Niels s’appuya l’épaule contre le mur, porta ses bras au niveau du torse pour les croiser. De sa peau émanait une subtile vapeur. Il avait l’air d’un mannequin qui sortait d’un shooting coquin. Il était terriblement sexy.
– Hum… je vois.
Il leva les sourcils, et porta sa main droite à la tête, la zone entre le pouce et l’index lové contre son menton. Il prit un air faussement songeur et poursuivit.
– Tu reniflais mon T-shirt pour t’assurer qu’il fallait bien le laver, c’est bien ça, m’interrogea-t-il, amusé.
Le sang me monta aux joues. Toutefois, je décelai à son ton enjôleur ses intentions séductrices. Je décidai de me prêter au jeu.
– Oui, voilà, confirmai-je, et je voulais m’assurer aussi qu’il était bien réutilisable. Faut dire que ça sent pas la rose, le taquinai-je.
Niels fronça les sourcils, et prit une expression de défi.
– Ah oui ? J’avais l’impression que tu kiffais plutôt bien, lança-t-il. À mon avis, t’aurais même commencé sans moi si j’étais pas arrivé.
Il fit quelques pas dans ma direction, et vint se placer en face de moi, mon visage à hauteur de son entrejambe. Je déglutis. Je me levai brusquement pour que nous nous fassions face nez-à-nez. Je portai la crème qu’Isabel m’avait donné pour lui à son visage.
– J’ai ce qu’il faut pour te soigner.
Je posai mes mains sur ses épaules, et l’assis sur le lit. Je m’installai à sa droite, et posai sa jambe sur mes genoux. Niels, dos contre le mur, croisait les bras, les yeux tournés vers le vélux. Je dévissai le bouchon du tube, et pressai ce dernier pour en sortir une noisette. Je portai mon doigt à sa jambe, et commençai à appliquer la crème. Niels gémit au contact du froid sur sa blessure. Un hématome bleuâtre de plusieurs centimètres de diamètre recouvrait une partie importante de son quadriceps. Je l’observais grimacer, et sentis l’envie de rire monter.
– Félicitations pour ton combat, au fait, le taquinai-je. Vraiment très impressionnant.
Il me lança un regard se voulant foudroyant, un léger rictus en coin.
– Ha ! Ha ! Ha !
J’appuyai un peu plus fort sur la plaie. Un spasme parcourut son corps, et Niels planta ses mains dans le matelas, et serra les dents.
– Aïe, protesta-t-il, hilare.
– Oh vraiment désolé, j’ai pas fait exprès.
Niels me regardait avec un sourire en coin.
– Tu perds rien pour attendre, toi !
Il se pencha, et posa ses lèvres sur les miennes. Elles étaient douces, et je sentais déjà leur pouvoir enjôleur me traverser mon corps. Je me défis rapidement de l’étreinte.
– Hum… désolé, mais je suis pas sûr qu’après une telle débâcle, tu mérites une récompense.
Il porta son doigt à ma poitrine, et commença à y décrire des cercles.
– Et j’ai pas le droit à une consolation non plus ?
– Non, non, non.
Je m’amusais de le voir si demandeur. Je mourais d’envie de céder à ses avances, mais le frustrer m’apportait également beaucoup de plaisir.
J’enlevai mon T-shirt, lui embrassai le cou – il gémit – puis me levai, et rejoignis la salle de bain.
Je rassemblai mes affaires de sport salle, et les mis dans le panier à linge sale. Je descendis les marches, puis allai dans la salle à manger rejoindre les autres.
Un assortiment de boissons, de gâteaux, de plats et de fruits recouvrait chaque parcelle de la table. Mon ventre émit un gargouillis. Niels, Romain et Nicolas se goinfraient pendant qu’Isabel les observait, et leur demandait leurs avis sur tel ou tel met. J’allai m’asseoir à côté de notre hôte, et la remerciai de nouveau pour ses efforts. J’évoquai, ensuite, l’invitation de Ruben à une petite sauterie en ville. J’en profitai pour en discuter avec mes compères. Niels me lançait un regard suspect.
Isabel nous donna son feu vert. Nous pouvions rentrer à l’heure à laquelle nous souhaitions pourvu que nous puissions assumer le lendemain. Romain et Nicolas se montrèrent peu enthousiastes. Niels et moi irions donc rejoindre Ruben, et ses amis seuls.
– Tu sais pourquoi il t’a invité ?
Niels et moi nous trouvions dans la petite épicerie de la rue. Nous étions venus y acheter de l’alcool. Nous flânions à travers les rayons à la recherche de bière.
– Comment ça, rétorquai-je amusé, tu crois pas qu’il a pu simplement penser que j’avais l’air sympathique.
– Ouais, ouais.
Niels était blasé, et se traînait les mains dans les poches dans le magasin. J’étais parfaitement conscient qu’il était jaloux. Je me délectais de cette situation.
Je trouvai, enfin, les bières et choisis une bouteille au hasard. Je sentais que cette soirée allait être riche en péripéties. Je languissais d’en voir le dénouement.
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