Chapitre 22

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Hermann et Lise se rendirent à l’enterrement où la foule était impressionnante. Madame Mangin, ses filles et Guillaume Dugard suivirent le cercueil tête baissée, en entrant dans l’église. Clémence et son mari, l’un à côté de l’autre, étaient précédés de Camille et sa mère, qui se tenaient par le bras. Lise reconnut un nombre important de personnalités politiques locales et vit qu’une gerbe de fleurs avait été envoyée par le ministre de la Santé.

Hermann et Lise s’éclipsèrent cependant rapidement pour entendre Mylène Delannoy, la médecin généraliste qui avait la première porté plainte contre François Mangin.

Elle était assise dans le bureau d’Hermann lorsqu’ils arrivèrent. Sur la moquette neuve du bureau, Mylène Delannoy avait déposé une petite couverture jaune pâle, sur laquelle son bébé s'occupait à saisir, observer et lancer quelques jouets. De temps en temps, la petite tentait de ramper plus loin. Sa mère se penchait alors pour la remettre sur la couverture, ce qui semblait lui déplaire.

Lise avait appelé la jeune généraliste pour lui demander des précisions sur l’avocate qui l’avait contactée.

– Merci d’être venue, Mylène.

– Oh, je vous en prie, le pédiatre de Rose est juste à côté. Ça sera peut-être un peu bruyant, Rose est grognon.

Lise sourit, se pencha sur Rose et lui frotta doucement le ventre en lui disant bonjour. Elle se releva et tendit le bras vers Hermann.

– Je vous présente mon collègue, le Commandant Hermann Hempel.

Mylène sourit à Hermann et le salua d’un mouvement de tête. Elle s’assit et posa son sac à main sur ses genoux. À ses pieds, une grande besace laissait dépasser des couches, un biberon et des langes.

– Lors de notre premier entretien à votre domicile, reprit Lise, vous avez affirmé avoir été contactée par une avocate, au moment de la naissance de votre fille. C’est bien cela ?

– Oui, juste après la naissance de Rose, je crois. J’étais tellement débordée, je n’ai pas rappelé. Elles m’ont à nouveau appelées quelques semaines plus tard… mais avec un nourrisson, la vie est sens dessus dessous… surtout le premier !

– Vous n’avez donc pas donné suite non plus ?

– Non, affirma Mylène en se penchant vers son gros sac.

– Comment avez-vous été contactée, les deux fois ?

– La première fois, j’ai reçu un appel téléphonique.

Mylène avait saisi un biberon et un lange, qu’elle posa sur son épaule. Elle mélangea le lait en faisant rouler le biberon entre ses deux paumes tout en continuant à parler.

– Je me suis demandée comment elles avaient eu mon numéro. C’était mon numéro personnel, pas celui que j’utilise pour le cabinet. Je fais très attention à bien faire la différence. Comme je suis amenée à faire des visites à domicile, j’ai choisi d’avoir un téléphone exprès. La seconde fois, elles m’ont envoyé un email. Mon mail personnel, encore une fois.

– Qui a ces informations, dans votre entourage professionnel ?

La jeune femme prit sa fille dans les bras et commença à la nourrir.

– Peu de gens. Dans mon entourage professionnel, je donne mes coordonnées professionnelles. Mon père était médecin généraliste alors le mélange vie personnelle et professionnelle, j’en ai soupé ! Je cloisonne donc beaucoup.

– Peu de gens, c’est à dire ?

– Eh bien, certaines de mes amies sont également médecins, évidemment. Elles ont donc mon portable professionnel et personnel.

– Qui d’autre ?

– Je ne vois pas…

Rose s’agita. Elle ne voulait pas de son lait.

– Depuis quand avez-vous ce téléphone professionnel ?

– Depuis que j’exerce. Même avant ma thèse, quand je faisais des remplacements. Ça remonte donc à quelques années.

– La fac de médecine a vos coordonnées personnelles, je suppose.

– Ah oui, la fac et le CHU.

Mylène se leva, sa fille dans les bras.

– Très bien. Pouvez-vous nous parler de cet appel téléphonique ?

– Oui. Il faut que je change Rose, pouvez-vous la tenir quelques minutes ?

Mylène tendit sa fille à Hermann dont les sourcils se levèrent de surprise. Il saisit l’enfant et se mit à arpenter la pièce, en la berçant doucement. La différence de taille était quasi comique, mais Hermann ne paraissait pas mal à l’aise. Mylène s’agenouilla devant la petite couverture et prépara une couche, du coton et du liniment. Lise, qui était assise derrière le bureau, se leva.

– Vous ne voulez pas vous mettre sur la petite table ?

– Oh non, ne vous en faites pas, il n’y en a que pour quelques secondes.

Elle récupéra sa fille et commença à la changer. Lise regardait les gestes précis, doux, assurés. Agenouillée, Mylène continua la conversation.

– La femme s’est présentée comme une avocate qui travaillait sur le cas de Mangin. Elle m’a dit que je n’étais pas la seule a avoir été agressée par lui. Elle voulait me rencontrer. J’ai répondu que j’étais passée à autre chose, que je venais d’accoucher. Elle m’a affirmé qu’elle comprenait, m’a félicitée pour la naissance et a proposé de me recontacter plus tard.

– Vous vous souvenez de son nom ?

– Oui, il était dans le mail qu’elle m’a envoyée quelques semaines plus tard. Je l’ai imprimé.

Rose changée, Mylène se rassit, sa fille contre elle. D’une main, elle saisit un papier dans son sac et le tendit à Lise.

28 avril 2020 à 16:55

À : mylene delannoy <mylene.delannoy@protonmail.fr>

Madame,

Si vous souhaitez nous rencontrer suite à votre plainte à l’encontre du Professeur François Mangin, vous pouvez nous contacter via le formulaire de contact suivant : https://www.lysestrophaires/contact/

Vous n’êtes pas sa seule victime.

Lyse Strophaires

– Il n’y avait pas d’expéditeur ? demanda Lise

Mylène secoua négativement la tête tout en enveloppant sa fille dans une couverture. Rose était sur le point de s’endormir.

– Ça ne m’étonne pas, nous n’avons rien trouvé sur le site non plus, ajouta Hermann.

– Je ne suis pas allée voir le site, qu’est-ce que c’est ? s’enquit Mylène à voix basse.

Lise tourna son écran vers elle. Mylène observa quelques secondes et fronça les sourcils.

– Pourquoi ça me dit quelque chose ?

– Ce sont des harpies, des créatures mythologiques, expliqua Lise.

– Je suis certaine d’avoir déjà vu ce dessin quelque part.

Hermann se leva et chercha la photographie prise à La Saline. Il la tendit à Mylène Delannoy.

– Je suis vraiment navrée, je n’arrive pas à me souvenir où j’ai vu ce truc…

Rose qui s’était assoupie, commença à pleurer.

– Nous allons vous laisser rentrer chez vous, proposa Hermann. Prenez ma carte, si cela vous revient, rappelez nous.

Hermann tendit sa carte à Mylène. Elle avança le bras et s’arrêta soudain.

– Je sais ! Attendez, attendez !

Mylène se leva, déposa délicatement Rose dans son landau et la recouvrit de sa petite couverture. L’enfant se mit à hurler. Elle se saisit alors de son sac et fouilla dans son porte-cartes.

– Zut, elle n’est pas là. J’ai déjà vu cette euh… harpie, comme vous dites, sur une carte que m’a donnée une policière quand j’ai porté plainte. C’était une carte tout à fait classique sur laquelle elle avait ajouté un petit autocollant, au dos, avec cette image. La même que celle que vous venez de me montrer.

D’une main, Mylène berça sa fille, ce qui atténua temporairement les cris.

– Une policière ? Vous êtes sûre ?

– J’en suis presque sûre. Dès que je rentre, je cherche la carte, affirma-t-elle en prenant ses sacs.

Mylène enfila son manteau et esquissa une mimique d’excuse pour le bruit que faisait désormais Rose, hurlant à pleins poumons. Elle partit en promettant de vérifier immédiatement, une fois rentrée chez elle.

Lorsqu’elle fut sortie, Lise se tourna vers l’ordinateur et chercha la plainte déposée par Mylène Delannoy. Du doigt, elle désigna à Hermann le nom de l’agent de police judiciaire tout en prenant son téléphone. Elle était de repos et ne serait pas en service avant le lendemain.

Hermann et Lise se regardèrent en silence.

– Cette Lyse Strophaires devient de plus en plus intrigante.

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