Cause 10 : Pourquoi faut-il réfléchir avant de traiter les enfants de "morveux" ?

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C'est très simple, les amis.

Et si je vous proposais un bon bol de morve ? Pouah, me rétorquerez-vous ! Pourtant, il y a quelques décennies (1885 pour être exacte), de nombreux ouvriers mettaient les pieds sous la table après une dure journée à l'usine et, babines pourléchées, ventre grommeli-grommelant et serviette au col, ils ingurgitaient la mucine traditionnelle des Hauts de France servie avec amour par leur femme épuisée. Drôle de souper !

En voici la raison. En hiver, quand le prix du pain atteignait des sommets, les déjections nasales devenaient le premier aliment consommé par les classes les plus pauvres. Bourré de glycoprotéines et de sodium, le mucus proposait un repas certes dégoûtant, mais nourrissant. Bien sûr, le rhume et autres épidémies battaient leur plein, mais quel homme ne remplirait pas un ventre vide ?

Comme d'habitude, il ne fallut guère longtemps pour que les riches s'approprient la culture pauvre : trouvant ce met "délicieusement subversif", l'élite parisienne se mit à garnir ses plats de sauce mucine, en hiver comme en été. En quelques mois, la morve devint si huppée qu'elle remplaça même le sel dans la plupart des foyers bourgeois (quand on n'en proposait pas carrément une coupelle en guise d'apéritif lors des dîners mondains !)

Suite à sa popularité, la demande de mucus explosa : les grands patrons d'usines de mouchoirs décidèrent de repenser leurs chaînes de production, ce qui créa de nouvelles opportunités d'emplois. Désormais, les familles pauvres n'enverraient plus leurs enfants à l'usine ou à la mine. À la place, les mioches rejoindraient les grandes fermes à mucus, quitte à devoir s'enrhumer exprès à coup de chaud-froids (ou de froid-froids, pour les plus pauvres.) Heureusement, tout enfant a naturellement une incroyable propension à couler du nez : la plupart n'avait donc qu'à présenter leurs naseaux devant l'aspirateur sans maladification préalable. Cela inspira même un roman, Germinal, qui tire son nom des germes contenus dans les sécrétions nasales.

Ainsi, le morveux est une réalité historique grave qui témoigne, une fois de plus, de la lubie des riches qui trouvent ça cool de faire comme les pauvres.

Voilà. Vous savez maintenant pourquoi il faut réfléchir avant de traiter les enfants de "morveux", et je vous jure que c'est vrai. Parole de Causette !

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