Cause 11 : Pourquoi la photocopie tue-t-elle le livre ?

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C'est très simple, les amis.

Détective Causette, pour vous servir. Avec un peu de chance, un peu de lumière sera jetée sur cette sombre affaire de meurtre : je parle bien sûr du dossier Photocop' de 1998, récemment exhumé des tiroirs de l'Éduc Nat.

La victime : Manuel, De Français, 248 pages, cartonné avec légères traces de cornure. Le suspect : un paquet de feuilles, format paysage, agrafé en bas à droite avec retour sur bord long : bref, une belle tête de chieur qui avait disparu du radar.

Le crime s'est passé en salle photocopieuse. C'était pas beau à voir, de quoi rappeler l'Indochine ou la chambre de mon oncle Bernard... Peu importe, la victime montrait une marque de brûlure qui s'étendait d'un coin à l'autre, sûrement due à l'utilisation d'une arme à feu. Des morceaux de pages calcinées étaient coiffés d'un petit chiffre, une petite attention de la brigade d'enquête avant que je mette les pieds dans ce fourbi. Seulement, j'avais pas envie de souffler la bougie. Ça sentait déjà le brûlé.

Des témoins, il y en avait. L'agrafeuse, pour commencer. Elle avait eu une liaison avec le suspect potentiel. Ça n'avait duré qu'une seconde, juste assez pour qu'il emporte un souvenir inaltérable et douloureux, en bas à droite, la tête à l'envers. Encore une relation qui marque. L'autre témoin, c'était Massicot, un coupe-feuille aux larges épaules qui ne faisait pas vraiment dans la dentelle. Au début, il m'avait déjà l'air louche. Mais mes soupçons ont atteint des sommets quand j'ai réalisé qu'il bossait pour le suspect.

"Je ne fais que ce qu'on me demande, dit-il à l'interrogatoire. Je coupe. Mais jamais des bouquins entier."

Je décidai de fermer les yeux sur son petit trafic pour en savoir plus sur le suspect.

"Ouais, je le connais bien. En fait, tout juste sorti de la photocopieuse."

C'est là que j'ai compris. Retournant au poste, j'ai demandé à voir le médecin légiste qui m'a conduite aux frigos goût funérailles. Il a sorti le corps de Manuel et j'ai demandé à ce qu'il pratique une nouvelle autopsie sous mes yeux. Je ne fais jamais ça, d'ordinaire, mais j'ai pris une photo du cadavre ouvert avec toutes ses entrailles. J'ai tout de même cru m'évanouir quand j'ai vu son paragraphe à moitié déchiré. Mais c'était aussi lisible qu'un estomac de colombe.

Dans le bureau du Chef, j'ai réclamé qu'on placarde un avis de recherche avec le contenu du paragraphe imprimé dessus. J'avais affaire au plus gros plagiaire de ce siècle. Encore un qui n'avait pas payé les droits d'auteur. Seulement, il était passé à l'acte.

Quelques jours après, je reçois un signalement. Un type louche dans une station balnéaire de la Côte d'Émeraude. Ni une ni deux, je saute dans l'auto et je vais coincer le salaud. Bien sûr, il m'attendait, et bien accompagné. Je fis la connaissance de son ami M.16. Quand on a eu fini de se renvoyer la balle, je saignais un peu du bras gauche. Lui était immobilisé, touché en pleine agrafe.

"Tourne la page, amigo.

— Jamais ! Imaginez tout ce que mes gamins auraient pu apprendre sans avoir à payer ce fichu Manuel !"

Toute l'escouade a débarqué dans la chambre d'hôtel. Ça canardait. Bizarre, on n'avait pas annoncé de pluie.

Le suspect, ou devrais-je dire l'accusé, en a pris pour 18 ans, cocktail meurtro-plagiat. La victime, elle, est devenue une espèce de martyre. Des huiles de l'édition ont commencé une campagne de sensibilisation contre la reproduction illégale ; quelques temps après, des milliers de bouquins firent cause commune en se tatouant leur slogan sur le cul, muni du portrait de la victime scindée en deux par le flash d'un canon.

Voilà. Vous savez maintenant pourquoi la photocopie tue le livre, et je vous jure que c'est vrai. Parole de Causette !

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