Chapitre 3
« J’annonce désormais le dernier numéro. Il s’agit du numéro 426. Je répète, le numéro… ».
Le tirage venait de prendre fin. La combinaison était désormais complétée. Lucien relut la suite de nombres affichée à l’écran. Puis reprit, chiffre par chiffre le dernier numéro sorti, 4 - 2 - 6. Ces chiffres, tous ces chiffres, il les connaissait par cœur. Non pas qu’il les avait révisés avant le tirage, mais parce qu’ils étaient les siens. Cette suite correspondait à son identité numérique.
Lucien regarda un bref instant sa femme qui ne voulait pas y croire. Par réflexe, il retroussa ses manches. 426. c’était bien ses derniers chiffres. Il pouvait les relire sur son avant-bras ; ils y étaient tatoués, ainsi que le reste de la combinaison. Une marque qui faisait de lui un citoyen du pays.
Il baissa la manche. Redressa la tête et fixa Colette dans les yeux.
_ C’est… c’est bien moi, lui bredouilla-t-il.
Sa femme se jeta alors dans ses bras pour étouffer ses premières larmes et ils restèrent l’un contre l’autre un long moment, silencieux. Du poste de télé, le porte-parole dévoilait à tous l’identité du porteur des numéros tirés au sort.
« Les voies de la Providence ont nommé monsieur Lucien Pingault, électromécanicien chez T&D Group, résidant au 16 rue des Amandier, appartement 7. Félicitons haut et fort l’heureux élu ! ».
D’un coup, feux d’artifice et bouchons de champagne s’emparèrent du quartier. Tous fêtaient l’issue de ce tirage qui leur avait été favorable. Lucien, lui, n’était plus des leurs. Son nom résonnait dans les rues. Il était désormais un autre, touché du doigt par le hasard. Par cette nouvelle démocratie revendiquée par le peuple qui s’était soulevé pour que chaque citoyen et citoyenne ait une chance de gouverner. Ainsi, tous les trois ans, l’État Providence organisait une loterie nationale pour élire leur nouveau chef.
Tout semblait échapper à Lucien. L’inconnu lui tendait les bras. Il ne pouvait que l’accepter, car c’était là son devoir.
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