Ce garçon avait quelque chose de spécial. Je constatai que si je le connaissais intimement, j’ignorais tout de lui. Il n’était pas qu’un coup ! Professionnellement, il était parfait, intelligent, rapide, autonome. Si, au début, il avait paru très réservé, il s’était fait sa place, à l’aise avec tous, et avec toutes. Finalement, nous avions peu échangé, alors qu’il était évident qu’il recelait une grande richesse. Surtout, je n’arrivais pas à comprendre sa transformation totale, si rapidement.

Il se montrait à l’aise dans notre appartement, paraissant y avoir habité depuis toujours. Il regardait tout, me questionnait avec curiosité. Le faire parler fut facile, contrairement à notre première rencontre. Son histoire me parut stupéfiante.

Il me parla de sa famille, de son milieu. Comment pouvait-on vivre avec tant de principes, d'a priori ? Tout était figé, cadré, et la moindre déviance des règles déclenchait des réactions venimeuses. Il me rapporta des conversations de ses parents ahurissantes, où la charité prônée laissait place à des remarques hargneuses ou méprisantes, en n’épargnant personne.

Très jeune, à sept pu huit ans, un événement très désagréable, dont il ne souvenait plus, lui avait fait comprendre que ce n’était son monde, qu'il n’y appartiendrait jamais. Il était qualifié de bizarre, de différent, à tel point qu’il s’imagina être un enfant adopté. De plus, ne ressemblant à aucun parent ou grand-parent, il apparaissait comme une bête curieuse, pas forcément bien accueilli. Il se réfugiait dans le conte du Vilain petit canard.

Pour survivre, il se dissocia : une carapace de petit garçon sage à l’extérieur pour pouvoir vivre intérieurement. Ce n’était pas facile et chaque erreur, dévoilant sa véritable personne, se terminait en drame. Il renforça sa coquille.

Quand Fabien, son oncle, avait abusé de lui, il avait compris une des raisons de sa différence. Il avait alors commencé à s’accepter. Il reconnaissait maintenant que, s’il avait été forcé, se refusant encore aux mots d’abus ou de viol, cela avait été une grande découverte et il devait plutôt le remercier que le condamner.

Il avait continué ensuite, ne se livrant à personne, fuyant les amitiés dès qu’il sentait une porte s’ouvrir, craignant la chute de son masque. Il souffrait de cet enfermement permanent, qui le protégeait. Il s’était barricadé et n’osait plus se montrer.

Quand il me vit pour la première fois, il sut qu’à moi, il pourrait parler, interpellé par le petit bijou qui transperçait discrètement mon oreille, d’autant qu’il entendit très rapidement une confirmation de mon orientation. Son passé et son statut de stagiaire lui interdisaient toute ouverture ou avance. Devant ce paradoxe, il s’était encore plus verrouillé. Ma première approche l’avait terrorisé. Pourtant, il avait confiance en moi. Et puis soudain, ses défenses s’étaient effondrées. Soit il disparaissait, soit il jouait toute sa vie sur moi. Les restes de sa coquille empêchaient la première solution et il s’était agrippé à moi comme à une bouée. Il avait eu raison. Bien sûr, la confrontation de son intérieur, rêvé et protégé, ne collait pas avec la réalité, mais il s’était adapté, avec maladresse.

— Tu es un papillon, un magnifique papillon, qui vient d’éclore !

— Grâce à toi !

— Mais non ! j’ai eu le bonheur d’être ton déclencheur, simplement, mais c’est toi qui as tout fait !

— C’est toi qui m’as fait naitre !

— J’ai été largement récompensé ! Et maintenant ?

— Dès mon contrat signé, je les envoie chier ! À jamais !

— Pourquoi ?

— Je n’ai rien à voir ou à faire avec eux ! Si je leur dis qui je suis, ça va être le drame. Je ne veux pas vivre ça ! Je vais refermer la porte. S’ils tiennent à moi, ils devront venir à moi. Sinon, basta !

Il s’était enflammé, magnifique dans son élan. Il avait besoin d’une détente. Je choisis de lui apporter une autre sensation.

— On y retourne ?

Son immense sourire me répondit.

— Installe-toi confortablement, comme tu veux. Je veux seulement voir tes fesses.

Il ne me posa pas de question. Je saisis un des stimulateurs dans le tiroir de William, qui me donnait ainsi du plaisir, contrôlant finement son intensité. Il décidait de la durée, de la quantité, aimant me laisser frustré.

Arthur me regardait, tranquille, préparer l’objet. Je voulais qu’il sente à peine l’introduction. Il était sur le côté, les jambes pliées. Je posais la main sur la croupe et poussai la courbe. Je sus à son tressaillement que j’avais atteint son point. Le faire décoller fut un jeu d’enfant. À peine remis, je recommençai, infiniment plus lentement, l'agaçant par l’attente. L’effet fut multiplié, le faisant crier de joie.

— Encore ?

— Stop ! Tu vas me tuer ! C’est quoi ?

Je lui expliquai son anatomie interne et la raison des courbes et des renflements. Bien entendu, il voulut l’essayer sur moi, qui me prêtai avec bonheur à l’exercice.

— Vous en avez beaucoup, des comme ça ?

— Des tas ! Regarde dans le tiroir, choisi !

Comme par hasard, il choisit celui que je voulais lui proposer ensuite.

— On va manger ? Après, je te montrerai !

Pendant que nous mangions, il me dit son intention d’aller voir Fabien, son oncle violeur. Maintenant marié et père de deux jeunes enfants, il voulait lui demander ce qui avait déclenché son acte. En le poussant, il m’avoua son souhait de recommencer, pour effacer l’acte initial et le remplacer par un souvenir acceptable.

Ce fut difficile de lui faire abandonner cette idée, comme celle d’aller faire un scandale dans sa famille. Il ne savait plus comment gérer sa nouvelle personnalité dans son ancien monde, voulant autant le fuir, l’oublier, que s’en venger. Nous avions encore beaucoup à discuter.

Quand nous sommes revenus dans la chambre, il se saisit de l’espèce de matraque munie d’une poire, me demandant à quoi ça servait. Quelques pressions faisant gonfler l’objet, il rougit, n’osant demander un essai.

— Reprends ta position !

Il gémit à l’introduction, avant de me regarder en souriant.

— Vert !

La première pression l'étonna. Je continuai, laissant à ses tissus le temps de s’adapter à la dilatation. Il attendait le coup suivant, appréciant ce changement.

— Jusqu’où peut-on aller ?

— Avec ça ?

— Non, en général ?

— La main, le poignet. Il y en a qui vont plus loin… L’inconvénient est que le sphincter est abîmé !

— Une fois de temps en temps ?

— Non, il faut que le corps change. C’est irréversible !

— Oh ! Dommage ! Et avec ça ?

— On peut continuer. Mais je vais arrêter pour ne pas te déchirer.

— Je suis allé jusqu’à combien ?

— Il n’y a pas de mesure ! Mais tu peux accepter toutes les tailles que tu rencontreras.

— Super ! Tu m’avais dit que ta cage ne t’empêchait pas de me donner du plaisir…

— Regarde dans le tiroir, il y a plusieurs formes et plusieurs tailles. Je vais t’amuser avec ! À moins que tu ne préfères le stimulateur ?

La soirée passa à ces petits jeux, tandis que je le retenais en permanence à la limite de sa jouissance. Je sentais chacune des vibrations de son corps, chacune me transportant d’affection.

Il partit le lendemain dans l’après-midi. Son au revoir chaleureux me laissa tout chose.