17 - destin
William revint en début de soirée, l’air détendu. Il me demanda de lui raconter ma journée avec Arthur, touché par chaque détail.
Le soir, alors que je jouais d’une main avec son sexe tout doux et l’autre avec le piercing d’un de ses tétons, je remarquai
— C’est bizarre ! Arthur n’a pas eu un mot dessus, alors qu’il a joué avec les tiens et les miens. Sur tout le reste, nous avons entendu ses questions et ses commentaires !
— Quel adorable chien fou !
Un soir, William était revenu, les tétons gonflés, avec des deux mignonnes barrettes. J’avais dû attendre trop longtemps avant de pouvoir jouer avec. Il m’avait alors dit :
— Ça ne te tente pas !
— Absolument pas !
L’idée de toucher volontairement l’aspect de mon corps me révulsait. Ce qui peut paraitre paradoxal avec ma fierté, plus tard, d’afficher sur celui-ci la marque des coups reçus.
— Je crois que ce serait bien.
— Non ! Pas question !
— J’aimerais pouvoir te titiller. Ça me plairait beaucoup !
— Cela te ferait vraiment plaisir ?
— Oui !
Le lendemain, je revenais avec deux petits anneaux. Il ne s’agissait plus de moi, mais de satisfaire ses désirs. J’avais choisi juste, car il allait tirer dessus dans nos moments intenses. Cette impression d’arrachement multipliait les spasmes de jouissance.
Je changeai de sujet.
— Je ne connaissais pas ce code couleur.
— C’est habituel dans ce genre de pratiques !
— Pourquoi tu ne me l’as pas proposé ?
— Jérôme, je te connais mieux que toi-même ! L’aurais-tu utilisé ?
— Comment ça ?
— Tu te vois dire : « Orange ! » ?
— Certainement pas ! C’est toi qui fais ce que tu veux ! Ce n’est pas à moi de te le dire.
— Tu vois, avec toi c’est inutile.
— C’est vrai. Je suis à toi. Pour tout. Totalement ! Tu me fais tout ce dont tu as envie. Les miennes importent peu.
— Oui, c’est comme ça.
— Tu pourrais me tuer…
— Il n’en est pas encore question.
Ce simple mot me figea. J’entendais pour la première fois ce que je me refusais à admettre. Je ne savais pas s’il avait prononcé sciemment cette phrase ou si son inconscient avait voulu me dire la vérité.
Cela ne me choqua pas, et même m’apaisa. Mon destin m’était dévoilé et il ne m’étonnait pas. Je n’étais rien en dehors de William. Je n’existais que pour lui ! Et inversement, il n’y avait que pour lui que j’existais. Il était donc normal que je lui appartienne complètement.
Quelle avait été et qu’était mon existence ? Tout s’était dégradé depuis mon initiation par mon cousin. Forcément, nous avions recommencé, avec la gourmandise de la jeunesse. Nous avions été surpris et toute la culpabilité m’était tombé dessus, brouillant ma mère avec sa famille, fille célibataire ayant engendré un dégénéré, encore enfant, qui pervertissait les autres : elle m’avait défendu, telle une lionne, son petit.
Elle m’a accepté, et surtout elle m’a soutenu. Je lui parlais librement de mes aventures et, au début, elle m’incitait à inviter des camarades à la maison. Son accueil du garçon lui disait non seulement qu’elle savait ce que nous allions partager, mais aussi que cela allait être merveilleux. Nous étions très jeunes, sans expérience, maladroits. Cette bienveillance détendait mon amant d’une nuit, nous permettant de trouver du plaisir. Jusqu’à ce que je la quitte, ma chambre sera le seul lieu de mes actions. Chaque fois, elle trouvait une qualité à mon invité, me questionnant pour savoir si nous avions passé une « bonne nuit ».
Elle me donnait des conseils de protection et multiplia les marques de son affection. Aujourd’hui, je pense qu’elle était heureuse de savoir qu’aucune autre femme ne viendrait nous séparer.
Elle a vu que William allait la remplacer dans mon cœur. Elle ne l’a jamais aimé. D’autant qu’il venait d'un milieu ultrariche et qu’elle avait honte de notre modestie de moyens.
Depuis sa retraite, elle s’était repliée et n’avait plus gout à rien. Je sentais qu’elle allait quitter assez vite devenue sans intérêt, sans son travail et sans l’exclusivité de son fils. Cela me chagrinait, un peu.
J’avais réussi mes études, j’étais apprécié dans mon travail et par mes collègues, mais je me savais facilement remplaçable. Je m’étais fait des amis et amies, mais ces relations s’étiolaient plus rapidement qu’elles apparaissaient. Si je disparaissais, leur peine serait de courte durée.
Mon existence n’avait de l’importance que pour une seule personne. Et moi, mon existence n’avait de sens que pour cette personne. Que je lui fasse don de mon corps, de mon cœur et de ma vie était naturel.
— Jérôme, pourquoi tu t’es arrêté ? Je suis tout mou !
Je réactivais sa passion pour moi, je savais si bien faire et si bien en profiter !
Je m’abandonnais à ses élans, voulant lui réaffirmer mon don total.
Une fois notre étreinte consommée , je repris, certain d’un refus violent de réponse, assorti de son mépris hautain quand il me rabrouait :
— William, que fais-tu au club ? Pourquoi tu ne veux pas que je le sache ? Pourquoi ne veux-tu pas me l’accorder ?
— Je suis le maitre de la vie ! De leur vie !
Heureux de son ouverture, j’écoutais avidement.
— C’est comme le jeu du foulard ! Quand le cerveau est privé de sang, il disjoncte et tu entres dans un état second. Autrement plus fort que toutes les drogues ! Mon savoir est d’arrêter au bon moment, pour qu’ils reviennent du voyage avec le maximum de sensations et de souvenirs, sans accident. Cela fait cinq ans et je n’ai jamais eu d’alerte. Pourtant, j’ai eu des centaines de clients, dont des vieux.
— Tu l’as subi ?
— T’es fou ? Je n’ai pas besoin de ça !
— Et pourquoi ne veux-tu pas me le faire ?
— Jérôme, avec toi, je ne suis pas sûr de vouloir relâcher le lacet quand tu seras parti.
Un frisson me parcourut.
— J’ai encore besoin de toi…
Le même mot utilisé pour m’annoncer d’abord ma mort, puis ma vie.
— Je comprends, William. Je t’aime.
Ce soir-là, la sourde angoisse qui me rongeait et grossissait disparut à jamais. Quoiqu’il arrive, je serai avec William, jusqu’à ma fin. Qu'elle soit paisible ou horrible n’avait aucune importance, pas plus que son échéance, demain ou dans des dizaines d’années, puisqu’elle serait avec, et pour William.
J’avais toujours eu l’impression d’avoir signé un pacte lors de notre rencontre. C’était la plus belle chose que j’avais faite. J’appartenais entièrement à William et il le savait.
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