Chapitre 10 (première partie)

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La plaine des Flandres, février 1734

Nous avions engagé le combat depuis deux heures environ, à peine une aube froide s'était-elle levée. Un vent venu du nord apportait par moments des bourrasques glaciales qui nous coupaient la respiration. Kyle et moi-même avions plus l'habitude que certains de nos camarades des rudes conditions de vie qu'apportaient l'hiver et nous avions été envoyés en éclaireurs par notre capitaine, suite à une demande du commandant en chef, pour observer les mouvements de l'armée adverse.

Nous remplîmes notre mission au mieux, puis, avant d'être découverts, nous rebroussâmes soigneusement chemin et nous empressâmes de rendre compte de nos observations à nos chefs. Lorsque nous eûmes regagné nos lignes, notre capitaine nous conduisit aussitôt au commandement. Devant une grande tente, une table avait été dressée et une carte du champ de bataille y était déroulée. Les différents chefs suivaient au mieux le combat, d'après ce qu'on leur en rapportait.

Nous devançant, François du Breuil dit :

- Mon général, mes hommes ont à vous faire part de certaines informations. Comme vous me l'aviez demandé, je les ai envoyés observer le flanc gauche de l'ennemi. Il se pourrait qu'une ouverture s'y dégage.

Le général nous fixa tous les deux et nous convia à lui exposer nos observations et remarques. Kyle parla le premier, puis, un peu exalté, je fis quelques remarques quant à une stratégie possible. Le général m'écouta avec attention.

- Soldat ! Si ce que vous me rapportez est exact, votre proposition d'attaque est en effet intéressante. Capitaine, vous allez prendre vos hommes et tenter cette percée, qui pourrait les gêner considérablement si toutefois vous parveniez à semer le trouble dans leurs rangs. Harcelez-les autant que possible afin que nous puissions reprendre l'avantage au centre et sur notre gauche !

Nous saluâmes, puis quittâmes les lieux promptement, suivant notre capitaine. Très vite, nos camarades furent en alerte et, les précédant, nous les menâmes vers la trouée que nous avions repérée dans les fourrés. L'armée adverse s'était un peu plus avancée encore que lorsque nous avions effectué notre repérage, Kyle et moi, et cela ne faisait que rendre les choses plus simples pour nous, finalement.

Nous leur tombâmes dessus par surprise, pour les prendre à revers. Le but était simplement de créer une diversion, puis de nous replier. Tout se passa pour le mieux, jusqu'à ce que je voie tomber un homme sur le côté. C'était un des nôtres et je ne me voyais pas le laisser là. Je criai à Kyle que je savais proche de moi :

- Couvre-moi !

Et sans attendre sa réponse, je donnai quelques vigoureux coups d'épée aux soldats qui se trouvaient devant moi, puis attrapai l'homme à terre, le jetai vivement sur mon épaule et reculai alors que Kyle assurait notre départ.

Notre petite troupe se replia très vite, comme prévu. Et ce ne fut qu'une fois parvenus à un abri relatif que je déposai à terre l'homme que j'avais secouru. C'était mon capitaine.

Et il était sérieusement blessé.

**

- Soldat MacLeod !

- A vos ordres, mon général !

Je fis le salut, puis attendis la suite.

- Vous avez fait preuve de bravoure aujourd'hui sur le champ de bataille. Je tenais à vous féliciter personnellement pour vos initiatives et pour avoir bravé la mort pour sauver votre capitaine.

- Comment va-t-il ?

- Il est entre de bonnes mains. Il devrait survivre.

- Vous m'en voyez soulagé, mon général.

- Compte tenu de la situation, je manque d'officiers et vous allez le remplacer pour les jours à venir.

- Je suis très honoré, mon général…

- Bien, maintenant, allez vous occuper de votre troupe ! Nous tiendrons un nouveau conseil ce soir.

Je regagnai nos tentes, un peu plus loin sur la colline, alors que la nuit froide m'enveloppait. Je n'eus aucun mal à retrouver tous mes camarades. Au cours de notre percée, deux avaient été blessés, plus légèrement que le capitaine, et ils étaient déjà de retour parmi nous. Je les mis rapidement au courant des nouvelles. Kyle me jeta un regard admiratif et les autres me félicitèrent pour cette promotion qu'ils jugeaient eux aussi bien méritée. Je doutais quand même de pouvoir les mener aussi bien au combat que ne le faisait François du Breuil.

**

Trois mois passèrent ainsi, durant lesquels l'armée française continua le combat. Finalement, au printemps, nous remportâmes une victoire essentielle. Nous allions pouvoir songer à autre chose. Kyle envisageait de servir encore quelques mois, quant à moi, je voulais rentrer en Ecosse. Il me semblait qu'avoir passé plus de quatre ans ici était suffisant pour m'être fait oublier des Campbell et que mon oncle me trouverait suffisamment mature désormais pour pouvoir m'occuper de nos terres d'Inverie.

Avant de partir cependant, je voulus rendre une dernière visite à mon capitaine. Il était encore convalescent, dans un monastère du nord de la France. Je fis donc le voyage en quelques jours. Il fut très heureux de me revoir, ne s'attendant pas à cette visite.

- Kyrian ! Quelle bonne surprise !

- Capitaine, je suis heureux de vous voir en bien meilleure santé que la dernière fois…

- Je te dois une fière chandelle, mais point de capitaine entre nous, maintenant… Appelle-moi François, d'autant que j'ai entendu dire que tu avais pris du grade. Nous sommes donc à égalité…

Je souris simplement et pris place sur une chaise, à côté de son lit. Il avait été installé dans une petite chambre monacale, aux murs blancs, dont la fenêtre donnait sur le cloître. Le lieu était serein et propre à assurer une convalescence paisible.

- Vois-tu, je me remets doucement et j'ai bon espoir de pouvoir quitter ce lieu d'ici peu. Je peux déjà me lever chaque jour et faire quelques pas, un peu plus à chaque fois.

- Ce sont de bonnes nouvelles.

- Parle-moi de vous tous.

Je lui fis alors le récit le plus complet possible, donnant des nouvelles de tous nos camarades. Il était toujours aussi soucieux de nous. Je me fis plusieurs fois la réflexion que j'avais vraiment été chanceux d'avoir servi sous ses ordres. Après un bon moment de discussion, il m'invita à l'accompagner pour sa petite promenade du soir, avant que je ne reparte de mon côté. Alors que nous entamions le trajet du retour jusqu'à sa chambre, il me fit soudain une proposition imprévue :

- Es-tu pressé de rentrer chez toi ?

- Ma foi, j'aimerais autant traverser la Manche à la belle saison…

Il rit de ma remarque, car Kyle n'avait pas manqué, à chaque fois que nous devions franchir une rivière, de rappeler combien je pouvais être malade sur l'eau.

- Pardonne-moi de rire, je ne suis pas charitable. Non, je me disais donc que si tu avais du temps devant toi, pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas jusque chez moi ? Je suis certain que mes parents et ma sœur seraient ravis de saluer mon sauveur…

Je fis le modeste, mais il m'interrompit :

- Et puis, arguer que je ne voyagerais pas seul me permettrait peut-être de quitter les moines un peu plus tôt…

Ce dernier argument l'emporta bien plus dans ma décision que le précédent… Et ce fut ainsi que nous nous retrouvâmes, deux semaines plus tard, à chevaucher tranquillement en direction du centre de la France, dans cette région qu'on appelait le Val de France.

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