L'après-midi était déjà bien avancé lorsque nous nous engageâmes dans l'allée menant au château. Le voyage avait été assez long, car nous ne faisions que de courtes étapes, surtout au début, pour que François ne fatiguât pas trop et puisse finir sa guérison. Mais je le sentais heureux de remonter à cheval, de se retrouver au grand air. Sans doute que la perspective de revoir les siens lui mettait aussi le sourire au visage.

Avant même d'arriver, j'avais déjà une bonne connaissance de sa famille et de son lieu de vie. François était désormais démobilisé et ne repartirait plus se battre. Il était grand temps pour lui aussi de prendre les rênes du domaine familial, même si son père était encore bien vaillant. Finalement, nous nous retrouvions l'un et l'autre dans une situation assez similaire et cela nous rapprocha encore. La relation que nous entretenions désormais était purement amicale et n'avait plus rien de la hiérarchie militaire d'il y a encore quelques mois.

Il m'avait aussi confié combien les lettres régulières de sa sœur et de ses parents avaient été parfois sa seule perspective d'échapper à l'ennui. Et, au cours de cette dernière journée de voyage, je le sentis vraiment impatient de les retrouver : je pouvais le comprendre. Quand il évoquait Héloïse, je pensais bien souvent moi aussi à Jennie et il me tardait tout autant de revoir les miens, d'avoir des nouvelles de mon oncle et de ma tante, de mes cousins, d'Hugues, d'Alex… et de tous les autres.

Nous venions de franchir la haute grille d'entrée du domaine et remontions tranquillement l'allée qui menait au château. Ce que je voyais était conforme à ce qu'il m'en avait décrit. Le vaste parc, le bois attenant, les beaux jardins. C'était une propriété magnifique et j'étais vraiment impressionné. Je me doutais bien que la famille de François était très aisée et qu'il était de noble lignage. Même si j'appartenais à l'un des plus anciens clans d'Ecosse, je me sentais peu de chose par rapport à lui. Mais je ne lui fis pas part de mes réflexions, car il était tout à son enthousiasme du retour.

Nous descendîmes de cheval juste avant d'arriver dans la cour devant le château. C'était un magnifique bâtiment de pierres blanches, tout en longueur, de deux étages. Les écuries se trouvaient sur le côté et c'étaient, elles aussi, un beau bâtiment, ce qui laissait sous-entendre tout le soin que Monsieur du Breuil prenait de ses chevaux.

A peine avions-nous mis pied à terre, je n'avais pas encore eu le temps de me retourner et de reposer les rênes sur l'encolure de mon cheval, que j'entendis une course dont le bruit sonna un peu particulièrement à mon oreille et un grand cri :

- François !

Je passai sous l'encolure de mon cheval et alors, je la vis.

Héloïse.

**

Un instant, mais un instant seulement, je crus follement que c'était vers moi qu'elle courait ainsi. Mais elle n'avait d'yeux que pour son frère chéri. Elle lui sauta au cou avant qu'il ait eu le temps de dire le moindre mot et il la serra fort contre lui.

- Enfin, te voilà ! Nous étions si impatients !

- Moi aussi, Héloïse ! Ah que c'est bon d'être de retour à la maison ! Mais…

A cet instant, il la reposa au sol. Je compris qu'il allait me présenter et je repris ma respiration que j'avais retenue quelques secondes, tout en me redressant bien droit.

- Héloïse, laisse-moi te présenter celui à qui je dois la vie, le capitaine Kyrian MacLeod.

Je vis alors un charmant visage se tourner vers moi, entouré de souples cheveux noirs, et deux grands yeux d'un bleu profond me fixer avec reconnaissance. Je crus bien me noyer dans ce regard, encore plus que dans la mer houleuse de ma traversée.