II - La salle aux miroirs

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Tu tournes la page, et l'univers s'ouvre devant toi. Te voilà transporté dans une salle aux miroirs, où chaque reflet semble te dévoiler une vérité nouvelle. Ton image se multiplie, se transforme, te dévoilant à toi-même. Le silence est absolu, et tu te tiens là, captivé, anticipant, ressentant une métamorphose intérieure. Tout est prêt, le voyage n'en est qu'à son commencement.

Debout dans la pénombre vacillante de chandelles dispersées, les jeux de lumière créent un ballet mystérieux dans tes yeux, un jeu d'apparition et de disparition, une danse de vérité et d'illusion. Et là, Jalil apparaît, son être diffusé dans chaque glace, chaque reflet révélant un aspect différent de lui, de toi, de cette cruelle trahison.

"Regarde-nous," murmure-t-il, les mots prenant vie sur la page, comme s'il était là, épaule contre épaule avec toi. "Regarde ce que tu as fait. La vengeance était ton désir, et tu l'as obtenue. Mais à quel prix?"

Ton regard plonge dans le miroir central, et l'impact de la trahison te coupe comme une épée affûtée. Tu vois Jalil, le complice de ta jeunesse, celui avec qui tu partageais ton intimité, tes joies, tes appréhensions. Tu le vois te livrer son cœur, son amitié, sa confiance. Et tu te vois briser ce lien sacré.

L'instant se métamorphose, et tu es ramené à ce jour décisif, à Casablanca. Jalil avait découvert un secret, une révélation qui aurait pu te sauver, te redonner la liberté. Mais tu as choisi la trahison. Pour Jalil, tu étais un obstacle sur la route de ta vengeance. Et tu as choisi de le briser.

Les scènes de la trahison te reviennent dans une lucidité implacable. Tu as trompé, tu as manigancé, tu as mené Jalil vers sa perte. Dans une ruelle obscure, tu l'as vu être agressé, tu l'as vu chuter, tu l'as vu périr. Tout ça au nom de ta vengeance.

Les paroles de Jalil résonnent à nouveau: "Tu as pris mon existence pour assouvir ta haine. Tu m'as sacrifié comme si je n'étais rien. Ce que tu vois dans le miroir, c'est nous, c'est la trahison. Mais pourquoi ? Quelle était la raison ?"

Les miroirs changent, et tu te perds dans un maelström de mémoires, de réalités, de révélations. Les mots de Jalil t'orientent, te confrontent, te caressent et te lacèrent. Casablanca, dépouillée de tout cliché, s'éveille vibrante et sincère. La trahison te dévore, te poursuit, et tu perçois enfin l'ampleur de tes actes.

Jalil conclut: "La vengeance t'a tout arraché, y compris moi. Mais elle ne t'a rien offert. Regarde-toi dans le miroir, contemple-toi sincèrement. Qui es-tu désormais ? Qui suis-je à tes yeux ? Peux-tu te pardonner ?"

Les mots de Jalil t'entourent, t'enlacent, et les souvenirs affluent, te replongeant dans l'effervescence de la rue, l'odeur saline de la mer en harmonie avec les parfums d'épices fraîches et les ronflements mécaniques de la Casablanca moderne. Jalil, alors enfant, te saisit le bras, son sourire naïf et espiègle te donnant confiance.

"La vitrine de notre enfance... Tu te rappelles ?" murmure-t-il, sa voix douce comme une caresse du vent. "Nous nous y arrêtions, tous les jours, au retour de l'école. Nous étions si jeunes, mais cette vitrine était bien plus qu'un simple morceau de verre."

Il te montre la montre. Sans prétention, ni valeur apparente. Mais là, isolée, elle est le témoin muet de vos liens naissants. Elle vous regardait vous contempler, reflet presque parfait de votre entente.

"Notre miroir, notre univers", insiste Jalil. "Nous y partagions tout, les rêves, les peurs, nos avenirs. Nous étions fusionnels, presque frères."

Un noeud se forme dans ta gorge, le présent s'imbriquant dans les souvenirs passés. Jalil le ressent et ses yeux, profonds comme l'océan, se posent sur toi.

"Tu te demandes le sens de mes paroles, n'est-ce pas ?" interroge-t-il, la tristesse en écho. "C'est ici que tout a commencé. Notre amitié, notre trahison, ta quête de vengeance. Tout est lié à cette vitrine, à cette montre, à nous."

Un silence, puis : "Notre philosophie d'enfants était simple. Nous étions l'un pour l'autre. Rien ne pouvait nous séparer, pensions-nous. Mais la vie aime déjouer les plans."

La rue s'estompe. Tu es seul avec Jalil, la montre, ton reflet dans la vitrine. Le temps est en suspens. Ce n'est plus une nostalgie, c'est un voyage en toi, en ce que tu étais, en ce que tu es.

"La vengeance est un miroir", reprend Jalil. "Elle révèle notre moi intime, désirs et peurs. Comme un miroir, elle peut se briser. Et nous blesser."

Ses yeux sondent ton âme. "Il est peut-être temps de regarder au-delà, de comprendre ce qui s'est réellement passé. Alors tu trouveras la paix."

La vitrine s'embue, la montre s'évanouit, et tu tournes la page, le coeur alourdi. Le voyage avec Jalil n'est pas terminé. Quelque part dans ces pages se cache la clé de ta rédemption. La prochaine page s'ouvre, pleine de mystères, de souffrances, de vérités. Es-tu prêt ? Je sais que tu l'es. Tournons la page ensemble.

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