Rien que le vide et la douleur !
Je n'ai aucune idée du temps qu'il vient de s'écouler. Je suis toujours là, à genoux dans l'entrée. Je ne pleure plus, je n'ai plus rien à pleurer. J'ai essayé de le retenir, mais je n'ai pas réussi à trouver les mots, avant qu'il ne disparaisse. Je l'ai appelé des dizaines de fois, mais il ne m'a jamais répondu. Pas une fois. Alors je fais ce que je sais faire de mieux, je lui envoie une chanson. Je finis par me lever, je dois partir d'ici, mais pour aller où ? Tout est fini, je savais que ça arriverait mais putain, pas comme ça, pas si vite. Toute cette colère dans ses yeux, tout ce désespoir, c'est moi et moi seule qui lui ai causé. Je l'aime plus que tout au monde et je fais le serment que plus jamais, je n'ouvrirai mon cœur à qui que ce soit d'autre.
Personne ne pourra le remplacer,
Personne ne pourra être à sa hauteur,
Personne ne pourra plus jamais me sauver.
Je lui ai tout donné, mon corps, mon cœur et mon âme, il ne me reste,
Plus rien à quoi me raccrocher,
Plus rien pour ne pas sombrer,
Plus rien pour ne pas me noyer.
Il était ma bouée de sauvetage, mon cordon de survie et il n'est plus là. Aujourd'hui, je ne sais pas comment je vais pouvoir continuer à avancer sans lui. Je crois que je suis résignée en fait, tout ça n'est pas pour moi. Je n'ai pas le droit d'être heureuse, je n'apporte que le malheur partout où je passe et je vais devoir vivre avec ça... Ou pas !
Mon sac à la main, je franchis les portes de l'ascenseur. Je passe devant Alfred, mais je ne sais pas quoi lui dire, alors je ne dis rien et sors sur le trottoir, toute seule avec moi-même. Je marche, il fait nuit, seuls les lampadaires apportent une clarté dans le néant. Je marche, je ne sais pas où je suis, mais je m'en fous, il fait bon cette nuit, ça fait du bien. Je déambule de rue en rue, juste comme ça, juste pour le plaisir, parce que je ne sais pas où aller, mais je m'en fiche. Je me sens légère, j'ai l'impression de flotter dans l'air, c'est une sensation agréable, je me sens bien, même très bien.
Je commence à être fatiguée, je voudrais juste pouvoir m'allonger un petit moment, pas longtemps, juste un petit peu pour me reposer. Je m'assois sur les marches d'un perron, ça soulage. Je regarde mes pieds et je vois que je n'ai pas de chaussures. C'est drôle ça, comment j'ai fait pour ne pas le remarquer avant. Quelle gourde je suis d'être sortie pieds nus. Quand j'étais petite, je marchais toujours comme ça et ma mère devenait folle. Oh maman... Et si j'allais voir papa et maman, ben oui. Il me suffit de rentrer à la maison et ils pourront s'occuper de moi, comme quand j'étais petite. Maman me fera des biscuits, ou des crêpes, hum des crêpes avec du sucre, mes préférées. Papa lui, me lira des histoires avant de me border dans mon lit, il faut juste que je me souvienne comment on y va, je ne me rappelle pas de la route.
Je suis tellement fatiguée...
Il y a quelqu'un qui m'appelle, mais je ne sais pas qui c'est, c'est un monsieur, je crois. Il est tout flou devant moi, c'est peut-être un ange, je suis peut-être au paradis. Non ce n’est pas possible, les vilaines petites filles ne vont pas au paradis, elles vont brûler en enfer, c'est ce que disait toujours monsieur le curé, il me faisait peur. L'homme me prend dans ses bras, mais je ne panique pas, pas du tout, je ne sais pas pourquoi mais c'est comme ça. Je le connais j'en suis sûre et il est gentil avec moi.
Je suis tellement fatiguée...
Le monsieur me pose, je ne sais pas trop où, mais je suis bien, c'est tout moelleux et confortable. Il me parle, je l'entends mais je n'arrive pas à lui répondre et je ne sais toujours pas qui c'est. Mais il me connaît, il n'arrête pas de m'appeler par mon prénom. Il part me laissant toute seule, voilà encore quelqu'un qui m'abandonne, mais ce n’est pas grave. Je n'ai besoin de personne, en fait, je suis bien toute seule, c'est agréable.
Je suis tellement fatiguée...
Jour 1 de l'après.
Il fait jour maintenant, je suis assise sur un lit, seule. Le monsieur est venu plusieurs fois me voir quand il faisait encore nuit. Il m'a appelée, mais je n'ai pas réussi à lui répondre. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à parler. Je regarde autour de moi, c'est joli ici, les murs me semblent beiges, mais je n'en suis pas sûre parce que les rideaux sont tirés. Ça empêche la lumière de rentrer complètement à l'intérieur. Maman faisait ça aussi, quand j'étais malade, mais là je ne suis pas malade, je vais bien, je vais aller les ouvrir moi-même...
Pourquoi je n'arrive pas à bouger ? Pourquoi mon corps refuse de m'obéir, c'est bizarre. J'entends du bruit et quelqu'un rentre. Il approche son visage du mien et c'est là que je le reconnais, maintenant qu'il fait jour. C'est Pédro, mais je me demande bien ce qu'il fait là. Il me parle mais je ne comprends pas ce qu'il me dit, il me tend un verre, est-ce que j'ai soif ? Non je ne crois pas, je regarde le liquide bouger à l'intérieur, c'est apaisant.
Il revient plusieurs fois avec le verre et une assiette, mais je n'ai pas faim non plus, je ne veux rien. Je n'ai plus besoin de rien, à part de lui, mais il n'est plus là. Il est parti, il m’a abandonnée, il m’a laissée toute seule. Il fait nuit maintenant, Pedro a allumé une petite lumière dans la chambre, elle est jolie aussi, je la regarde.
Je suis tellement fatiguée...
Jour 2 de l'après.
Le soleil est revenu dans la chambre et je suis toujours là, je n'ai pas bougé. Oui, je crois que les murs sont beiges. Je vois une commode en bois en face de moi et des cadres photos dessus. J'aimerais pouvoir m'approcher, j'aime bien regarder les photos, mais je n'aime pas qu’on en prenne de moi. Je suis toujours moche dessus, c'est ce que Scott n'arrête pas de dire et ça énerve toujours maman. Pedro revient, il m'appelle.
- Cassandra, Cassie.
Je l'entends bien maintenant, mais je n'arrive toujours pas à lui répondre. Les mots sont tous là dans ma tête, mais je n'arrive pas à les prononcer et je ne sais pas pourquoi. Il a toujours ce verre d'eau et cette assiette dans la main, mais non, je n'en veux pas. Je mangerai plus tard, je n'ai pas faim.
- Cassie il faut que tu manges, je ne sais pas quoi faire de toi moi, il faut que tu m'aides là !
Il est gentil Pédro, il a toujours été gentil avec moi. J'aimerais pouvoir lui faire plaisir, mais je ne peux pas. Je n'arrive pas à lui faire comprendre que je n'ai plus besoin de rien, j'avais juste besoin de lui. Mais il n'est plus là, il est parti, il m’a abandonnée, il m’a laissée toute seule. Il fait nuit maintenant, mais il y a toujours cette jolie petite lumière dans la chambre.
Je suis tellement fatiguée...
Jour 3 de l'après.
Il fait enfin jour, je n’aime pas la nuit, y'a plein de vilaines choses la nuit. Des monstres qui sortent des placards pour nous faire peur. Des vilains cauchemars qui me font crier, pourtant tous les soirs papa vérifie sous mon lit et il ne trouve jamais rien. J'ai toujours pensé qu'il devait y avoir une trappe secrète, qui donnait directement dans ma chambre.
Pédro est là, toujours avec son verre et son assiette, il est rigolo habillé comme ça, il me fait penser à un nounours. C'est gentil les nounours, ça fait des câlins, je voudrais lui faire un câlin, mais je n'arrive pas à bouger, mais ce n’est pas grave.
- Cassandra, je vais te laisser un peu toute seule, tu veux bien ?
Je le regarde, il a l'air épuisé, lui aussi et triste, pourquoi il est triste ? C'est moi qui dois le rendre comme ça, je rends tout le monde malheureux. Je fais toujours du mal aux gens que j'aime, mais je ne sais pas pourquoi. Il baisse la tête et m'embrasse sur le front, c'est gentil ça, pourquoi est-ce qu'il est aussi gentil, alors que moi je suis méchante ? Il s'en va.
Je regarde la chambre avec les murs beiges, la commode et les photos en face de moi. Je n'avais pas fait attention mais il y a aussi un cadre. On dirait l'océan, c'est joli aussi, ça me rappelle des choses. Non je ne dois pas penser à ça, il ne faut pas.
J'entends du bruit, ce doit être Pédro, il entre mais il n'est pas seul. Je reconnais ce visage devant moi, c'est mon Nico, mon meilleur ami. Enfin, avant parce qu'à lui aussi j'ai fait du mal, beaucoup de mal. Il me sourit, il est gentil lui aussi, beaucoup trop.
- Oh chérie, ça fait des jours que je te cherche, ça va ? Je vais te ramener à la maison.
Je voudrais lui dire que je n'ai plus de maison, mais je n'y arrive toujours pas, tout est coincé dans ma gorge. Ils se regardent tous les deux.
- Elle n'a pas prononcé un mot depuis que je l'ai trouvée. Elle n'a ni bu, ni mangé et je ne suis même pas sûr qu'elle ait dormi.
- C'est toi qui l’as changée ?
- Non je l'ai trouvée comme ça sur les marches d'un perron en plein centre-ville. Elle a eu de la chance.
Oh la la, mais qu'est-ce qu'ils peuvent faire comme bruit. Ils me donnent mal à la tête. Alors je me tourne de l'autre côté pour ne plus les voir, ni les entendre. J'ai réussi à bouger, je suis contente.
- Chérie, je vais te soulever maintenant d’accord ?
Je hoche la tête et il m'enveloppe dans une couverture. Il fait chaud là-dedans, beaucoup trop chaud, je vais mourir. Je voudrais lui dire que je n'ai plus besoin de rien. J'avais juste besoin de lui, mais il n'est plus là, il est parti, il m’a abandonnée. Il m’a laissée toute seule et il a eu raison parce que je suis méchante. Il fait encore nuit dehors.
Je suis tellement fatiguée...
Jour 4 de l'après.
J'ouvre les yeux, il fait jour, j'ai chaud, beaucoup trop chaud. Nico me tient dans ses bras, il me donne chaud. J'essaie de le pousser mais, je n'y arrive pas, il est trop lourd, alors je le secoue aussi fort que je peux. Ses yeux papillonnent, il se redresse.
- Chérie, ça va ?
Est-ce que ça va ? Oui je crois, oui je vais bien, pourquoi il n’entend pas ce que je lui dis ? Il me regarde vraiment bizarrement, il soupire et se lève. Je suis seule, je regarde autour de moi, je suis dans ma chambre. Celle de mon appartement, mais elle est vide, il n'y a plus rien, je ne suis plus chez moi ici, je suis partie. Il revient avec une tasse.
- Tiens, bois ça s'il te plait !
Il me la tend et je la prends, c'est du café, je reconnais l'odeur, j'aime le café, ça sent bon. Je goûte, c'est chaud, trop chaud, alors je la pose sur la table de nuit et je me lève. Je vais sur le canapé et j'allume la télé, c'est bien la télé ça fait passer le temps. J'ai l'impression que j'ai quelque chose à faire, mais je ne me souviens pas ce que c'est. Tant pis ce n’est pas grave. Nico me donne un bain, il trouve qu'il est temps parce que je ne sens pas bon, moi je ne trouve pas, mais je le laisse faire, de toute façon, je n'ai pas la force de dire non. Il fait nuit, je m'allonge à côté de lui et je ne sais pas pourquoi mais je pleure. Il y a longtemps que je n'avais pas pleuré, alors il me prend dans ses bras et me berce. Je pleure toujours lorsque je m'endors, je le pleure lui parce qu’il n'est plus là, il est parti, il m’a abandonnée, il m’a laissée toute seule.
Je suis tellement fatiguée...
Jour 5 de l'après.
J'ouvre les yeux et c'est là que je la sens, cette douleur atroce qui me serre le cœur, cette douleur qui m'empêche de respirer, qui me fait suffoquer. J'ai beau ouvrir la bouche, rien ne veut sortir ni rentrer, je manque d'air, je m'agite dans tous les sens. Nico m'attrape par les épaules et me secoue, mais impossible, je ne peux pas, je voudrais juste que cette douleur s'arrête. Je voudrais juste ne plus rien ressentir, comme avant... Je voudrais mourir, enfin je crois que c'est ce que je veux, mais je n'en suis pas sûre, je ne suis sûre de rien en fait.
J'ai froid, j'ai tellement froid, pourquoi est-ce qu'il fait si froid ici, je ne comprends pas. Je bouge dans tous les sens pour essayer de me réchauffer mais je n'y arrive pas, quelque chose m'en empêche, on me serre fort. Et c'est là que j'entends sa voix, je ne comprends pas bien ce qu'il me demande, tout ce que je sais, c'est que j'ai froid. Pourquoi il fait si froid ici ? y'a quelque chose qui coule sur ma tête, c'est froid très froid. Je reçois une gifle et je ne sais pas pourquoi, mais ça me réveille, je cligne des yeux, c'est tout blanc ici.
Ça y est je respire, j'arrive enfin à respirer, c'est facile en fait, inspiré, expiré, inspiré, expiré, je me rappelle c'est le docteur qui disait de faire ça. Le docteur pour la tête, est-ce que je suis folle ? Un peu je crois. Je me concentre, je suis dans la douche et je suis trempée, mes vêtements sont tout mouillés c'est pour ça que j'ai froid. Il est devant moi, il me regarde.
- Ça va mieux ? Putain, tu m'as foutu une de ces trouilles. S'il te plait chérie, réponds-moi.
J'aimerais lui répondre mais je n'y arrive pas, les mots sont là, mais ils ne sortent pas et je ne sais pas pourquoi. Alors je hoche la tête. Putain, qu'est-ce que j'ai mal, tellement mal au cœur qu'il me faut de gros efforts pour qu'il continue de battre. Ce serait tellement plus simple s'il pouvait s'arrêter juste comme ça, mais s'il s'arrête je meure, est-ce que j'ai envie de mourir ? Non je ne crois pas, mais ça fait tellement mal et je ne sais pas comment faire, pour que ça s'arrête.
Nico est content j'ai bu du café, mais ça fait mal ça aussi, ça donne envie de vomir, je n'en veux plus. Je ne voulais que lui, mais il n'est plus là, il est parti, il m’a abandonnée, il m’a laissée toute seule.
Ça fait tellement mal...
Jour 6 de l'après.
Aujourd’hui je me suis réveillée en colère, très en colère. Alors je me suis levée et j'ai commencé à casser des trucs. Je jette contre le mur des assiettes et des verres, j'aime le bruit que ça fait, c'est comme quand mon cœur a explosé en mille morceaux. Il est brisé comme le verre à mes pieds. Maman disait toujours qu'il n'y a qu'en cassant que l'on peut remplacer. Alors je casse, je balance. Peut-être que je pourrai aussi remplacer mon cœur.
Ce cœur qui me fait si mal, c'est comme si on m’avait mis un couteau à l'intérieur et à chaque fois que je respire, le couteau entre et sort. Nico arrive en courant, il se jette sur moi, il est drôle, il ressemble à un personnage de dessins animés comme ça.
- putain, mais qu'est-ce qui te prend, t'es devenue dingue ou quoi ?
Je le regarde en clignant des yeux, est-ce que je suis dingue? Oui je pense un peu quand même, mais pas trop non plus, juste assez pour avoir envie de casser des trucs, ça fait du bien. Il devrait essayer. Je prends une assiette et je lui tends, il la prend mais ne fait rien. Alors je lui montre, j'en prends une autre et je la jette, il me regarde et fait pareil.
- C'est ça chérie, tu veux tout casser ? Alors allons-y gaiement !
Il jette plein de trucs partout autour de nous et moi je ris, je rigole tellement que j'ai mal partout. J'ai mal au ventre, Nico rit avec moi et il me prend dans ses bras. C'est le chantier autour de nous, mais c'était très amusant. Il m'assied sur le canapé et commence à ramasser, je me lève et je vais l'aider. Après tout, c'est moi qui ai commencé. J'ai bien aimé le son qui est sorti de ma bouche quand j'ai ri, il y avait longtemps, mais je n'arrive toujours pas à parler.
Il m'a fait boire aujourd'hui et maintenant j'ai mal au ventre, mais pas autant que la douleur qui me comprime la poitrine. Il n'y a rien de pire que celle-ci et elle ne veut pas s'arrêter, parce qu’il n’est plus là, il est parti, il m’a abandonnée, il m’a laissée toute seule.
Ça fait tellement mal...
Jour 7 de l'après.
Je suis sur le canapé et j'attends Nico qui fait du café, qu'est-ce qu'il est long. On frappe à la porte, mais je ne veux voir personne, juste Nico et moi. Il va ouvrir.
Il est là, mais il semble différent, il a une barbe, c'est bizarre mais ça lui va bien, ses yeux sont cernés et son regard triste, mais il est toujours aussi beau. Il vient droit vers moi, mais je ne veux pas le voir, je lui ai fait trop de mal. Je ne dois surtout pas recommencer, il doit partir et ne plus jamais revenir. Je mérite cette douleur, mais pas lui, lui il mérite d'être heureux, mais pas avec moi. Je ne le mérite pas. Je me lève et me cache derrière le canapé, il ne me verra peut-être pas comme ça.
- Mickaël va- t'en, tu vois bien qu'elle ne veut pas te voir.
Nico lui crie dessus, mais il ne veut pas l'écouter. Il s'accroupit devant moi et veut me prendre la main, alors je recule aussi vite que je peux. Nico se met devant moi, il me protège.
- Nico, je te conseille de te pousser, sinon je ne réponds plus de rien. Je veux juste m'assurer qu'elle va bien !
- Elle ne veut pas te voir, tu lui fais peur !
Non il ne me fait pas peur, il ne comprend rien, pourquoi il ne comprend rien ?
Mickaël attrape Nico et le jette de l'autre côté de la pièce, non ils ne doivent pas se battre, pas pour moi, alors je me lève et je crie aussi fort que je peux.
- STOP !
Tout s'arrête,
ils m'ont enfin entendue.
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